mardi 18 novembre 2025

Portrait d'Adélien - Ismaël CHARLET, sentinelle de la couche d'Ozone, aux confins de l'Antarctique.

Chaque semaine, nous vous proposons d’aller à la rencontre d’un de nos compatriotes du bout du monde. Vous découvrirez les portraits de ces hommes et de ces femmes qui exercent leur art dans le territoire français le plus éloigné de la métropole, en Terre Adélie, sur le grand et mystérieux continent blanc.

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Cette semaine, nous vous présentons Ismaël CHARLET, 30 ans, originaire de Cherbourg, qui occupe la fonction de Lidariste pour la Base Dumont-d'Urville.

Notre Normand a commencé ses études à Cherbourg par une prépa Math Sup Math Spé, avant d'intégrer une école d'ingénieur (Phelma) à Grenoble où il développera une spécialisation en Nanophysique. Fort de ses nouvelles qualifications, notre jeune et brillant ingénieur ne s'en contentera pas puis qu'il décidera alors de poursuivre un doctorat en opto-électronique au sein de l'université Paris-Saclay. Ismaël va alors intégrer le CEA (Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives) à Grenoble en tant qu'ingénieur en radiofréquence. Il travaillera notamment sur la caractérisation électronique de composants nanotechnologiques. Il exercera son art durant 3 années avant de rejoindre l'aventure Antarctique. Il avait découvert la mission de Lidariste à Dumont-d'Urville dès 2016, encore jeune élève de l'école d'ingénieur,alors qu'un enseignant avait partagé l'annonce de l'institut polaire. Il tente le coup à l'issue de son diplôme d'ingénieur, malheureusement il n'est pas retenu cette année là. Depuis, il garde en tête cette mission et son envie de découvrir ce territoire et cette aventure particulière. Finalement, le CEA accepte de lui accorder un congé pour lui permettre de réaliser son rêve. Il n'hésite donc pas une seconde et se lance dans l'aventure, rejoignant alors la 75ème expédition française en Terre Adélie. 


 

Sur la base, "Isma" comme tout le monde le surnomme, travaille pour le programme 209 (LIDAR). L'objectif est l'étude des composants présents dans la stratosphère. Historiquement, ce programme a été lancé suite à l'observation du trou dans la couche d'ozone, causée par les polluants présents dans la stratosphère. Les tirs au LIDAR consistent en fait à utiliser un laser pour exciter les molécules présentes dans la stratosphère puis d'analyser le signal reçu en retour. A partir de ce signal, on peut déduire les propriétés de ces particules. Le positionnement de cette station LIDAR dans nos contrées froides et lointaines n'est pas laissé au hasard. En effet, c'est aux pôles que se déroulent les réactions chimiques qui détruisent la couche d'ozone. Ce sont les nuages stratosphériques polaires qui sont le siège de ces réactions chimiques destructrices pour notre couche d'ozone, or ces nuages bien particuliers se forment uniquement dans des conditions climatiques suffisamment froides, que l'on retrouve aux 2 pôles. 

Autre spécificité, notre lidariste travaille de nuit. En effet, le jour, la lumière ambiante, trop forte, sature les capteurs. 

Au delà du suivi des réactions qui peuvent impacter la couche d'ozone, le lidariste réalise également une veille sur les incidences des grands feux de forêts et de l'activité volcanique, dont il observe également les traces.

Chaque opportunité de tir est saisie ! Sa plus longue session de tir a durée 14h au cœur de l'hiver !


Immersion dans une journée ou plutôt une nuit avec notre lidariste

En général, Ismaël se lève aux alentours de 13h30 les jours de beau temps. Il déjeune au bar, en décalé de ses co-hivernants. C'est le moment où une grande partie des hivernants est en train de terminer sa partie de coinche, sur les tables voisines. 

Dès la fin de son repas, Isma, "le plus intelligent d'entre-nous", se rend à la météo afin de savoir s'il pourra tirer et dans quelles périodes. 

 

Ensuite, il descend la passerelle jusqu'au LIDAR voisin et allume le LIDAR, même s'il reste un peu de luminosité ambiante. Cela permet au laser de chauffer progressivement, pendant le crépuscule polaire. 

