dimanche 5 mai 2019

Voyage vers Prudhomme

Avant, il y avait ça:

Cap Prudhomme (PDH) - Vue prise de l'abri du ballon météo à DDU - Crédit photo: Gaétan Heymes
Mais ça, c'était avant. Et ça n'était pas forcément mieux avant... Depuis, l'embâcle est passée et la mer libre s'en est allée.
Désormais, nous avons ça:

Cap Prudhomme (PDH) toujours - Vue du 18 avril 2019 - Crédit photo: Gaétan Heymes
La débâcle des 16 et 17 mars derniers à l'Est de l'île des Pétrels est déjà loin. Depuis, servie par une température moyenne de -15°C ces derniers temps, la glace de mer a repris ses droits dans les chenaux entre les différents patchs de terres émergées. Les activités techniques vers le Lion et scientifiques vers les îles de la ZSPA ont pu reprendre, au grand soulagement de Douglas et Virgil qui vivent désormais au rythme de "leur" colonie de manchots Empereur, à proximité de Rostand.

Une autre destination est devenue l'objet d'attentions particulières: cap Prudhomme. En effet, voilà déjà deux mois que les campagnards d'été ont quitté la base annexe et Aurélien, l'électricien de la Mission, se verrait bien aller vérifier le bon ordre des installations placées en position d'hivernage.
Grégoire, glaciologue de son état, a également mis son équipement en préchauffage et se tient prêt à faire route vers le Sud Ouest pour se rendre sur les hauts du site avec une équipe de façon à pouvoir mener à bien sa première "manip en H" mensuelle (recueil de mesures sur différents points).

Oui mais voilà: que valent les 5 km de route séparant DDU de PDH?
La très sérieuse Australian Antarctic Division précise dans son AAD Field Manual (13ème édition - septembre 2012) que pour être praticable à pied en sécurité, la jeune banquise doit posséder une épaisseur minimale de 20 cm de "fresh sea-ice".
Il nous faut donc aller sur zone, avec toutes les précautions d'usage pour ce premier transit conséquent sur la glace de mer, de façon à vérifier si, dans l'Ouest comme dans l'Est des Pétrels, il est possible de "marcher sur l'eau".

En route vers Prudhomme - Crédit photo: Mervyn Ravitchandirane - IPEV
Jeudi 25 avril, 09h00. L'équipe se met en route à partir de l'Anse du Pré, non loin du hangar bleu. Nous allons suivre le chenal Pedersen pour passer entre le Sud des Pétrels et l'îlot Marégraphe puis faire cap sur l'étrave, droit vers Prudhomme.
Devant: Norbert le chef centrale et Alain le dista. Viennent ensuite Nicolas T. notre mécanicien de précision (appellation mépré) et Guillaume, lidariste émérite (l'homme au rayon vert) également  service base de qualité à ses heures perdues. Mervyn, l'instrumagicien roi de la valise RFID est aujourd'hui derrière l'objectif.

Le sondage de la banquise se fait "à l'ancienne". On perce des trous sur le trajet à l'aide d'une tarière électrique munie d'une batterie et équipée de forets adaptables en longueur. Il reste ensuite à introduire un ruban-mesure équipé d'un arrêtoir d'extrémité repliable dans l'orifice pour pouvoir lire l'indication d'épaisseur à l'endroit choisi. Ce matériel, d'un encombrement et d'un poids non négligeables est trainé dans une pulka. Pour l'occasion, c'est Nico.T "Tarzan" qui s'occupe de l'attelage... et pas question pour lui de le lâcher avant le retour aux Pétrels!

Nico et sa pulka - Crédit photo: Mervyn Ravitchandirane - IPEV
Ces premiers sondages "longue distance" ont également permis de mettre en oeuvre pour la première fois un conductimètre mis à disposition par l'IPEV lors de la campagne d'été dans la perspective des futurs transits de l'Astrolabe par banquise bien établie de façon à pouvoir juger rapidement de sa solidité en cas de besoin de transfert de fret sur glace de mer lors de débâcles insuffisantes. Pour l'instant, l'appareil est en phase d'essais et les résultats obtenus devront être régulièrement comparés avec ceux issus des forages. Le "pilotage" du conductimètre monté sur un traineau équipé d'un support "maison" est assuré par Guillaume et Mervyn.

