vendredi 30 mars 2018

Fin d’été : la mue des poussins de manchots Adélie

L’arrivée des Empereurs ne nous fait pas oublier les manchots Adélie, habitants originels de la base Dumont D’Urville. Ils sont très présents pendant l’été austral, arrivant généralement vers la mi-octobre pour repartir en masse en février-mars.

Le tableau ci-dessous compare pour les six dernières années le nombre de poussins d’Adélie comptés fin janvier, sur les îles de Pétrels et Lamarck:
Cette année, la reproduction a été correcte. Le succès reproducteur fin janvier sur l’île des Pétrels de 0,65 poussin par couple.
Aux étés 2013/2014 et 2016/2017, l’échec avait été quasi-total. En 2013/2014, une pluie abondante avait entraîné le gel des jeunes poussins ; en 2016/2017, en raison de l’étendue de la banquise, le nombre de pontes avait été élevé, mais la distance à parcourir par les parents pour accéder à de la nourriture étant trop importante, les petits n’avaient pas survécu.

Une fois les œufs éclos, les poussins sont couvés par leurs deux parents à tour de rôle. Quelques semaines après leur naissance, ils s’ « émancipent thermiquement » et quittent les pattes de leurs parents. Quand les conditions le nécessitent, ils se rassemblent en crèches pour se tenir chaud.
Les parents nourrissent les petits, le mâle et la femelle se relayant, pour leur fournir l’énergie nécessaire à leur croissance et à la mue, la fabrication de plumes par le corps étant très énergivore. Les parents reconnaissent leurs petits grâce à leur chant, caractéristique de chaque individu (les parents reviennent de plus sur l’ancien emplacement du nid, ce qui doit aider à la reconnaissance mutuelle).

La mue commence au niveau des ailerons et du ventre, donnant, au fur et mesure du remplacement du duvet, des styles très personnels, représentatifs des modes qui ont sévi chez les bipèdes des années 60 à nos jours.

Crédit photo: Ewan TESSIER
Crédit photo: Delphine MENARD
Crédit photo: Audrey FALCON
Crédit photo: David MOUCHET
Crédit photo: Ewan TESSIER
Crédit photo: Delphine MENARD
Crédit photo: Ewan TESSIER
Enfin, au bout d’un mois environ, lorsque ce premier plumage tout neuf est constitué, les premiers poussins se jettent à l’eau.

Cet été a été marqué cependant par une débâcle tardive (mi-janvier), et par un épisode de neige et de froid long et intense (mi-février), qui ont impacté la survie des poussins. Après un départ massif des poussins les plus vigoureux vers mi-février (25-30% des effectifs), une forte mortalité a ainsi été observée chez les poussins restants, qui ont succombé à un épuisement de leurs réserves suite à la formation de leur plumage juvénile.

Le dernier poussin a finalement quitté l’île le 7 mars dernier.


A noter que les manchots Adélie adultes muent également chaque année. Peu après le début de la mue des poussins, ils partent donc en mer pour se nourrir (car ils jeûnent pendant la mue). Ils reviennent ensuite dans l’archipel, de mi-février à fin mars. Les premiers Empereurs ont semblé apprécier cette compagnie !

dimanche 25 mars 2018

Journée internationale de la météorologie

La météo règle nos vies à DDU, nos cycles biologiques et nos activités.

Le 23 mars, journée internationale de la météorologie, a été l’occasion pour l’équipe Météo France, Pascal, Nathalie et Romain, de nous présenter les paramètres caractéristiques de la météorologie, les mesures réalisées à Dumont d’Urville et les instruments utilisés, d’hier et d’aujourd’hui. 

Baromètre anéroïde, désormais remplacé par un modèle numérique (crédit photo : Pascal HERRERA)
L’ancien héliographe utilisé : la feuille de papier sous la boule se teinte lorsque les rayons solaires excèdent 120 W/m². L’insolation totale était calculée en fonction de la surface totale consumée (crédit photo : Nathalie JAMOT)
Ces données ont été comparées à celles de Lyon, de nombreux hivernants étant originaires d’Auvergne Rhône Alpes.
Quelques particularités :
  •           un ensoleillement très similaire (quoique pas tout à fait réparti de la même manière au long de l’année…) : 2038 heures par an (2002 heures à Lyon, 2858 heures à Marseille),
  •           des températures plus constantes (un palier s’établit entre -13 et -17°C entre avril et octobre à DDU), et évidemment plus fraîches (la température moyenne est de 24°C inférieure à celle de Lyon),
  •           une pression un peu inférieure (comme si l’on était à une altitude de 258 m au-dessus du niveau de Lyon),
  •           un air plus sec,
  •           et bien sûr des vents sans commune mesure avec la métropole…
... et la spécificité des vents catabatiques.

Le vent influence très fortement les températures ressenties :

Par exemple, aujourd’hui, très belle journée : le vent n’a pas dépassé 54 km/h et la température a oscillé entre -18 et -11°C « réels ». 
A minuit: le thermomètre affiche -17,8°C, avec 36 km/h de vent, soit une température ressentie de -30°C.