Une fois son laser lancé, Isma a un rituel, il rejoint ses deux comparses, Hugo et Renaud, à la bibliothèque du séjour où ils contemplent un film de Luc Besson. Il jongle alors entre la télévision et son téléphone, toujours dégainé, depuis lequel il surveille attentivement l'acquisition lidar à distance grâce à un report d'écran. 

La nébuleuse de la Carène, immortalisée par Ismaël CHARLET lors d'une longue nuit polaire. 
 

Une fois le générique de fin passé, "notre scientifique le plus qualifié de la base" retourne au LIDAR et installe sur les passerelles toutes proches, son matériel d'astrophotographie. Il a alors un oeil sur ses deux bébés, le LIDAR et son appareil photo. - 

Il se rend ensuite à Géophy, vers 17h, pour faire les premiers traitements de données et vérifier les réglages du LIDAR. 

Isma rejoint ensuite ses co-hivernants pour le dîner, puis traîne en général avec les hivernants, partageant des jeux ou bien une série. Il suit également avec assiduité les aventures de Koh-Lanta. Fervent supporter de Naïs, la marseillaise ! 

Puis progressivement, ses co-hivernants l'abandonnent entre 23h et minuit. Pour lui, ce n'est pourtant que le début de la journée de travail. 

Il va profiter d'un café ou d'un thé au séjour, puis, souvent prit d'une fringale nocturne, il se prépare des tartines ou des pâtes pour tenir pendant la longue nuit polaire. 

Puis il passe le restant de la nuit en divaguant dehors, profitant d'un ciel pur. Parfois il déclenche l'alerte aurores australes pour réveiller ses co-hivernants et leur permettre de profiter du spectacle. 

Vers 2h-3h du matin, il tombe de fatigue et de froid, il profite d'une bonne douche chaude réconfortante pour se réveiller puis regarde un film. Enfin, la nuit se termine, cet oiseau nocturne, partage un petit déjeuner avec les quelques hivernants debouts puis rejoint sa chambre pour tomber dans les bras de Morphée.    

Parfois, la météo n'est pas clémente, et c'est alors l'occasion pour notre lidariste de saisir l'opportunité pour se recaler sur un rythme diurne et ainsi, réaliser les nécessaires maintenances sur son appareil.  

Mais ce travail de Lidariste n'est qu'une fonction complémentaire. En effet, la fonction principale d'Ismaël sur base est Rédacteur en chef du "Pétrel enchaîné", la gazette mensuelle de Terre Adélie. Chaque mois (ou presque...), les hivernants découvrent avec autant de plaisir que de terreur la nouvelle édition, ne sachant pas à quelle sauce ils vont être mangés. Un article à scandale par ci, une enquête sur un mystère de la base par là, une étude statistique sur le comportement des Adéliens au milieu, chacun en prend pour son grade. Bref, Isma a relancé cette célèbre gazette du bout du monde, entouré de sa petite et fidèle équipe de rédaction.   

Si vous cherchez Isma, prévoyez déjà une excursion nocturne. Vous pourrez le trouver équipé de sa combinaison rouge intégrale quelque part sur une passerelle, potentiellement un appareil photo et son trépied à la main.   

A défaut, vous avez toutes les chances de le trouver dans la bibliothèque du séjour avec ses comparses, devant un film, et s'il n'est pas de nuit au LIDAR, il y a 99% de chances pour qu'il arbore une de ses salopettes fétiche, attachée au dessus de son pull en laine, sa signature vestimentaire.

Enfin, si c'est la journée, vous pouvez tenter votre chance à l'atelier météo. C'est là que vit son complice, Pierral, notre technicien météo. Vous le trouverez en train de l'affronter dans une partie de Backgammon, entouré de girouettes en réparations. Ces deux complices discrets se comprennent bien même dans le silence.    

Sous ses airs réservé et discret, il vous surprendra par son humour corrosif.  

Ce qu'aime Isma ici, c'est d'une part sa fonction scientifique, "on a l'impression de contribuer à quelque chose d'important même si l'on est qu'un petit rouage d'une grande machine".

Il apprécie également l'hivernage qui lui permet d'interagir avec des profils très différents, qu'il n'aurait pas eu l'opportunité de rencontrer en métropole. 

Bien sur, il est également sous le charme de notre lointaine contrée et de ses habitants, en particulier les manchots. 

Il profite de la banquise pour réaliser de belles ballades et parfois pour patiner dans ce paysage féérique.  

