mercredi 22 mai 2019

La Centrale

Aujourd'hui, nous allons vous parler de technique avec cet article rédigé par Maëlle sous l'oeil attentif mais toujours bienveillant de Norbert. Nos deux spécialistes centraliens, formés plus particulièrement à la mécanique Marine (mais pas que), vont vous faire découvrir l'objet de toutes leurs attentions avec ses spécificités "Antarctique" sans lesquelles point de vie à Dumont d'Urville et donc point de science ni de recherche. 

La Centrale

La base est bercée par un ronronnement continu. Approchez vous du bâtiment n°24 et ce ronronnement s’intensifie. En entrant, le son prend plus d’ampleur et il faut se protéger les oreilles. En revanche, plus besoin de bonnet ni de VTN (tenue de protection polaire), la température avoisine les +25°C. Bienvenue dans la Centrale !

En entrant dans la centrale - Crédit audio: Maëlle Giraud
 
La Centrale, bâtiment n°24 de DDU - Crédit photo: Maëlle Giraud

Son nom indique beaucoup : cœur névralgique de DDU et également centrale électrique. C’est ici que l’eau et l’électricité sont produites.  Comment ? Grâce à plusieurs équipements et une surveillance constante de la part du service technique.
Le rôle principal de la Centrale est de produire de l’électricité.
Nous disposons  pour cela de 3 moteurs Diesel couplés à des alternateurs. Chaque groupe électrogène, GE, (moteur + alternateur) peut fournir jusqu’à 140kW.

Les trois groupes électrogènes Caterpillar - Crédit photo: Maëlle Giraud
Cela est en général largement suffisant pour subvenir à tous les besoins de la base qui nécessitent en moyenne 70kW. En été, mais aussi parfois l’hiver, la demande peut être plus importante et il est alors nécessaire de démarrer un deuxième GE.  Le fait d’avoir trois GEs permet une liberté de mouvement : 1 en service, 1 en secours/appoint, 1 en maintenance.
Les maintenances se font régulièrement, à un rythme préconisé par le constructeur, Caterpillar. Ce mode de maintenance, dite préventive, diminue fortement le risque d’avoir des pannes.

La Team Centrale, Norbert & Maëlle - Crédit photo: Liz Hascoët - Institut Polaire Français

En complément, un groupe de secours se trouve dans un bâtiment indépendant.


Le groupe de secours - Crédit photo: Maëlle Giraud


Il permet de produire de l’énergie pour la base si jamais le bâtiment de la Centrale n’est plus accessible. Afin de s’assurer de son bon fonctionnement, il est démarré une fois par mois et fournit de l’électricité pour le séjour pendant une demi-journée.
Ces 4 moteurs fonctionnent au gasoil qui est stocké dans des cuves. Ce n’est pas tout à fait le même gasoil que celui que vous mettez dans votre voiture… Climat particulier oblige, le notre contient des additifs pour pouvoir être pompé et donc utilisable par -35°C.

Avec cette organisation nous sommes donc sûrs d’avoir de l’électricité en permanence, et donc sûrs d’être confortablement installés et préservés de la rudesse de l’Antarctique durant l’hivernage.

Ensuite, le second rôle, et non des moindres de la Centrale, est de produire de l’eau douce. Cela est indispensable pour vivre mais également pour nos odorats délicats.
Il y a beaucoup d’eau douce disponible autour de nous sous la forme de neige et de glace mais la présence régulière de nos amis les manchots pollue cette ressource. Heureusement la base se situe sur une île et nous disposons d’eau de mer à profusion. C’est cette dernière que nous exploitons donc pour produire de l’eau douce potable.
L’eau de mer est prélevée dans l’anse du Lion via un tuyau d’aspiration courant sur le fond. Elle est aspirée par les pompes de la SPEM (Station de Pompage d’Eau de Mer) qui sont assez puissantes pour renvoyer 5000L /h d’eau de mer jusqu’à la Centrale en base haute (40m plus haut).

De la SPEM à la Centrale - Crédit photo: Maëlle Giraud

Arrivée à la Centrale, l’eau de mer est envoyée vers le bouilleur et/ou l'osmoseur pour séparer le sel de l’eau douce.


