samedi 29 avril 2023

Les hivernants (suite) : les ornithos

 

Plus souvent dehors que dedans, elles connaissent tous les recoins des îles de l’archipel, la position des colonies d’oiseaux, les zones de repos des phoques. 

Ainsi dans le cadre de leurs différents programmes scientifiques elles doivent baguer, compter, photographier, enregistrer…c’est un travail continu et harassant qui est très dépendant des conditions météorologiques.

 

Les deux Biomettes « beaucoup trop stylées » © Laurent Le Guiniec - TAAF


Servane est donc l’écologiste du programme 109 : « ORNITHOECO » - Oiseaux et mammifères marins sentinelles des changements globaux dans l’océan austral. 

Servane, tout sourire en découvrant son nouveau terrain de jeux à son arrivée en octobre 2022. © Vianney Michelet - IPEV

 

Son rôle est essentiellement de réaliser le suivi des 9 espèces d’oiseaux et de mammifères marins, listées ci-dessous, se reproduisant en Terre Adélie.

En tant que prédateurs marins, ces espèces sont des bio-indicateurs environnementaux, aussi connues sous le nom d’espèces sentinelles. Ainsi, grâce aux études à long terme (démographie, dynamique des populations, phénologie, etc.), il est possible de comprendre comment ces oiseaux et mammifères marins réagissent aux changements de leurs écosystèmes, ce qui permet aussi de déduire comment les écosystèmes marins sont impactés par les changements globaux.

Pour en savoir plus sur le labo et les objectifs du programme: https://www.cebc.cnrs.fr/recherche/les-observatoires/ornithoeco-2/

 

Durant l’été, le rythme de travail de Servane a été dicté par le cycle de reproduction de toutes les espèces étudiées (excepté le manchot Empereur se reproduisant en hiver). 

On a pu l’apercevoir sur l’île des Pétrels lors des différents suivis qu’elle a réalisés dans les colonies d’études de pétrels des neiges, damiers du Cap ou fulmars antarctiques ou lors de comptages et contrôles des nids d’études d’océanites de Wilson. 

Sinon, elle était sans doute en train de parcourir l’archipel pour dénombrer les couples reproducteurs de skuas antarctiques et manchot Adélie, notamment, ou encore pour compter et transponder les phoques de Weddell. 

 Une grosse partie de son travail a aussi concerné le baguage des poussins. Le baguage permet de connaitre le parcours de vie des individus et de suivre l’évolution des populations de l’archipel.

Tous les ans, toutes des colonies de manchot Adélie de l’archipel Pointe Géologie sont prospectées à trois reprises afin de connaître, année après année, le nombre exact de couples reproducteurs et l’évolution de la reproduction au cours de la saison. Cela se fait, au maximum à pied lorsque la banquise le permet, en comptage direct, ou par voie aérienne via des photo-comptages, comme ici. © Agnès Lewden - CNRS



Baguage d’un poussin pétrel des neiges lors du baguage dit « massif » qui consiste à baguer tous les poussins de pétrel des neiges et damier du Cap de l’archipel Pointe Géologie  éclos durant la saison de reproduction. Tous les poussins de skua antarctique, fulmar antarctique et pétrel géant antarctique sont aussi bagués lors de différentes manips. © Thomas Lochard - IPEV





Chaque été, des études complémentaires sont menées en parallèle des projets à long terme. Cette année une étude toxicologique a été menée afin de déterminer la concentration de polluants, tels que les PFAS (des tensioactifs présents dans bon nombre de nos produits du quotidien), dans l’environnement via les oiseaux marins.

Une autre étude vise à déterminer les aires de répartition et donc de nourrissage des pétrels géants antarctiques (PGA) durant l’été austral. Pour cela, et pour la première fois, des GLS (Geo Localisator Sensor) permettant de collecter des données de localisation sur plus d’une année, ont été déployés.

 

Pose de GLS, en douceur et avec grande précaution, sur la patte d’un pétrel géant antarctique © Jimmy ALLAIN - IPEV


L’hiver se faisant de plus en plus ressentir au fur et à mesure que l’hivernage avance, les îles se sont progressivement vidées. Seuls quelques PGA peuvent encore être observés dans le ciel et Servane contrôle précautionneusement les derniers poussins prêts à quitter ces terres à leur tour.

Ils laissent donc place aux manchots empereurs qui retiendront toute son attention, tout au long de l’hiver. Elle suit et suivra de près la dynamique de la population en comptant les colonnes d’arrivées et de départs tout au long de la saison, et en posant des antennes de détection d’individus transpondés (mutualisés avec le prog. 137). Avec Coralie, elles réaliseront ensemble des passages quotidiens à la manchotière .

