jeudi 24 février 2022

Le postier de DDU

La base Dumont d'Urville possède le bureau de poste français le plus au sud du globe. La gérance postale (GP pour les intimes) est l'une des missions d'un hivernant en poste pour une année. En terre Adélie, c'est le chef du BCR (bureau communications radios) qui s'en occupe. Et ce n'est pas une petite tache, ni la moindre de ses activités...!

Laurent GIRERD POTIN/TAAF/Institut Polaire Français

Entre les courriers et colis arrivants comme partants principalement pour les hivernants, auquel il faut ajouter les plis des philatélistes du monde entier qui sollicitent des envois de timbres des TAAF (très prisés) ainsi que les cachets postaux très originaux, le gérant postal ne chôme pas, notamment lors de la campagne d'été. Tout le courrier transite par le bateau l'Astrolabe lors des cinq rotations "estivales".

Laurent GIRERD POTIN/TAAF/Institut Polaire Français

Cette saison 2021/2022, c'est Laurent qui occupe la fonction de gérant postal. L'accès facilité à l'internet depuis DDU ne dissuade pas l'envoi de courriers postaux qu'il faut bien relever dans l'unique boite aux lettres mise en place. Vous noterez la tenue "règlementaire" du facteur : la vraie chasuble "La poste" et.....les charentaises. Tenue validée Institut Polaire, les charentaises sont dans la dotation vestimentaire de l'hivernant.

Camille FEVRIER/TAAF/Institut Polaire Français

Comme toute agence postale, il y a un travail d'oblitération du courrier partant, à la petite exception près qu'au tampon dateur habituel, Laurent rajoute de nombreux tampons personnalisés, commémorant une fonction, un évènement ou tout simplement une personne de l'équipe.

Camille FEVRIER/TAAF/Institut Polaire Français

Ci-dessous, quelques exemples de tampons personnalisés (médecin, ornithologue, météorologues, menuisière de la mission 72).....

Laurent GIRERD POTIN/TAAF/Institut Polaire Français

Quant aux philatélistes, ce sont plusieurs milliers d'envois par an qui sont nécessaires pour répondre à leurs sollicitations. Souvent méticuleux, ils accompagnent leurs paiements, de consignes très précises quant au choix et à l'emplacement d'apposition des timbres et des cachets.

Laurent GIRERD POTIN/TAAF/Institut Polaire Français

A l'occasion d’évènements particuliers, la gérance postale peut même créer des enveloppes personnalisées qui deviendront des "collectors" pour philatélistes passionnés (une dizaine de fois par an en moyenne).

Laurent GIRERD POTIN/TAAF/Institut Polaire Français

La philatélie (autrefois appelée la timbrologie) représente une véritable activité pour l’administration des Terres Australes et Antarctiques Françaises (TAAF), cette administration éditant en partenariat avec le groupe "La Poste", une quinzaine de nouveaux timbres chaque année.

Laurent GIRERD POTIN/TAAF/Institut Polaire Français

Quelques exemples de timbres des TAAF particulièrement prisés.

Laurent GIRERD POTIN/TAAF/Institut Polaire Français

Loin de l'anecdote ou du folklore, la philatélie et la gestion du courrier (essentiel au "moral des troupes") sont des activités indispensables et des secteurs d'excellence pour les TAAF.

(merci à Laurent, le gérant postal de la TA 72, pour sa précieuse contribution à cet article)

dimanche 20 février 2022

Les ballons de radio-sondage

8h45 à DDU, comme un rituel, la station de Météo France, servie par Adrien l'ingénieur, Emmanuel et Bertrand les deux techniciens, lance dans l'atmosphère un ballon de radio-sondage. Au même instant, dans quatorze autres sites en France métropolitaine et outre-mer, a lieu un lancer identique. 

Ce radio-sondage permet d'établir un profil vertical de l'atmosphère, du niveau de la mer jusqu'à 25 km environ, en relevant chaque seconde environ, la pression, la température, l'humidité et le vent.

Emmanuel LINDEN/Météo France/Institut Polaire Français

Les informations sont transmises en direct au sol via les ondes radio, aussi bien à la montée qu'à la descente du ballon après éclatement et viennent compléter et calibrer les données satellitaires. 