Enfin, il fait partie de la secte de la coinche, se réunissant au minimum chaque début d'après-midi.


 Une citation favorite ? 

 "Bah c'est super" comme dirait Hugo, notre élec

 "Même dans un milieu si isolé, la nature a horreur du vide" comme dirait Jef, notre chef central

Une anecdote à nous raconter ?  

"Avec Andréas, on a rencontré un empereur très curieux vers le Mât Iono. Il se collait à nous et ne voulait plus nous quitter. Comme il nous suivait partout, il a fallu le raccompagner jusqu'à la banquise. Quelques jours plus tard, en allant vers le Nunatak, il est de nouveau venu à ma rencontre. Aucun doute c'était lui, il a des taches particulières en haut de ses ailerons. Je l'ai baptisé Panoramix, car on pourrait penser qu'il s'est pris un menhir sur la tête et que depuis tout ne tourne pas rond là-haut. J'espère le revoir avant mon départ."

Un mot pour terminer ?  

"C'est super ! Un truc de Ouf ! On est toujours surpris, même quand on sait que l'on va être surpris."


 

jeudi 13 novembre 2025

Portrait d'Adélien - Nicolas LANASPEZE, chef d'orchestre de l'équipe technique du bout du monde

Chaque semaine, nous vous proposons d’aller à la rencontre d’un de nos compatriotes du bout du monde. Vous découvrirez les portraits de ces hommes et de ces femmes qui exercent leur art dans le territoire français le plus éloigné de la métropole, en Terre Adélie, sur le grand et mystérieux continent blanc.

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Cette semaine, nous vous présentons Nicolas LANASPEZE, 33 ans, originaire de Lyon, qui occupe la fonction de responsable technique pour la Base Dumont-d'Urville. 

Nicolas a débuté ses études supérieures par une classe préparatoire PTSI (Physique, Technologie et Sciences de l'Ingénieur) à Lyon avant d'intégrer les Arts et Métiers de Cluny, au sein de l'historique abbaye de Cluny. Un cadre exceptionnel dans lequel il ressortira, diplôme d'ingénieur en poche. A l'issue, il suivra un cursus d'un an à destination des ingénieurs dans le domaine de la soudure, à Thionville à l'ESSA (école supérieure du soudage et de ses applications). 

La formation, très concrète, avec beaucoup de travaux pratiques répond à ses attentes. Son diplôme en poche et ses toutes nouvelles qualifications vont lui ouvrir les portes, c'est un chemin d'accès pour lui afin de s'ouvrir à une carrière à l'international. Il va décrocher son premier poste au Congo, au sein d'une chaudronnerie dirigée par un expatrié français qui souhaite développer ses marchés. Sa première aventure professionnelle n'étant pas finalement pas du tout au niveau de ses attentes, il décide de changer d'engagement et contracte un volontariat international en entreprise (VIE) avec la société Tissot industrie à Pointe-Noire, toujours au Congo. Après 8 mois de volontariat où il occupe la fonction d'ingénieur de chantier, l'entreprise l'engage comme Site Manager. Dans sa nouvelle fonction, il développera une vision très complète des sujets techniques. Du bureau technique à la vidange du Manitou, il court partout, gérant entre deux, les problématiques quotidiennes rencontrées dans le pays. Il quittera alors le Congo pour rejoindre le Gabon quelques mois puis le Maroc juste avant le début du COVID. Finalement il reviendra en France dans un petit village, Mourèze, où il retrouve sa famille. Il se consacrera alors avec ses proches à la rénovation de sa maison de famille. En parallèle, il réalise ponctuellement des missions courtes sur des chantiers, notamment au Nigeria, au Gabon et en Guyanne.  

Nicolas s'accorde alors 1 an sabbatique où il s'adonne à sa passion pour le parapente. Il va explorer les airs sous toutes leurs coutures. 

Pourtant, rapidement, il ressent le besoin de s'engager à nouveau dans une aventure professionnelle. Il se rend aux portes ouvertes de l’institut polaire français, à Brest, et postule au poste de responsable technique. Le poste semble correspondre à ce qu'il aime faire, avec une vraie polyvalence. Le côté aventure de la mission en Terre Adélie, le conforte dans son choix.

