vendredi 28 juin 2019

Cap sur La Dent

L'hiver est désormais bien installé en Terre Adélie.
Il se traduit par des conditions d'environnement bien particulières avec récemment un minimum de température observée de -31°C, des apports de neige parfois conséquents, des vents approchant les 200km/h, du blizzard et surtout le fameux catabatique, ce vent de terre localisé qui descend du continent en poussant de véritables murs de neige. En quelques minutes, on peut ainsi passer de 0 à 150km/h de vent avec une visibilité quasi-nulle. C'est un phénomène à anticiper et à surveiller de façon toute particulière lorsque des sorties en dehors de l'île des Pétrels sont à programmer.

Et justement, des sorties il en est question, pour les besoins logistiques et de la science, mais également pour profiter de façon ludique des 02h30 de jour officiel dont nous bénéficions actuellement par tranche de 24H00. Lever de soleil vers 11h30 et coucher vers 14h00 après une course difficile au ras de l'horizon en cette période de solstice d'hiver austral.

Jusqu'ici, hormis les manips scientifiques et logistiques vers le cap Prudhomme sur une route préalablement identifiée et sondée, l'activité hors base était restreinte aux approches immédiates des  Pétrels, du Lion et des îles de la ZSPA dans un périmètre dit de sécurité.

Une première session de sondages de glace de mer, effectuée en mai, ayant montré des épaisseurs de banquise satisfaisantes (entre 55 et 60 cm en moyenne) dans le Sud Ouest des Pétrels vers l'île du Gouverneur, une nouvelle  séance d'investigations est planifiée, vers le Nord Est cette fois, jusqu'à La Dent. La démarche, au vu des résultats obtenus, vise à élargir le périmètre de sécurité pour permettre la circulation piétonne dans une zone d'évolution reconnue permettant, avec le concours d'une météo favorable, de "s'échapper" un moment du cadre journalier habituel.


Samedi 15 juin, 10h45. La lumière de l'aube est désormais suffisante pour autoriser l'entrée sur la glace de mer. Pour des raisons de sécurité, la circulation de nuit hors île des Pétrels est interdite. Nous partons à cinq, dotés de nos "sacs banquise" réglementaires et des équipements supplémentaires (médical, positionnement, transmissions...) prévus pour les sorties amenant le personnel à s'éloigner
des abords immédiats de la base. L'incontournable tarière et ses forets à glace sont également de la partie, installés dans une petite pulka de transport.
Sortie des Pétrels par l'anse du Pré à l'issue du petit message VHF de circonstance vers "la radio".
Nous empruntons le chenal de l'Est entre Lamarck et l'extrémité Sud du Lion puis de l'île Claude Bernard.

Le long du glacier de l'Astrolabe - Crédit photo: Mervyn Ravitchandirane - IPEV
Pour la première fois, nous avons l'occasion de nous rapprocher du glacier de l'Astrolabe, tout en restant à distance raisonnable. Celui-ci est en effet en constante évolution. Alimentés par les précipitations de neige qui se déposent de façon continue sur la surface de l'Antarctique, les glaciers du continent  glissent progressivement vers la mer par gravité. Celui de l'Astrolabe, qui borde la base, "avance" ainsi d'environ 450 mètres par an. Arrivés au niveau de l'eau, sous l'effet des contraintes mécaniques (et également thermiques) générées en particulier par des mouvements sous-marins imperceptibles de la surface, des pans de glacier finissent par se détacher dans un fracas que l'on perçoit parfois depuis Dumont d'Urville. Et cela donne... des icebergs ou bergs, qui partent à la dérive lorsque la débâcle a fait son oeuvre. Les bergs sont donc constitués d'eau douce alors que la banquise, elle, est le produit d'un changement d'état de l'eau de mer.

Entre l'île Claude Bernard et le glacier, justement, un berg aux parois impressionnantes est figé dans la glace de mer et se  laisse admirer de près.

Au pied d'un berg - Crédit photo: Mervyn Ravitchandirane - IPEV

 Mais nous ne sommes pas là que pour le paysage et il est temps de sortir la tarière pour, comme déjà expliqué dans l'article "Voyage à Prudhomme" commencer notre travail de forage et de mesure de l'épaisseur de la banquise.

Forage en cours - Crédit photo: Mervyn Ravitchandirane - IPEV

 Il est 11h30 en ce matin du samedi 15 juin 2019. Le soleil se lève. Pas de vent. Peu de nuages. La température relevée sous abri est de -21°C: l'haleine gèle instantanément. Les couleurs sont magnifiques et les décors remarquables comme le montrent les vues ci-après:
Crédit photo: Patrice Pellet
Crédit photo: Patrice Pellet
Crédit photo: Patrice Pellet
Crédit photo: Patrice Pellet

Le rocher de La Dent, terme de notre sortie de ce jour, est désormais tout proche. Le forage effectué entre le glacier et un petit chaos marquant l'affleurement des récifs sera le plus Est de la session.

Non loin de La Dent - Crédit photo: Mervyn Ravitchandirane - IPEV

Nous voilà à La Dent. Nous prenons le chemin de la base en poursuivant les mesures.

La Dent- Crédit photo: Mervyn Ravitchandirane - IPEV
Pour le transit retour, un large tour est effectué depuis La Dent vers La Baleine avant de rattraper l'anse du Lion pour rejoindre l'abri côtier.

Retour vers la base - Crédit photo: Mervyn Ravitchandirane - IPEV

DDU vue du Nord Est sur la banquise - Crédit photo: Mervyn Ravitchandirane - IPEV
La carte établie à l'issue de la séance de "sondages glace" montre une épaisseur moyenne de banquise de l'ordre de 70/80 cm dans la zone contrôlée.



Les résultats obtenus ont permis d'élargir le périmètre de sécurité de façon conséquente. De quoi découvrir et s'aérer à une distance raisonnable de la base tout en restant vigilant dans l'observation des règles de sécurité en place et de l'évolution des conditions d'environnement.





Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire