vendredi 2 septembre 2022

Quoi de neuf du côté des empereurs ?

Ça fait un petit moment que je ne vous ai pas reparlé des manchots empereurs. Installés à leur retour à DDU directement au niveau du "nunatak du bon docteur", ils y sont toujours cinq mois plus tard.

Un nunatak est un piton de roches qui s'élève au dessus de la glace et demeure le plus souvent déneigé. Faisant intégralement partie de la ZSPA n°120 (Zone Spécialement Protégée de l’Antarctique), le nunatak n'est accessible qu'aux personnes titulaires d’une autorisation, délivrée dans le cadre d'un programme scientifique (ou de personnes y concourant).

Le nom "du bon docteur" a été donné à cet emplacement par l’expédition de 1951 (la TA04), en l'honneur du médecin de l'équipe qui fréquentait souvent ce site pour y observer les empereurs.

La manchotière - Jean-Philippe GUERIN/TAAF

Ce n'est donc pas un hasard si soixante-et-onze ans plus tard, les empereurs sont toujours des habitués de ce lieu. Fidèles les empereurs, non ?

Après la période de deux mois de couvaison sur les pattes du mâle pour éviter à l’œuf de geler au contact de la glace (mai-juin), les premières éclosions ont eu lieu dès le début du mois de juillet. Toujours sur les pattes, les deux parents se relayent alors régulièrement pour protéger le poussin. 

Mais avant ça, aura eu lieu le moment le plus sensible : C'est celui du transfert de l’œuf des pattes du mâle à celles de la femelle lors de son retour après deux mois d'absence. Chute sur la glace interdite sous peine de décès. On parle alors d'échec de reproduction.

L'éclosion - Jimmy ALLAIN/institut Polaire Français

Le poussin, toujours bien à l'abri, va être nourri alternativement par ses parents qui partent à tour de rôle en mer pour s'alimenter avant de revenir prendre leur tour de service parental. Mais (parce qu'il y a un mais), nous avons actuellement 300 km de banquise. A la vitesse de déplacement du manchot empereur, ça en fait du temps pour rejoindre l'océan, s'alimenter et revenir. Comment font-ils donc 😏?

L’alimentation à deux semaines - Jimmy ALLAIN/institut Polaire Français

Heureusement pour nos amis empereurs, les 300 km de banquise contiennent des poches d'eaux libres, appelées polynies (j'y consacrerai un prochain article). La plus proche de DDU a longtemps été située cet hiver à 80 km tout de même, elle est désormais à 15 km de distance. Le mystère reste entier sur la manière dont les empereurs s'y prennent pour trouver la polynie puis revenir à la colonie. Comment se dirigent-ils ? Force est d'admettre qu'on se sait pas encore tout.

Deux semaines et toujours sur les pattes - Jimmy ALLAIN/institut Polaire Français

Nous assistons donc quotidiennement à de longues "transhumances" toujours en files indiennes, tantôt en glissant sur le ventre, tantôt en se dodelinant sur les pattes. Des allers et retours des empereurs depuis le nunatak, vers et en provenance de la polynie. Spectacle sans fin, observé et comptabilisé par notre ornithologue Jimmy.

Le poussin à un mois - Jimmy ALLAIN/institut Polaire Français

Parvenu à deux mois d'existence, le poussin, revêtu d'un duvet gris suffisamment épais, atteint enfin son autonomie thermique. Il peut dès lors quitter les pattes protectrices des parents et faire ses premiers pas sur la glace. Vous noterez tout de même quelques différence entre l'adulte et le poussin, notamment au niveau de la tête (le tour des yeux).

Le poussin à deux mois - Jimmy ALLAIN/institut Polaire Français

N'est-ce pas qu'il est mimi ? Une véritable peluche. Mais interdiction de s'en approcher et encore moins de le prendre dans les bras. Le travail quotidien de Jimmy est de suivre l'évolution de la colonie des empereurs et, s’inscrivant dans la longue lignée des ornithologues et autres observateurs animaliers qui se succèdent à DDU depuis soixante-dix ans, de répertorier toutes ses observations. A DDU, nous disposons de la plus longue observation des manchots empereurs au monde. Une mine de renseignements.

L'autonomie thermique - Jimmy ALLAIN/institut Polaire Français

Et comme pour tout ce qui concerne le monde animal, le prédateur n'est jamais très loin. Pour le manchot empereur en terre Adélie, ce n'est pas (ou plus) l'homme mais le Pétrel Géant d'Antarctique (PGA). Il veille sur son garde-manger 😕.

Le PGA - Jimmy ALLAIN/institut Polaire Français

Il rôde et il plane à la recherche de sa proie. Il frôle la colonie de son vol rasant, à la recherche du poussin imprudent qui se sera trop éloigné de ses parents. Les adultes ont beau lever la tête et connaitre le danger, l'issue sera toujours la même.....

Le vol rasant - Jimmy ALLAIN/institut Polaire Français

.....le poussin isolé ne connaitra jamais l'océan ! Et sous l’œil des adultes résignés dont aucun ne songera à attaquer le PGA , ce dernier prendra son temps. Je vous épargne les petits détails de la décortication du cadavre, dont l’intérieur sera intégralement vidé par le cloaque......

Cadavre de poussin - Jimmy ALLAIN/institut Polaire Français

 Ainsi va la vie du cycle du manchot empereur en terre Adélie. A suivre.

2 commentaires:

  1. Qu'il est splendide l'empereur qui règne sur le continent blanc !
    Merci pour l'article et les magnifiques photographies.
    Nous attendons la suite avec impatience...

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  2. Lectrice e-assiDDUe3 septembre 2022 à 22:35

    Merci de nous donner des nouvelles. A bientôt.

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