Finalement, il n'est pas retenu pour la 75ème mission. C'est un appel inattendu de l'institut polaire, dans le courant du mois de Décembre qui va tout changer pour lui. On lui demande alors s'il est toujours volontaire et disponible pour rejoindre la mission qui a déjà commencé. Il rate le premier appel, devinez pourquoi... Il est dans les airs bien entendu ! L'appel va pourtant rapidement le faire redescendre sur terre. Sans hésitation et sans tarder, dès le lendemain, il confirme sa motivation à rejoindre la Terre Adélie. Il rejoindra donc ses co-hivernants par la rotation R3 de l'Astrolabe dont il sera le seul passager. 

Sur la Base, "Lanas", comme tout le monde l'a immédiatement surnommé, veille à ce que l'équipe technique travaille correctement et en bonne intelligence. "Je met de l'huile dans l'engrenage". Son rôle est de préparer et organiser le travail de toute l'équipe. "Je me positionne là où il y a un trou"

Il coordonne les grosses opérations qui ponctuent l'hivernage, comme le transfert de carburant, qui occupe toute l'équipe technique dans la seconde partie de l'hivernage. Il supervise également les incidents techniques importants qui nécessitent un travail pluri-disciplinaire, afin de rendre plus efficient la réponse de son équipe. 

Une phrase résume bien la mission du responsable technique à DDU : "Le possible est déjà fait, l'impossible est en cours, pour les miracles prévoir 48h de délai."  

Lanas est aussi responsable de l'équipe pompiers sur la base, il veille à leur entrainement et formation pour la sécurité des Adéliens. 

Si vous le cherchez, plusieurs pistes. Vous pouvez explorer le local déchet au 75, il sera peut être en train de broyer quelques déchets métalliques. A défaut, vous pouvez vérifier si une dameuse n'est pas en pleine action. A ce moment là, si ce n'est pas Lambert qui la pilote, il y a de très fortes chances que ce soit Lanas. Il s'est prit de passion pour le pilotage de ces engins et envisage même de proposer ses services au bénéfice d'une station de ski quand il rentrera en métropole... Si vous ne l'avez toujours pas trouvé, tentez le séjour, si vous entendez un air à la guitare "Petit Pays" de Gaël FAYE, plus aucun doute, il est ici. Les hivernants connaissent par cœur son refrain. Lorsqu'il est d'humeur chantante, il poussera même la chansonnette pour accompagner sa guitare. Enfin, cas de force majeur, si vous ne l'avez pas trouvé dans tous ces lieux, comme pour François, notre plombier chauffagiste, tentez la cuisine ! Lui aussi fait partie de l'équipe de brasseurs de bière artisanale. Il travaille avec assiduité et ne manque aucune séance de préparation de la bière. 

Une seule pensée le hante jour et nuit, le parapente. Il rêve durant ses nuits polaires d'un envol du haut des Pétrels avec son parapente. Car il n'est pas venu tout seul en Terre Adélie. Il est venu avec sa voile de parapente. Tel un surfeur aux aguets, guettant les vagues, il guette le vent propice à "gonfler sa voile". On peut alors observer un bipède rouge surmonté d'une grande voile de parapente sur la banquise de Terre Adélie. 

Parfois, il se contente simplement de son cerf-volant.

 

Nicolas s'est aussi lancé dans la photo argentique. Son petit frère lui a confié un appareil juste avant son départ. Une activité "Chill" qui le détend. 

Enfin, il crée des modes "loisir" sur la base, déposant subrepticement des objets au séjour pour titiller la curiosité des hivernants. A cause de lui, rubis-cubes, boule labyrinthe à bille, diabolo et autres diableries ont obnubilé grand nombre d'hivernants durant la longue nuit polaire.    

Ce qu'aime Lanas ici c'est certains aspects de la vie en collectivité, la vie de casernement en quelque sorte, dans laquelle on ne se pose pas de questions. Une vie rythmée par les repas et activités. Il n'y a pas à réfléchir à ce que l'on va faire à manger ou aux courses qu'on va faire... 

Il apprécie le fait de pouvoir s'organiser comme il le veut dans son travail et de disposer finalement de pas mal de liberté dans le cadre qui lui est donné.   

Enfin, bien-sur, il apprécie le cadre exceptionnel, les sorties ornitho avec Amandine, car c'est l'occasion de s'approcher des animaux et de prendre le temps d'observer leur comportement. 


Une anecdote à nous raconter ?  