Présentation des données relevées par radio-sondage, par Pascal, chef météo. Ces données sont acquises grâce à des lâchers de ballons quotidiens (le 21304ème depuis 1956 a été lancé hier!). A ce ballon est attachée une sonde, qui mesure température, humidité, vitesse et direction du vent, et dont les données servent à caler les modèles de prévision (crédit photo : Hélène LARMET)
Mme le Préfet, Administrateur Supérieur des TAAF, lançant un ballon de radiosondage pendant R3 (crédit photo : Pascal HERRERA)
L’équipe Météo France a invité les hivernants à partager un verre dans leur bureau (crédit photo : Hélène LARMET)

Le 23 mars était par ailleurs le jour de l’équinoxe d’automne à Dumont d’Urville : le soleil s’est levé à 6h40, couché à 18h40 heure locale (illuminant le ciel superbement).
Nous aurons « perdu » 4 heures de jour entre le 1er et le 31 mars.
De Prud’homme à Taureau, peu après le lever du soleil, avec quelques catabatiques s’élevant sur le continent (crédit photo : Hélène LARMET)
... et Taureau le soir au coucher du soleil. Crédit photo : Hélène LARMET

lundi 19 mars 2018

Les revoilà!

Jour important pour la mission 68!
Aujourd'hui, lundi 19 mars, 9h02: un premier manchot Empereur a pointé le bout de son nez bec, derrière la piste du Lion. 

Le "plus grand des manchots" revient chaque année à cette époque dans l'Archipel, au sud-est de l'île des Pétrels, pour former une colonie, plus ou moins éloignée de la base. Alors que presque tous les petits d'oiseaux nous ont quitté ou sont en train de prendre leur envol, le manchot Empereur est la seule espèce de manchots à se reproduire en hiver, dans des conditions de températures et de vent extrêmes.

Dans un reste de catabatique de la veille... (Crédit photo: Delphine MENARD)

... l'arrivée du bel oiseau (Crédit photo: Delphine MENARD)

Crédit photo: Delphine MENARD

Crédit photo: Hélène LARMET

vendredi 16 mars 2018

Un visiteur pas comme les autres à DDU

Un intrus s’est glissé sur cette photo, prise sur l’île de Lamarck.

Crédit photo: Delphine MENARD
Crédit photo: Delphine MENARD
Il s’agit d’un manchot à jugulaire (Pygoscelis antarcticus), en mue, observé pendant quelques semaines.
L’hypothèse la plus vraisemblable… est qu’il se soit perdu. Les colonies de manchots à jugulaire sont plutôt observées en péninsule Antarctique, de l’autre côté du continent, bien qu’ils soient également présents dans des îles sub-antarctiques au sud de la Nouvelle-Zélande. Une fois son plumage de l’année passée remplacé par un neuf, il a quitté notre archipel. 

Crédit photo: Delphine MENARD
Il aura provoqué l’étonnement (et le bonheur!) de nos ornithos, et manifestement des jeunes manchots Adélie.

Crédit photo: Delphine MENARD
Crédit photo: Delphine MENARD
La dernière observation de l’espèce à DDU remontait à 2016: un individu en janvier, un autre en mars.

lundi 12 mars 2018

De nouvelles espèces d’invertébrés marins à Dumont d’Urville

[Cet article a été rédigé par Stéphane HOURDEZ (CNRS, Station biologique de Roscoff, UMR 7144) et Pierre CHEVALDONNE (CNRS, IMBE station marine d’Endoume, Marseille). Ces deux "chercheurs-plongeurs" qui sillonnent les océans étaient de retour à Dumont D'Urville entre R2 et R3 cette année]

La faune marine de l’Antarctique a passionné les scientifiques depuis les grandes expéditions du début du XXème siècle. De nombreuses espèces inféodées au pourtour du continent glacé ont été décrites par de grands naturalistes au cours des années. Les méthodes de récolte étaient cependant très classiques (chalutages, dragages), ou limitées à la face inférieure de la banquise. Le programme POLARIS (programme 1102 IPEV) s’intéresse à la diversité génétique de plusieurs espèces d’annélides (vers marins annelés) et à comprendre si cette diversité pourra leur permettre de survivre au réchauffement climatique accéléré des siècles à venir.

Au cours de ce programme, différents environnements ont été échantillonnés afin d’inventorier la biodiversité marine présente : à la fois la diversité spécifique (inventaire des espèces) mais aussi la diversité au sein des populations présentes autour de la Base Dumont D’Urville (diversité intra-spécifique). Ainsi, nous avons découvert un environnement bien particulier que nous qualifions de « grottes de glace », qui sont en fait des fonds rocheux recouverts d’une banquette ou d’une portion de banquise, et dont les parois rocheuses sont recouvertes de glace. De telles « grottes » constituent sans doute un environnement singulier pour la faune antarctique, notamment du fait de cette omniprésence de la glace, ou de l’obscurité permanente et des faibles courants qui y règnent, car nous avons pu y voir des espèces que nous n’avions jamais vues à l’extérieur. Une fois de retour au laboratoire, certaines de ces espèces se sont avérées être nouvelles pour la Science, notamment deux espèces de vers marins de la famille des Polynoidae, ainsi probablement qu’un crustacé mysidacé, sorte de petite crevette.

Ces découvertes montrent bien que certains environnements difficiles d’accès avec des méthodes classiques d’échantillonnage ont le potentiel de mener à la découverte de nouvelles espèces. La plongée en Antarctique requiert des moyens importants et les bases en bord de mer sont en première ligne pour mener cette recherche d’inventaire de la biodiversité. Dans un monde dont le climat change rapidement, cet inventaire est d’autant plus important que ces espèces dépendantes de la glace pourraient être les premières à disparaître.


Un plongeur du programme POLARIS s'avance dans une "grotte de glace", île Claude Bernard, Base Dumont D'Urville. Crédit photo: Pierre CHEVALDONNE/CNRS

Deux nouvelles espèces découvertes dans ces environnements particuliers, des vers Polynoidae jusqu’à présent uniquement observés sur ou dans la glace. Crédit photo : Pierre CHEVALDONNE/ CNRS