Journée sur les Iles
de Ifo et Fram du 19 décembre 2018
A la recherche
des manchots Adélie transpondés : la dispersion.
Cette
mission consistait à la pose de valises RFID dotées d’antennes mobiles afin de pouvoir
détecter le déplacement de manchots Adélie transpondés de la colonie Antavia
(cf article précédent sur la manip transpondage).
En
installant ces systèmes sur des sites éloignés de notre colonie pendant
plusieurs semaines, on peut détecter de manière opportuniste le passage de nos manchots
transpondés : ceux qui sont en vadrouille !
Cet
été, nous sommes allés à différents endroits autour de l’île des Pétrels,
parfois à pied, ou en bateau (Fig. 1) et hélicoptère (merci l’IPEV !),
pour poser ces « antennes à dispersion » : Cap Jules (environ 30 km), Cap géodésie, les îles
Ifo, Fram et Gouverneur…
Nos
antennes mobiles sont constituées de deux valises : une valise d’alimentation
avec des batteries et un panneau solaire, ainsi qu’une valise d’acquisition
constituée d’un module électronique et d’une antenne (Fig. 2).
Fig.2: Les valises d'alimentation et d'acquisition des antennes - Crédit photo: Mervyn Ravitchandirane - IPEV |
La
pose de ces valises se fait de façon stratégique afin qu’elles soient le plus
efficace possible : il faut les placer sur les chemins de passage
réguliers des manchots ainsi que dans un endroit relativement ensoleillé (Fig.
3).
Fig.3: Repérage du lieu afin de poser les valises au meilleur endroit possible - Crédit photo: M. Ravitchandirane - IPEV |
Une fois le meilleur endroit trouvé, il faut étendre l’antenne (câble fin posé au sol horizontalement sur plusieurs mètres) et la placer
sous la neige pour la camoufler (Fig. 4).
Fig.4: Pose et mise en oeuvre des valises et de l'antenne - Crédit photo: Mervyn Ravitchandirane - IPEV |
Ainsi, durant l’été, 11 sites ont été étudiés. Sur ces 11 sites, allant de quelques
centaines de mètres de notre colonie à plusieurs dizaines de kilomètres, nos antennes
ont détecté 2 280 passages ! Certains individus y sont passés plusieurs
fois, avec in fine la détection de
262 profils différents.
Comme
tous ces manchots Adélie transpondés figurent dans notre base de données, il est possible de connaitre
l’identité de chacun. Par exemple, on peut se rendre compte qu’une grande
partie de ces individus (presque la moitié !) sont des « juvéniles »,
c’est-à-dire des oiseaux transpondés au stade poussin en 2016, qui ont donc
maintenant 3 ans. On voit que lorsqu’ils sont jeunes, les manchots ont cette
capacité à explorer de nouvelles colonies, à aller voir de nouveaux sites :
eux aussi ont envie de voir le monde ! A moins qu’ils ne se soient perdus… !
La
plupart de ces juvéniles sont aussi revenus dans la colonie Antavia cette
année : peut-être que, l’année prochaine, ils éliront notre colonie pour y
tenter leur première reproduction ? Affaire à suivre….
D’autres
individus, des adultes cette fois-ci, sont aussi détectés. Ce qui nous
intéresse, c’est la part de ces adultes qui ne reviennent pas dans la colonie
Antavia depuis un an ou plus. Sur les 262 individus détectés, environ 50 manchots
Adélie sont concernés. Ainsi, environ 19 % des oiseaux détectés ne sont pas revenus depuis une année à la colonie Antavia.
Cette part renseigne sur les capacités de dispersion de cette espèce,
c’est-à-dire sa propension à coloniser de nouveaux endroits. C’est une donnée
très importante en écologie et en dynamique des populations, car ces individus
que l’on ne voit plus dans la colonie ne sont donc pas morts, mais simplement
allés se reproduire ailleurs.
Ce
comportement de dispersion peut aussi refléter les capacités d’une espèce à
s’adapter face à des changements venant perturber leur colonie : par
exemple dans un contexte de changements environnementaux et climatiques, arriveront-ils
facilement à quitter la zone pour chercher de nouveaux sites potentiels de reproduction
?
La
dispersion est donc une facette très importante de la vie des manchots, que
l’on étudie à partir de la base DDU et qui nous offre la possibilité de partir
nous aussi, le temps de quelques journées, en « dispersion » !
Douglas
Couet (manchologue p.137 TA69) et Mervyn Ravitchandirane (instrumagicien TA69).
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