"J'étais à bord de l'Astrolabe, sur R3, j'étais le seul passager sur le bateau... Nous arrivions au large de DDU. J'étais sur la passerelle avec des jumelles, je découvrais la base. J'étais face au continent, c'était merveilleux. A la radio du bateau, j’entends le bulletin météo de Cindy, diffusé sur les ondes depuis DDU. A la fin, tout le monde répondait "Merci Cindy". Presque simultanément, je vois un avion de ligne "Quantas" qui survole et fait des ronds au dessus de la base. Bref, un pêle-mêle incongru... Pendant que je vivais une aventure trop stylée, il y avait des bonhommes qui regardaient la base aux jumelles dans leur avion Quantas..." 

Une autre anecdote pour la route ? 

 "Un mois environ après le début d'hivernage, on a eu notre première grosse avarie technique. Un bout du tuyau de la station de pompage de l'eau de mer (SPEM) fuyait. C'était la première mise à l'épreuve de l'équipe technique. Je remontais rapidement de la SPEM pour aller chercher du matériel, j'étais un peu stressé et soudain, j'entends un gros bruit derrière moi. Je me retourne, un énorme Iceberg, nommé "Papi Brossard par les hivernants étaient en train de se fendre en 3 morceaux dans un rugissement sourd. C'était trop stylé ! Ne le dites pas à Andréas et François qui étaient à la SPEM mais j'avoue que j'ai pris quelques instants pour admirer cette force de la nature, malgré l'urgence."

Un mot pour terminer ?  

"Je n'ai aucun regret, j'ai eu beaucoup de chance, j'en suis conscient. Cette aventure est tombé à pic pour moi. Il me fallait un truc à me mettre sou sla dent, c'est vraiment super ce qui m'est arrivé." 

 


mercredi 12 novembre 2025

Course à pied sur la banquise Antarctique ! Odyssea 2025

Photo: Pascal LAGADEC
 

Il est 15h, heure locale quand le top départ de cette course exceptionnelle est donné. 20 Adéliens se sont élancés ce dimanche 09 Novembre pour cette course à pied sur la banquise.

Venus des bases de Dumont-d'Urville et de Robert Guillard, ils ont courus par -10°C (-22°C de ressenti) pour relever le défi. Sillonnant entre les icebergs, l'ensemble des participants a réalisé le parcours de 10km, représentant un aller-retour entre les deux stations. 

4 Courageux parmi eux ont décidé de continuer l'effort afin de réaliser un semi-marathon. 

Arrivée des semi-marathoniens.
  





Les manchots empereur venus assister à l'arrivée des coureurs. Photo: Pierre BASCELLI

A l'issue de la course, un ravitaillement en boissons et nourriture les attendaient sur la banquise. 

Un grand bravo à tous les participants de cette édition 2025 !   

 

Photo: Pierre BASCELLI

mardi 11 novembre 2025

Cérémonie du 11 Novembre 2025 en Terre Adélie

 

Pierre BASCELLI, chef du district, entouré des Adjudants Corentin.G et Grégory S, armée de l'air et de l'espace. 

A 11h30 aujourd’hui, les personnels de la base Dumont-d'Urville, rejoints par l'ensemble de ceux de prud'homme ont commémoré le 11 Novembre. 

A l'issue de la cérémonie, ces lointains compatriotes ont partagé un verre de l'amitié et un repas. 


Même depuis les confins du monde, nous n'oublions pas nos compatriotes qui sont morts pour la France et la précieuse liberté pour laquelle il se sont battus. 


 

  

lundi 10 novembre 2025

Portrait d'Adélien - François ROUSSEAU, le plombier chauffagiste qui offre de la chaleur au coeur du continent froid

Chaque semaine, nous vous proposons d’aller à la rencontre d’un de nos compatriotes du bout du monde. Vous découvrirez les portraits de ces hommes et de ces femmes qui exercent leur art dans le territoire français le plus éloigné de la métropole, en Terre Adélie, sur le grand et mystérieux continent blanc.

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Cette semaine, nous vous présentons François ROUSSEAU, 37 ans, originaire de Bourg-en-Bresse, qui occupe la fonction de Plombier Chauffagiste pour la base Dumont-d'Urville. 

