jeudi 22 septembre 2022

Vent catabatique et mur de neige

Vous êtes plusieurs à m'avoir questionné au sujet des vents catabatiques. C'est  donc le moment d'y consacrer un article. 

Combattons tout d'abord trois fausses idées reçues :

1/ Le vent catabatique n'est pas spécifique à l’Antarctique, ni même aux zones polaires (il y a du vent catabatique en métropole)

2/ Le vent catabatique n'est pas synonyme de mauvais temps (on peut avoir du vent catabatique par grand ciel bleu),

3/ Le vent catabatique n'est pas forcément accompagné de chutes de neige.

Céline DUPIN/TAAF

Le terme catabatique est étymologiquement tiré du mot grec "katabatikos" qui signifie "qui descend la pente". Un vent catabatique est donc un vent qui descend le relief, on parle également de "vent gravitationnel". Du point de vue de la physique, un vent catabatique se met en place lorsqu'une masse d'air froide, donc plus dense que son environnement, déboule des hauteurs d'un relief vers la plaine ou le bord de mer.

Deux conditions cumulatives sont donc nécessaire pour que l'on puisse parler d'un vent catabatique :

1/ Une masse d'air froide,

2/ Un relief.

Et ça tombe bien, en Antarctique nous avons les deux réunis. Un plateau au centre du continent antarctique qui domine avec des altitudes moyennes de 2500 à 3500 mètres et un énorme glaçon de plusieurs kilomètres d'épaisseur qui recouvre le continent.

Jean-Philippe GUERIN/TAAF

Le vent catabatique, qui a pris de la vitesse tout au long de sa descente depuis le centre du continent, va arriver sur la côte (et donc DDU) avec une grande force, provoquant le plus souvent un important soulèvement de neige que l'on appelle un mur de neige (comme ci-dessus et ci-dessous). Ce mur peut atteindre plusieurs centaines de mètres de haut (c'est un peu la même image qu'une tempête de sable dans le désert même si le phénomène physique est sans rapport).

Céline DUPIN/TAAF

La neige soulevée va très fortement diminuer la visibilité qui peut tomber à quelques dizaines de mètres seulement, faisant perdre tous les repères et donc toute orientation à celui qui s'y trouverait. L'emplacement du mur n'est pas fixe, il avance et recule, parfois à grande vitesse. L'avantage de disposer d'un mur de neige, c’est que l'on peut matérialiser la position et la force des vents.

Jimmy ALLAIN/Institut Polaire Français

La surveillance du mur est un impératif de tous ceux qui sont amenés à sortir sur la banquise et parfois même au sein de la seule ile des Pétrels. Lorsque le mur est sur la base, nous avons parfois dû renoncer à certains déplacements d'un bâtiment à l'autre tant la visibilité était réduite. La surveillance du mur de neige est un travail essentiel pour la sécurité des personnes, il est conduit prioritairement par l'équipe de météorologues.

Céline DUPIN/TAAF

Après plusieurs jours de vents importants, lorsque qu'il n'y a plus de neige à soulever, le vent catabatique peut alors souffler fortement dans un ciel sans nuage.

Les vitesses atteintes sont impressionnantes (le "record" validé par Météo France à DDU est une rafale à 245 km/h). Au cours de l''hivernage actuel, jusqu'à présent, nous avons atteint un "petit" 186 km/h, de quoi tout de même faire trembler les bâtiments (certains ont alors un peu de mal à trouver le sommeil).

Nicolas PERNIN/Institut Polaire Français

Lorsque le calme revient, nous découvrons la plupart du temps une banquise remodelée : Totalement lisse, quasiment sans neige en certains endroits particulièrement soufflés comme ci-dessus.

Ces formations nouvelles sont parfois moins impressionnantes comme dans l'image ci-dessous mais sont généralement très solides, ce qui rend les déplacements à pieds plutôt agréables (on ne s'enfonce plus dans la poudreuse).

Nicolas PERNIN/Institut Polaire Français

Plus classiquement enfin, le vent a façonné des "sastrugis", c'est à dire de petites lignes de crête de neige durcie qu'il a modelées. C'est esthétiquement agréable à regarder mais usant pour se déplacer, tant à pied qu'en véhicule (motoneige).

Jean Philippe GUERIN/TAAF

Dans la très grande majorité des cas, les vents catabatiques abaissent fortement les températures ressenties au sein de la station et cette année nous avons franchi la barre des -50°C. 

Autant vous dire qu'à ce niveau-là, il n'y a plus beaucoup de volontaires pour s'aventurer à l'extérieur. Passer d'un bâtiment à un autre devient même une contrainte, entre les congères qu'il faut franchir, le froid et la neige qui s'insinue dans toutes les aspérités et sur le moindre bout de peau non recouverte.  

(Un remerciement particulier à Adrien et Emmanuel de Météo France pour leur précieuse contribution)

1 commentaire:

  1. Lectrice e-assiDDU30 septembre 2022 à 02:06

    Superbes photos et explications, comme toujours. Merci pour toutes ces nouvelles.

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