mardi 3 mai 2022

L'étude de l'humain et les programmes biomédicaux

En complément de tous les programmes scientifiques qui y sont menés (et sur lesquels je reviendrai prochainement), la base Dumont d'Urville est aussi un laboratoire du vivant où l'on observe l’humain et ses comportements. 

Nous avons ainsi accueilli durant quelques semaines lors de la campagne d'été, une anthropologue de l'Université de Tours, Isabelle, spécialiste des micro-sociétés en milieux isolés. Elle s'est intéressé à la manière dont se construit, vit, s'organise et se dissout la micro-société constituée par les campagnards d'été et les hivernants, non seulement lors de leur séjour mais aussi durant plusieurs mois à l'issue du passage en terre Adélie. Résultats dans deux années.

Dans le domaine de l’étude des humains, depuis cette année à DDU, les programmes biomédicaux menés lors de l'hivernage  prennent une place nouvelle. En synthèse, il s'agit d'étudier, au travers de quatre programmes distincts, l'évolution des corps et des sens, dans le contexte d'un milieu difficile, stressant et inhabituel (froid, obscurité, isolement durable).

Sur la base, c'est Céline la doc qui est en charge des opérations biomédicales et ce sont les hivernants volontaires qui servent de "cobayes" pour la science, n'est-ce pas Manu ?

Céline DUPIN/TAAF

Trois programmes, deux belges (de l'Université Libre de Belgique et de la Royal Military Academy) et un d'une unité de l'INSERM de Grenoble, étudient le sommeil, les troubles du sommeil, les fonctions cardiaques et artérielles associées, en lien avec le milieu polaire.

L'un des outils de base pour ces programmes est la polysomnographie. A quatre reprises durant le séjour, bardés de pas moins de 20 capteurs répartis sur tout le corps, les "cobayes" vont passer (ou tenter de passer) une nuit de sommeil au cours de laquelle la qualité de leur sommeil et leurs fonctions vitales vont être enregistrées en vue d'une analyse ultérieure en laboratoire. N'est-ce pas qu’elle a l'air heureuse de contribuer à faire avancer la science Lucie ?

Céline DUPIN/TAAF

A ces quatre polysomnographies annuelles, se rajoutent selon les programmes, des analyses mensuelles ou bimestrielles, à base de questionnaires et d'appareillages nocturnes plus légers. Ici un tensiomètre automatique qui pendant 24h, va enregistrer tous les 1/4h en journée, toutes les 1/2h la nuit, la pression artérielle....Essaye de dormir avec ça, faut être sacrément fatigué....!

Céline DUPIN/TAAF

Quelles sont les influences de l'obscurité, de l'isolement et du froid sur notre sommeil ? Comment le rythme cardiaque, la pression artérielle, la saturation en oxygène du sang évoluent-ils dans ce contexte ? Les études menées depuis cette année à DDU, rejoignent celles similaires conduites sur la base franco-italienne de Concordia depuis plusieurs années par l’Agence Spatiale Européenne (ESA). Située à 3200 mètres d'altitude, encore plus près du pôle sud, donc avec encore moins de luminosité et plus de froid, Concordia ajoute aux expériences précédentes les effets de l'hypoxie. DDU au niveau de la mer sert donc de population de référence pour comparer les différences dues notamment aux effets de l'altitude et donc du manque d'oxygène.

Céline DUPIN/TAAF

 Le quatrième programme vise à évaluer les sens et leurs évolutions dans le temps, dans un milieu de privations sensorielles. Piloté par le laboratoire de recherche du Service de Santé des Armées, ce programme consiste trois fois par an à tester les sens de nos hivernants volontaires. Ci-dessus, Zoé teste son odorat (64 flacons pour 16 odeurs différentes). Ci-dessous, elle teste son goût (18 saveurs différentes). Manifestement, elle n'aime pas celui-ci......

Céline DUPIN/TAAF

 Tous ces programmes ont une application destinée principalement à la recherche spatiale. Les bases antarctiques ont en effet des conditions de vie relativement proches des milieux spatiaux (isolement, manque d’oxygène, conditions extérieures extrêmes, privations, huis clos.....). Analyser et suivre les populations qui y séjournent, aide à faire progresser la connaissance pour de futures missions de longue durée (base lunaire et voyage vers Mars).

Lucie en plein test d'audition.

Céline DUPIN/TAAF

 Dernier test enfin, celui relatif à la vue et en particulier la fonction "accommodation". Ah, le bonheur écho de l'amour.....Tout un programme !

Céline DUPIN/TAAF

Il ne manque plus que psychologues et psychiatres pour analyser in situ les comportements humains sur une base polaire. Car si tous les hivernants sont passés dans les mains des psychologues au cours de leur sélection, ces derniers n'ont pas recherché la compatibilité des profils les uns par rapport aux autres comme on peut le faire pour un équipage spatial. Ce qui a été étudié, ce sont les potentielles fragilités rendant l'individu incompatible avec les contraintes d'un hivernage.

De nouvelles pistes de travail pour de futures expériences de biomédecine.

2 commentaires:

  1. Passionnant !
    Bravo à toute l'Équipe, avec une mention spéciale pour les "cobayes" !
    C'est avec avidité que nous attendons les prochains communiqués.

    RépondreSupprimer
  2. Un grand merci à nos merveilleux sujets ! Hâte d'analyser ces données !
    PS : Ravi de voir que Lucie apprécie toujours autant la mesure de tension sur 24h ! 😉

    RépondreSupprimer