François a débuté par un BEP en électrotechnique. Rapidement après son BEP il rentre dans le monde du travail en tant qu'électricien dans le bâtiment. Après 1 an, il décide de reprendre ses études et intègre un bac pro maintenance énergétique en alternance dans une entreprise spécialisée dans la plomberie et la climatisation à Bourg-en-Bresse. A l'issue, il continue son parcours en l'enrichissant d'un brevet de technicien supérieur (BTS) en maintenance énergétique. Il réalisera également ce BTS en alternance dans le secteur tertiaire. Il assurera la maintenance des installations de chauffage et climatisation industrielles.

 

Satisfait de son travail durant son alternance, l'entreprise lui propose de rester dans ses rangs à l'issue de sa formation. Il continuera d'y œuvrer durant 6 mois. Pourtant, il ressent l'appel de sa terre natale et l'envie croissante de retrouver ses amis et sa famille. Il regagne alors Bourg-en-Bresse, retour aux sources. Il intègre une entreprise prestataire du Centre Hospitalier de Bourg-en-Bresse où il exercera alors son art durant 10 ans. Il débutera comme technicien durant 4 ans avant d'évoluer comme responsable de maintenance et enfin de superviser les agents pour les contrats sur lesquels son entreprise est engagée dans l'ensemble du département.  

Et puis au bout de 10 ans, un souffle nouveau l'emporte dans une envie de voyages, de nouveauté. Ce passionné de Kitesurf sillonnera alors tous les spots de son sport favori. Puis c'est une rencontre en Bretagne qui va le faire s'installer dans ce fier département. Il travaillera alors dans un parc d'attraction local (La récré des 3 curés). 

Finalement, l'aventure l'appelle à nouveau. Sa phase de voyage courait encore dans sa tête. Il découvre l’annonce de l'institut polaire français qui recherche un profil autonome, expérimenté. Il décide de relever le défi "Chauffer une base polaire où il fait -30°C, c'est challengeant". Attiré par l'éloignement de ce continent mystérieux où personne ne ne peut aller, il se lance donc dans l'aventure. 

Sur base, François fait en sorte que les installations fonctionnent correctement. A cet effet, il réalise les maintenance et contrôles nécessaires à la prévention de toute avarie. 

Bien sur, "Ça n'a pas forcément suffit... comme chaque année...", et dans ce cas, on répare avec ce que l'on a sur place. 

L’objectif principal demeure le bon entretien des installations afin de minimiser les risques de pannes qui sont toujours critiques dans l'environnement polaire qui est le notre. 

 

En complément de la maintenance quotidienne et de cette partie majeure liée à l'exploitation, François participe également aux chantiers d'amélioration de la base durant l'hivernage mais aussi aux grosses opérations logistiques, notamment les transfert de carburant sur la banquise. Pour cette opération particulière, il ne se séparait jamais de son John Deere à chenille, attendant à D0 l'arrivée des petites citernes pour remplir les grosses cuves qui serviront à alimenter en carburant, les stations de Robert Guillard et de Concordia ainsi que les raids logistiques et scientifiques.  

En dehors de ses périodes de travail et des dépannages urgents, si vous cherchez François, il y a plusieurs pistes pour vous aider dans vos recherches. 

Si c'est après le déjeuner, aucun doute possible, vous le trouverez dans le séjour attablé autour d'une table ronde avec ses partenaires de coinche. Il ne manque aucune partie ! Vous entendrez de loin son rire s'il est parvenu à faire un mauvais tour à ses adversaires. 

Si c'est le soir, assez peu de doute également, vous le trouverez probablement plongé dans de longues discussions autour du comptoir du bar avec quelques compagnons.  

Enfin, un dimanche après-midi ou un soir tard, si vous ne le trouvez pas à ces deux emplacements précédents, vous pouvez toujours tenter de faire une incursion en cuisine, là-bas vous aurez peut être une chance de le trouver avec ses partenaires en train de brasser de la bière. En effet, François s'est particulièrement investi dans le brassage de bière, dont il partage ensuite les cuvées lors de soirée spéciales de dégustations. Chaque nouveau millésime offre des saveurs plus raffinées et travaillées au fil de l'hivernage. Bref rien à envier aux brasseurs professionnels !  Certains crus sont réalisés à base d'eau d'Iceberg ! 

François est aussi l'organisateur et DJ des soirées électro de DDU. Cette année il a notamment organisé 2 soirées au Bâtiment 22, la grosse soirée de la MidWinter et la soirée de fin d'hivernage. Une scène professionnelle qui a permis aux hivernants de danser jusqu'au bout de la nuit.