Les pilotes du conductimètre - Les Pétrels au fond - Crédit photo: Mervyn Ravitchandirane - IPEV

Guillaume et le traineau - L'île du Gouverneur à gauche - Crédit photo: Mervyn Ravitchandirane - IPEV
Et les trous se succèdent. A la tarière, c'est Norbert. Trou artistique ou trou classique, il suffit de demander. A l'issue, Alain mesure.

Trou artistique - Crédit photo: Mervyn Ravitchandirane - IPEV

Trou classique - Crédit photo: Mervyn Ravitchandirane - IPEV

Mesure d'épaisseur - Crédit photo: Mervyn Ravitchandirane - IPEV
Voilà environ deux heures que nous avons quitté les Pétrels. La base annexe de Prudhomme est toute proche.

Arrivée à Prudhomme - Crédit photo: Mervyn Ravitchandirane - IPEV
Nous allons pouvoir nous poser un moment pour casser une petite croûte bien méritée, non sans avoir au préalable vérifié les extérieurs des différentes installations. Tout parait clair.

Installations de Prudhomme - Crédit photo: Mervyn Ravitchandirane - IPEV
Place désormais aux sandwichs de compétition de Bertrand. Le petit thé chaud est également de rigueur.

L'équipe au poste "d'admiration" - Crédit photo: Mervyn Ravitchandirane - IPEV
Une pause appréciée - Crédit photo: Mervyn Ravitchandirane - IPEV
Aussi appréciée soit-elle, la pause et l'inactivité qu'elle génère nous ramènent rapidement à la réalité de l'environnement Antarctique. -15 à -20°C en température observée, c'est rapidement -30 à -40 en température ressentie  dès que le vent monte. Dans ces conditions, ne conserver que les sous-gants pour maitriser la dégustation du sandwich sans profiter de celle de son emballage de film plastique lorsqu'on a les lèvres engourdies par le froid, conduit rapidement à ne plus sentir ses doigts, voire à trop bien les sentir...
Midi. Il est temps de prendre la route du retour.Cette fois, pas de trous à forer. Le transit se fait à une cadence tout à fait honorable, facilité par une météo idéale et une neige assez peu présente sur la banquise, permettant à l'équipe de se passer des raquettes.
A 13h15, nous sommes de nouveau à l'anse du Pré. "La radio, la radio: retour aux Pétrels pour les cinq membres de l'équipe Prudhomme". L'incontournable appel VHF vers le BCR pour signaler les mouvements sur la glace de mer permet de connaitre en permanence la situation des membres de la Mission sur ou hors base.

Les sondages effectués à l'aller sur la jeune banquise montrent une épaisseur moyenne de l'ordre de 30 cm (GD30: glace dure 30 cm). La circulation piétonne vers Prudhomme sur l'axe reconnu est donc possible en sécurité. Néanmoins, et dans l'attente du renforcement de la glace de mer, l'accès à Prudhomme va pour l'instant être réservé à quelques manips scientifiques/techniques bien précises.


Enfin, pour conclure ce récit d'un petit voyage somme toute assez exceptionnel, il est à noter que la sortie aura permis de valider les procédures et la mise en oeuvre des équipements spécifiques destinés à sécuriser les transits "longue distance" sur la banquise. Avec l'extension progressive de celle-ci vers le large du fait de conditions hivernales chaque jour plus perceptibles, les investigations hors base vont progressivement pouvoir s'étendre à des zones jusque là accessibles aux seules espèces marines adaptées au milieu.

Parmi ces équipements, il en est un, mis en place par l'IPEV là encore lors de la dernière campagne d'été, qui autorise le suivi à à partir du BCR (bâtiment "radio" de DDU) de la cinématique suivie par la manip en cours hors base. Le "tracker Inreach" permet ainsi, à partir de signaux envoyés périodiquement par un petit émetteur équipant un des manipeurs, de suivre à distance sur écran l'avancée du groupe. Le système permet également l'envoi d'un message d'alerte en cas de nécessité.
La superposition de la capture d'écran ci-dessous avec la carte précédente est remarquable... et particulièrement rassurante!



2 commentaires:

  1. Merci pour ce très intéressant récit! Je comprends que la sonde permet une mesure de l'épaisseur de glace sans avoir a faire un forage?

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  2. Merci pour ce reportage et ces belles photos.
    Charlotte

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