mardi 16 avril 2019

A la recherche des manchots Adélie transpondés: la dispersion



Journée sur les Iles de Ifo et Fram du 19 décembre 2018
A la recherche des manchots Adélie transpondés : la dispersion.

Cette mission consistait à la pose de valises RFID dotées d’antennes mobiles afin de pouvoir détecter le déplacement de manchots Adélie transpondés de la colonie Antavia (cf article précédent sur la manip transpondage).

En installant ces systèmes sur des sites éloignés de notre colonie pendant plusieurs semaines, on peut détecter de manière opportuniste le passage de nos manchots transpondés : ceux qui sont en vadrouille !
Cet été, nous sommes allés à différents endroits autour de l’île des Pétrels, parfois à pied, ou en bateau (Fig. 1) et hélicoptère (merci l’IPEV !), pour poser ces « antennes à dispersion » :  Cap Jules (environ 30 km), Cap géodésie, les îles Ifo, Fram et Gouverneur…
 
Fig.1: L'équipage en route vers les îles Ifo et Fram - Crédit photo: Mervyn Ravitchandirane - IPEV
 
Nos antennes mobiles sont constituées de deux valises : une valise d’alimentation avec des batteries et un panneau solaire, ainsi qu’une valise d’acquisition constituée d’un module électronique et d’une antenne (Fig. 2).

Fig.2: Les valises d'alimentation et d'acquisition des antennes - Crédit photo: Mervyn Ravitchandirane - IPEV
  
La pose de ces valises se fait de façon stratégique afin qu’elles soient le plus efficace possible : il faut les placer sur les chemins de passage réguliers des manchots ainsi que dans un endroit relativement ensoleillé (Fig. 3).

 
Fig.3: Repérage du lieu afin de poser les valises au meilleur endroit possible - Crédit photo: M. Ravitchandirane - IPEV
 
 Une fois le meilleur endroit trouvé, il faut étendre l’antenne (câble fin posé au sol horizontalement sur plusieurs mètres) et la placer sous la neige pour la camoufler   (Fig. 4).

Fig.4: Pose et mise en oeuvre des valises et de l'antenne - Crédit photo: Mervyn Ravitchandirane - IPEV
  
Ainsi, durant l’été, 11 sites ont été étudiés. Sur ces 11 sites, allant de quelques centaines de mètres de notre colonie à plusieurs dizaines de kilomètres, nos antennes ont détecté 2 280 passages ! Certains individus y sont passés plusieurs fois, avec in fine la détection de 262 profils différents.

Comme tous ces manchots Adélie transpondés figurent dans notre base de données, il est possible de connaitre l’identité de chacun. Par exemple, on peut se rendre compte qu’une grande partie de ces individus (presque la moitié !) sont des « juvéniles », c’est-à-dire des oiseaux transpondés au stade poussin en 2016, qui ont donc maintenant 3 ans. On voit que lorsqu’ils sont jeunes, les manchots ont cette capacité à explorer de nouvelles colonies, à aller voir de nouveaux sites : eux aussi ont envie de voir le monde ! A moins qu’ils ne se soient perdus… !

La plupart de ces juvéniles sont aussi revenus dans la colonie Antavia cette année : peut-être que, l’année prochaine, ils éliront notre colonie pour y tenter leur première reproduction ? Affaire à suivre….

D’autres individus, des adultes cette fois-ci, sont aussi détectés. Ce qui nous intéresse, c’est la part de ces adultes qui ne reviennent pas dans la colonie Antavia depuis un an ou plus. Sur les 262 individus détectés, environ 50 manchots Adélie sont concernés. Ainsi, environ 19 % des oiseaux détectés ne sont pas revenus depuis une année à la colonie Antavia. Cette part renseigne sur les capacités de dispersion de cette espèce, c’est-à-dire sa propension à coloniser de nouveaux endroits. C’est une donnée très importante en écologie et en dynamique des populations, car ces individus que l’on ne voit plus dans la colonie ne sont donc pas morts, mais simplement allés se reproduire ailleurs.

Ce comportement de dispersion peut aussi refléter les capacités d’une espèce à s’adapter face à des changements venant perturber leur colonie : par exemple dans un contexte de changements environnementaux et climatiques, arriveront-ils facilement à quitter la zone pour chercher de nouveaux sites potentiels de reproduction ?

La dispersion est donc une facette très importante de la vie des manchots, que l’on étudie à partir de la base DDU et qui nous offre la possibilité de partir nous aussi, le temps de quelques journées, en « dispersion » !

Douglas Couet (manchologue p.137 TA69) et Mervyn Ravitchandirane (instrumagicien TA69).



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