Ce qu'aime François ici c'est l'environnement dans lequel il baigne. 

"La faune tout autour de nous, nulle part ailleurs on peut voir ça, être aussi proche des animaux

"J'aime aussi le côté humain, se mélanger avec des personnes qui viennent de mondes et milieux différents. C'est pas toujours facile mais c'est une belle expérience humaine"  

Enfin, il apprécie d'être confronté à des climats extraordinaires, faire face aux tempêtes et au froid extrême. 

Une anecdote à nous raconter ?  

"Un jour, durant le mois de Juin, on est parti courir sur la banquise avec Jef, le chef centrale et Lambert, le mécano, il faisait -20°C. C'est déjà bien assez froid... Seulement, ce jour là, le vent a décidé de forcir plus que prévu faisant chuter fortement le ressenti... Sur le retour, je sentais que j'avais... l'entre-jambe... qui commençait à geler... J'ai dû passer les 3 derniers kilomètres avec la main dans le slip pour tenter de maintenir un brin de chaleur... Je vous laisse imaginer les railleries de mes 2 compères à côté... Bref, je vous rassure, plus de peur que de mal finalement"

Photo: Adèle Philippe

Un mot pour terminer ?  

"C'est une expérience de laquelle on ne sort pas indemne, cela nous marque à jamais"

"On a des attentes au début en arrivant, on vient avec des idées bien arrêtées et préconçues sur les merveilles que l'on va découvrir et finalement c'est tout le reste qui nous surprend et nous fait vibrer"   

"Je viens découvrir les empereurs et les aurores australes et finalement je repars attaché aux manchots Adélie et ému devant les levers et couchers de soleil ...


 

vendredi 7 novembre 2025

Portrait d'Adélien - Jean-François LOPEZ, des mers australes sur l'Albatros à la Terre Adélie, la passion des terres lointaines.

Chaque semaine, nous vous proposons d’aller à la rencontre d’un de nos compatriotes du bout du monde. Vous découvrirez les portraits de ces hommes et de ces femmes qui exercent leur art dans le territoire français le plus éloigné de la métropole, en Terre Adélie, sur le grand et mystérieux continent blanc.

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Cette semaine, nous vous présentons Jean-François LOPEZ, 60 ans, marié, 3 enfants, qui nous vient de Loire Atlantique, dans la commune de Saint-André-des-Eaux. Ce fier normand d'origine occupe la fonction de chef centrale pour la base Dumont-d'Urville. 

"Jef" comme tout le monde l'appelle (avec un seul "f " car il n'est pas américain se plaît-il a rappeler) a débuté sa carrière en intégrant la marine nationale, juste après sa seconde, il a alors 16 ans et demi, nous sommes en 1981. Il ne brille pas à l'école et cherche rapidement à gagner le terrain et la vie active. Il intègre alors l'école des apprentis mécaniciens de la flotte où il obtiendra 1 an et demi plus tard un diplôme de mécanicien. Dès ses 18 ans, il réalise ses premiers embarquements. Il naviguera à bord de nombreux bâtiments dont l'Albatros, qui lui fera découvrir les îles Sub-antarctique et en particulier Kerguelen, cet embarquement le marquera tout particulièrement. C'est un rêve d'enfant qui se réalise pour lui. Il participera également aux opérations de nettoyage des mines depuis Djibouti à bord de La Loire. "La Loire, c'était la grosse truie avec ses petits cochons autour, on les ravitaillaient en carburant et en pièces


 Notre marin enchaîne ensuite les campagnes entre Tahiti, la Nouvelle-Calédonie, Mourmansk, la guerre de Yougoslavie, ...

Après 15 ans de service dans "La Royale", en 1996, il décide de rendre l'uniforme, souhaitant voir autre chose et fonder une famille. 

Il travaille alors dans une usine d'incinération durant 4 ans avant de retourner à ses premiers amours, le moteur diesel. En effet, il rejoint en 2000, l'entreprise Man, dans laquelle il exerce depuis 25 ans. Il assurera le montage des moteurs avant de devenir formateur puis technicien itinérant. A ce dernier poste, il traversera alors les DOM pour la mise en route de centrales électriques avant d’être détaché en Guadeloupe durant 4 ans. Il décide finalement de se stabiliser en métropole, reprenant un travail de technicien sédentaire, dans lequel il soutien les itinérants sur le terrain et les assistent dans leurs interventions.   