Les équipements de production d'eau douce - Crédit photo: Maëlle Giraud
Bouilleur et osmoseur, distillation et osmose inverse, deux techniques bien distinctes pour obtenir de l’eau douce. Leur principe ? Le bouilleur permet de chauffer l’eau pour qu’elle s’évapore et la vapeur d’eau douce est recondensée et récupérée, le sel étant évacué sous forme de saumure liquide car il ne s’évapore pas aussi vite que l’eau. L’osmoseur, lui, demande que l’eau de mer traverse sous haute pression (60bar) des membranes. Les molécules d’eau traversent les membranes, les molécules de sel, plus grosses, sont bloquées et évacuées.
Nous utilisons principalement le bouilleur. Il est amplement suffisant l’hiver pour produire l’eau nécessaire, voire même trop performant car nous sommes régulièrement obligés de jeter de l’eau non consommée bien que nos collègues hivernants prennent très à cœur les consignes d’hygiène, à savoir prendre de très looongues douches ! En été, en revanche, la population sur base est bien plus importante et notre cher bouilleur a du mal à suivre la cadence. Il est alors nécessaire de démarrer l’osmoseur ponctuellement.


Le bouilleur - Crédit photo: Maëlle Giraud
Mais pourquoi cet engouement pour le bouilleur ? Pour plusieurs raisons. Tout d’abord il est nettement moins gourmand en énergie que l’osmoseur. Ensuite il fonctionne par échange de chaleur, élément dont nous disposons en grande quantité, pas forcément évident au premier abord quand on connait les températures de l’Antarctique. Cette chaleur provient des groupes électrogènes et plus particulièrement de leurs gaz d’échappement. Ils sortent du moteur entre 300 et 400°C ! En faisant circuler de l’eau dans la cheminée du GE en service, on arrive à la chauffer suffisamment pour ensuite chauffer l’eau de mer jusqu’à ébullition. Et pour être plus performant encore, les chambres d’évaporation du  bouilleur sont mises sous vide ce qui permet de faire bouillir l’eau à 35°C.
Enfin, la saumure extraite du bouilleur est à 30°C, contre 20°C avec l’osmoseur, et est utilisée pour réchauffer l’ensemble des tuyauteries de la base afin d’éviter le gel. Et plus elle est chaude moins le risque que les canalisations gèlent est élevé. C’est pour toutes ces raisons que les équipes de centraliens successives prennent grand soin de ce bouilleur depuis de nombreuses années !

Le troisième rôle de la Centrale est de chauffer plusieurs bâtiments. Certains disposent de leur propre chaudière pour produire de l’eau chaude mais d’autres non. C’est un choix qui a été fait par souci d’économie d’énergie. En effet, comme expliqué précédemment, les gaz d’échappements des moteurs réchauffent un circuit d’eau. Cette eau chauffe le bouilleur mais dispose encore de chaleur à l’issue de cette action. Du coup, elle est envoyée vers différents bâtiments comme eau de chauffage. La centrale chauffe ainsi 5 bâtiments uniquement avec l’énergie récupérée dans les gaz d’échappement.
Schéma de principe du fonctionnement de la Centrale - Crédit de production: Equipes Centrale - Institut Polaire Français
 Un autre rôle attribué à la Centrale, et plus particulièrement à la personne de quart, est de veiller à la sécurité de la base. C’est dans le bureau de la centrale que sont reportées les alarmes techniques mais également les alarmes incendie. De plus, lorsque le responsable de la radio est de repos, la Centrale prend le relais et suit les sorties de la base afin de savoir en permanence qui se trouve sur la banquise.
En cas d’incident, les personnes concernées seront averties immédiatement par la personne de quart.


Les différentes alarmes à la Centrale - Crédit photo: Maëlle Giraud

Le dernier rôle de la Centrale est peut-être le plus important. La présence humaine permanente (centraliens la journée, 1 technique la nuit), la température agréable du local, le « ronron » apaisant des moteurs et la machine à café en font un lieu de refuge pour tous les hivernants. Il n’est donc pas rare d’en voir un rentrer dans le bâtiment n°24 pour trouver un accueil chaleureux au cœur de l’hiver
polaire !

Le café est toujours prêt - Norbert, Maëlle et Aurélien - Crédit photo: Alain Quivoron 

3 commentaires:

  1. Bonjour à tous, Le bouilleur est il toujours le même depuis 1964 ? Fabriqué par Nerpic à Grenoble ?. Amitiés polaire Georges Gadioux TA 21

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  2. Et bien , y' a du changement depuis TA 29 et TA36. tous les groupes ont été changé sauf peut être le groupe qui se trouve dans un autre bâtiment qui n' existait pas non plus a cette époque.Et quel changement : cette jeune femme.....a cette époque on prenait chacun son tour la permanence a la centrale le soir, et bien sur on était de vaisselle au séjour, mais tout cela se passait agréablement bien.....Que de souvenirs extraordinaires.Des séjours comme cela , ça marquent a vie......

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  3. Bravo Norbert ! Bonne fin de séjour

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