La sonde, après initialisation sur un banc de calage, calibrage et vérifications, est placée dans un petit container isolant destinée à la protéger.

Emmanuel LINDEN/Météo France/Institut Polaire Français

Entre les mois de mars en novembre, lorsque certaines conditions météorologiques bien particulières sont réunies, la station Météo France de DDU procède également au lancer de sondes plus volumineuses dans la stratosphère (jusqu'à 35 km). Ces sondes sont destinées à mesurer la concentration d'ozone (ce qui permet de suivre et mesurer le fameux trou de la couche d'ozone).

Mickaël BITEAU/Météo France/Institut Polaire Français

Le ballon est préalablement  gonflé dans son hangar, bien à l’abri du vent et des intempéries, les lancers ayant lieu tous les jours, sauf pour des raisons de sécurité si le vent moyen dépasse les 70 Kt (environ 130 km/h).

Emmanuel LINDEN/Météo France/Institut Polaire Français

Le ballon est gonflé à l’hélium, ce qui lui permet de grimper à une vitesse ascensionnelle de 5 m/seconde. Lorsqu'il arrivera à son altitude maximale, compte tenu de la diminution de la pression extérieure, le ballon mesurera environ 8 mètres au moment de son éclatement.

Audrey A./Marine Nationale/Institut Polaire Français

La sonde est fixée au ballon via un dérouleur de fil de 25 mètres environ, qui se déplie durant les premiers mètres de l’ascension, jouant un rôle d'amortisseur en cas de vent fort, pour limiter les risque de collision entre la sonde et le ballon.

Emmanuel LINDEN/Météo France/Institut Polaire Français

Après s’être assuré que l'hélicoptère n'est pas en vol (ce serait ballot une collision entre un ballon et un hélicoptère !), le personnel désigné procède au lâcher. C'est un moment délicat et stressant, car compte tenu des conditions météorologiques qui règnent à DDU, tous redoutent un choc avec le sol ou un bâtiment.

Compte tenu de l'isolement de DDU, le lancer du ballon est encore humain, comme Kerguelen et sur trois atolls dans le Pacifique. Partout ailleurs, il a été automatisé.

Emmanuel LINDEN/Météo France/Institut Polaire Français

Un instant presque de grâce, auquel tout le monde peut participer. C'est une tradition à DDU, chaque personne peut lâcher "son ballon"  sous la surveillance attentive d'un personnel météo.

Emmanuel LINDEN/Météo France/Institut Polaire Français

Le ballon mettra un peu moins de deux heures pour atteindre les 25 km d'altitude et les données recueillies permettront d'alimenter le réseau d'observations météorologiques mondiales, utile aux modèles de prévision du temps. DDU contribue donc à fiabiliser les prévisions météorologiques.

Jean Philippe GUERIN/TAAF/Institut Polaire Français

En ce mois de février 2022, aux alentours du 24 février, sera lancé le 23.000ième ballon depuis que la Météorologie Nationale puis Météo France opèrent à DDU.

(article rédigé avec la collaboration d'Adrien, Emmanuel et Bertrand de Météo France, un grand merci).

dimanche 13 février 2022

Le P137

Le programme IPEV 137 Ecophy-Antavia, plus communément appelé P137, est un programme scientifique qui s'intéresse à DDU aux capacités adaptatives des oiseaux marins face aux changement environnementaux. C'est un programme de suivi à long terme du manchot Adélie.......

Nicolas LECOMTE/Université de Moncton/Institut Polaire Français

 ....de sa majesté le manchot empereur ....

Jean Philippe GUERIN/TAAF/Institut Polaire Français

....et de l'océanite de Wilson.

Jean Philippe GUERIN/TAAF/Institut Polaire Français  

Pour la campagne d'été 2021/2022, l'équipe du programme se composait de cinq personnes, Nicolas le responsable canadien, May Li vétérinaire,Isabelle étudiante américaine, Adélie vétérinaire et Téo un doctorant.

Nicolas LECOMTE et Téo BARRACHO/Université de Moncton/Institut Polaire Français

Le suivi et l'observation de la colonie peut se faire de manière visuelle depuis un observatoire dans lequel prend place l'ornithologue....

Téo BARRACHO/Institut Polaire Français

....par caméra (sur la passerelle, une guérite d'observation et en arrière plan le bureau du laboratoire appelé "Biomar", pour biologie marine).