Toujours amoureux des TAAF, sa femme et un de ses fils, (probablement galvanisée et/ou las des anecdotes qu'il conte "Quand j'étais sur l'Albatros" ; "A djibout...") repèrent finalement l'annonce sur le site de l'IPEV, ils l'incitent alors fortement à postuler. Souhaitent t-il lui créer de nouvelles anecdotes à raconter pour varier leurs conversations ? Leur vrai intention restera un mystère. Finalement, Jef va céder et postuler à l'annonce de l'institut polaire. Au fond de lui, il avait toujours ce rêve inexaucé de réaliser un hivernage dans ces terres lointaines. Ce rêve couve depuis ces jeunes années dans la marine nationale, ayant croisé sur ces îles lointaines, des hivernants. 

Sur base Jef est en charge de la production de l'eau et de l'électricité. "C'est une fonction vitale pour la base"

"On doit devancer la survenue de tout problème

"Au final, mon travail c'est que tout le monde puisse allumer sa lumière et prendre sa douche, au fin fond de l'Antarctique.

Et si vous le titillait, il a la répartie facile "Je vais tout couper moi tu vas voir"

Enfin, rôle très important, il veille à repasser l'eau des sanitaires en Saumure régulièrement pour éviter des "désagréments" à son chef de district. 

Ce qu'aime Jean-François ici, c'est avant tout la nature et ses paysages exceptionnels. 

"C'est un monde que tout le monde ne voit pas, nous sommes très peu nombreux à avoir vu la Terre Adélie en hiver" (la base à 70 ans, une vingtaine de personne hiverne chaque année, dont un certain nombre de récidivistes, le calcul est vite fait...)  

"J'aime aussi le froid, les pays froids m'ont toujours attirés. Gamin, je lisais Amundsen, Shackleton, Paul Emile Victor, c'était des héros polaires."

"Et puis il y a tous ces animaux, c'est extrêmement vivant, surtout en Eté"


Jef aime aussi marcher et courir sur la banquise, "Marcher sur l'eau ça fait bizarre, c'est pas banal" 

Enfin, il apprécie les manips scientifiques avec l'ornitho et le glaciologue et les discussions variés avec des métiers et profils très différents du sien. "Ça change et c'est agréable

Durant son temps libre sur la base, Jef réalise des maquettes miniatures en plastique de véhicules Anglais et Américains de la seconde guerre mondiale. En métropole, il réalise des maquettes en bois de célèbres navires marchands.

Il fréquente aussi la salle de sport avec assiduité où il court et fait du renforcement musculaire. 

Il enchaîne également les livres, à son grand désespoir il n'en a pas embarqué suffisamment pour l'hivernage.    

Durant la Mid Winter, il est tête de liste du parti de la "Pat' Servo". Il n'obtiendra finalement pas assez de suffrages pour remporter l'élection de Onzta.

Si vous cherchez Jef, c'est assez simple, il est soit dans sa chambre en train de faire sa maquette, soit à la centrale soit à la salle de sport pour sa course à pied. Vous le trouverez toujours avec un sweat "MAN" et un casque anti-bruit à son nom.  

Jef est également membre de l'équipe pompiers lourds de la base.   

 Une anecdote à nous raconter ?  

"Durant l'hiver, on marchait sur la banquise avec un co-hivernant, les paysages étaient magnifiques, soudain, je suis tombé à travers la banquise, enfoncé jusqu'au bassin. Une demi seconde après, mon partenaire de sortie m'a rejoint dans la faille. Nous pataugions tous les deux dans l'océan glacial. Maintenant j'en rigole mais sur le coup, on a pas rigolé du tout, on a vraiment eu du mal à sortir. On a dû se changer car nos vêtements étaient trempées. Ça m'a vraiment marqué. Maintenant, quand je vois une rivière ou une faille, c'est pas pareil, je redouble de vigilance."   

Un mot pour terminer ?  

"Vis tes rêves à Fond. Fonce et ne réfléchit pas. Si tu veux faire quelque chose, vas-y.

"Un conseil, surtout pour les jeunes, ne remet pas à demain ce que tu peux faire, la vie passe vite, il faut en profiter à fond.

"Une formidable expérience pour moi."