Servane surveillera attentivement l’évolution de la reproduction tout au long de l’hiver et passera ensuite des heures à observer la colonie pour étudier le phénomène de rapt des poussins par les parents, après la perte de leur propre poussin. 

S’ensuivra le transpondage d’un échantillon de poussins, réalisé en partenariat par les deux programmes (109 et 137), qui sera l’occasion pour leurs co-hivernants et les campagnards de ressentir la force et la résistance de cette incroyable espèce qu’est le manchot empereur.

Manchotière, ou Rookerie, située entre le Nunatak et le glacier de l’Astrolabe © Servane Kiss - IPEV


Coralie est quant à elle vétérinaire et hiverne cette année pour le programme 137 « ECOPHY-ANTAVIA » - Stratégies adaptatives et dynamique spatio-temporelle des populations de prédateurs marins face aux changements rapides de leur environnement. 

Coralie, contente de débuter l’hivernage à DDU ! © Louis Grauwin - IPEV


Son rôle est d’étudier les adaptations du manchot Adélie (Pygoscelis adeliae) et du manchot empereur (Aptenodytes forsteri), utilisées comme espèces sentinelles face aux changements environnementaux actuels et à venir, dans le cadre de ce programme à long terme (Observatoires du vivant).

Pour en savoir plus sur les objectifs du programme: https://institut-polaire.fr/fr/programmes_soutenus/strategies-adaptatives-et-dynamique-spatio-temporelle-des-populations-de-predateurs-marins-face-aux-changements-rapides-de-leur-environnement/

 L’été, c’est principalement la saison de reproduction des manchots Adélie de la colonie d’étude ANTAVIA qui a rythmé les journées et les nuits de veille de Coralie : maintenance du système de pesée et de détection des entrées et sorties des individus présents sur la colonie, suivi biquotidien de couples d’intérêt et de leur descendance, équipement de biologgers pour étudier le comportement en mer, transpondage de la cohorte de poussins, déploiement d’antennes sur l’archipel pour étudier la dispersion des individus transpondés les années précédentes, etc. 

Recherche de manchots Adélie transpondés à Port-Martin, à l'aide d'une perche de détection. L'objectif est d'étudier la dispersion des manchots Adélie transpondés sur la colonie ANTAVIA (DDU) vers d'autres colonies de l'Archipel de Pointe Géologie, et dans ce cas particulier, sur d’autres territoires antarctiques plus éloignés. © Gregory Tran - IPEV.


Coralie postée en hauteur, contrôlant les couples de manchots Adélie (Pygoscelis adeliae) suivis sur la colonie ANTAVIA de l’île des Pétrels. Rituel biquotidien de la campagne d’été, avec un suivi des individus (mâle, femelle ou couple) présents sur les nids suivis et de la présence d’œufs ou de poussins. © Arnaud Reboud - IPEV


Depuis le début de l’hiver, c’est sur la colonie des manchots empereurs (Aptenodytesforsteri) que Coralie passe ses journées lorsque la météo est conciliante. 

Là aussi les activités ne manquent pas : comptages hebdomadaires de la population présente, suivi de plusieurs couples reproducteurs et enregistrement de leurs chants, déploiement d’antennes pour étudier le retour sur la colonie des individus transpondés les années précédentes, utilisation d’appareils photos pour étudier la formation des tortues (rassemblement des manchots pour se protéger du froid et du vent) et les déplacements de la colonie, transpondage d’une partie de la cohorte de poussins conjointement avec le programme 109, etc.

Régulièrement, Coralie et Servane sollicitent les autres hivernants pour les accompagner et les aider pour les manips. Cela permet à chacun d’entre nous de participer concrètement à une partie des activités scientifiques et de découvrir cette faune si riche.

Judith, allongée sans bouger dans le froid, surveillant si les manchots empereurs (Aptenodytes forsteri), en train d’arriver depuis la mer vers la colonie, sont transpondés. © Coralie Cazals - IPEV


 

Servane et Pauline de bonne heure sur le Nunatak lors de la reconnaissance banquise avec le Dista après les tempêtes Pierre et Laurent, afin de rouvrir l’accès à Rostand et au Nunatak et permettre la reprise des manips des deux programmes. © Laurent Le Guiniec - TAAF

 


Arnaud et Louis, heureux de tirer le matériel bien lourd du programme 137 (batteries, panneaux solaires…) jusqu’au Nunatak, où se situe la colonie de manchots empereurs (Aptenodytes forsteri). © Coralie Cazals - IPEV



 Rédaction : Servane Kiss, Coralie Cazals et le Dista