Jean Philippe GUERIN/TAAF/Institut Polaire Français

Le suivi des manchots Adélie est également assuré de manière automatique par un système appelé « ANTAVIA » (sorte de "passerelle à manchots"), qui détecte les entrées et sorties de la colonie de manchots munis d’une petite puce électronique, tout en enregistrant leur masse à chaque passage. Ce système recueille ainsi des informations sur la durée des séjours, à terre comme en mer, pour chaque individu et sur la quantité de nourriture que les manchots acquièrent en mer.

Céline LEBOHEC/Université de Strasbourg/Institut Polaire Français

Le suivi s'effectue également par la pose d'
enregistreurs électroniques miniatures dénommés « loggers ». Scotchés sur le dos des manchots pour une durée de quinze jours environ, ils sont programmés pour enregistrer
à intervalles réguliers, la position GPS, la pression, la température et l’accélération.

Adélie KRELLENSTEIN/Institut Polaire Français

Les données brutes sont ensuite analysées et renseignent de nombreux paramètres telles que les zones d’alimentation, la fréquence et la durée des plongées, la profondeur des plongées et même la dépense énergétique des individus.

Téo BARRACHO/Institut Polaire Français

Le suivi des populations aviaires consiste également à effectuer des mesures à intervalles réguliers sur les animaux. Ici, une campagne de marquage (pose d'un transpondeur) au cours de laquelle les poussins Adélie sont mesurés avant leur départ (bec, ailerons, taille, poids....et prise de sang).

Emmanuel LINDEN/Météo France/Institut Polaire Français

Le transpondeur (et un logger avec l'échelle) permettra de suivre l'animal tout au long de sa vie.  

 

Téo BARRACHO/Institut Polaire Français

Parfois, la nature nous réserve quelques surprises, comme ce manchot Adélie aux couleurs....inhabituelles, présent cet été à Dumont d'Urville.

Adélie KRELLENSTEIN/Institut Polaire Français

Présents tout autour de l'Antarctique, le manchot Adélie mesure en moyenne 55 cm, pèse de 3 à 7kg et vit une vingtaine d'années. A DDU d'octobre à mars, la femelle pond en général 2 œufs par saison de reproduction.

Adélie KRELLENSTEIN/Institut Polaire Français

 Pour la campagne de suivi 2021/2022, le record de plongée enregistré s'établit à -110 mètres (record maximal mesuré à -200 mètres). Dans quelques semaines, l’ensemble des manchots Adélie aura quitté la terre Adélie pour quelques mois. Ce même programme 137 mène des recherches similaires dans les îles australes françaises, à Crozet et Kerguelen, permettant ainsi de comparer les données récoltées.

(Un grand merci à Téo, Université de Strasbourg-CNRS, Centre Scientifique de Monaco et Université de Moncton/Canada, pour ses explications techniques).

jeudi 10 février 2022

La troisième dimension en terre Adélie

L'hélicoptère est indissociable de la base polaire Dumont d'Urville. Chaque été, un hélicoptère au moins, est présent depuis la première rotation de l'Astrolabe (R0) et y demeure jusqu'à la dernière (R4). Depuis quelques années, c'est la société Canadian helicopters qui est titulaire du marché.

Audrey A./Marine Nationale/ Institut Polaire Français

Michel le pilote français, en plein briefing avec la Marine Nationale : une solide expérience en l'Antarctique et presque 14.000 heures de vol au compteur...

Audrey A./Marine Nationale/Institut Polaire Français

 Serge, le mécanicien canadien et son accent chantant...

Audrey A./Marine Nationale/Institut Polaire Français

L'hélicoptère, produit par "Airbus Hélicoptère", est de type Écureuil B3, le plus puissant de la flotte. Il peut soulever jusqu'à 1200 kg de charge externe.

Pauline MARCEL/Institut Polaire Français

Michel passe ses journées à survoler le glacier de l'Astrolabe et l'archipel de Pointe Géologie. Plus qu'un travail, une passion. Jamais blasé.

Pauline MARCEL/Institut Polaire Français

L'hélicoptère est utilisé pour toutes les activités, techniques, scientifiques comme logistiques. Ici, du transport de charges (une moto neige)....

Audrey A./Marine Nationale/Institut Polaire Français

 ....ou des futs de kérosène, entre la piste du lion où ils sont livrés par l'Astrolabe et la DZ basse, lieu de stationnement de l'aéronef.

Audrey A./Marine Nationale/Institut Polaire Français

Il est également utilisé pour transporter les scientifiques lors des sessions photos de comptage des manchots ou des opérations sur le glacier...

Lucien GOULET/Institut Polaire Français

....ou encore transporter le béton qui sert à couler les assises du nouveau bâtiment de glaciologie. L'hélicoptère en terre Adélie, c'est la "bête de somme" qui permet de déplacer le fret et les personnels entre la piste du lion, la base basse et la base haute, entre les sites de Dumont d'Urville et de Robert Guillard lorsqu’il n'y a plus de banquise.

Nicolas PERNIN/Institut Polaire Français

"India Victor" au décollage sur la DZ de la base haute. Au milieu des bâtiments, la vie extérieure s'interrompt temporairement pour assurer la sécurité.

Serge BEGON/Institut Polaire Français

C'est enfin le moyen de rejoindre le brise glace lorsque celui-ci n'est pas accosté au quai du lion. C'est parfois le dernier regard des partants, l'ultime coup d’œil.... mais quel coup d’œil !

Serge BEGON/Institut Polaire Français
 

mercredi 9 février 2022

L'au revoir et les adieux

Puisqu'il faut bien que ça s'arrête un jour, pour certains c'est à R3, le lundi 7 février, que la mission a pris fin. A DDU, tout commence et finit au bâtiment 31, le séjour, notre lieu de vie collective. Le temps d'un dernier café, d'une ultime carte postale n'est-ce pas Yann.....

Céline DUPIN/TAAF/Institut Polaire Français

 ....d'un sourire Lucien, d'un clin d’œil, d'une accolade appuyée, d'une embrassade....

Céline DUPIN/TAAF/Institut Polaire Français

Ce qui est certain, c'est qu'il y a de l'émotion dans l'air. L'occasion aussi pour Thomas de présenter le tableau de mission de la TA 71.

Céline DUPIN/TAAF/Institut Polaire Français

Puis, partants et accompagnants rejoignent par la passerelle, l'embarcadère (l'abri côtier) pour enfiler les combinaisons de survie de "type Guantánamo".....

Céline DUPIN/TAAF/Institut Polaire Français

Pas toujours très simple mais indispensable pour rejoindre en zodiac, l'Astrolabe qui croise au large. L'eau est à -1,2°.....ce n'est pas le moment de jouer !

Céline DUPIN/TAAF/Institut Polaire Français

Il y a de l'ambiance, de la cohésion. Les équipes ont passé de quelques semaines à quelques mois sur place, pour certains presque une année et demi (15 mois).

Céline DUPIN/TAAF/Institut Polaire Français

 Jérémy a tout essayé pour rester, on a fini par le retrouver malgré son camouflage.

Céline DUPIN/TAAF/Institut Polaire Français

Le toubib de la TA 71 au départ, heureux et à l'aise dans sa combinaison....L'heure de la délivrance a sonné, le devoir accompli.

Céline DUPIN/TAAF/Institut Polaire Français

 Le temps d'un dernier signe pour May Li....

Céline DUPIN/TAAF/Institut Polaire Français

 Le même Jérémy retrouvé et équipé, prêt à son tour.

Céline DUPIN/TAAF/Institut Polaire Français

Une dernière photo. A DDU, tout va plus vite que dans la vraie vie, les relations comme l'émotion. Les cœurs se serrent, les yeux s'humidifient......un dernier appel du Dista, il est temps d'y aller.

Céline DUPIN/TAAF/Institut Polaire Français

Un ultime salut, un dernier "au revoir" crié et l'embarcation de la Marine Nationale s’éloigne pour rejoindre le brise glace, emportant des amours, des amitiés, des fraternités d'Antarctique.....mais aussi et surtout des souvenirs et des images plein les yeux.

Céline DUPIN/TAAF/Institut Polaire Français

On ne quitte pas vraiment tout à fait la terre Adélie......on y laisse une part de soi, le sentiment d'avoir vécu quelque chose de fort et de géant. Ainsi va DDU !