samedi 29 mars 2025

Le retour des manchots Empereurs

 L'hiver venant, les manchots Adélie ont peu à peu quitté la Terre Adélie, laissant l'archipel dans un profond silence, après des mois de présence à nos côtés. Les manchots Adélie nous laissent alors seuls sur l'île dans la rigueur de l'hiver et ne reviendront que lorsque l’Été prochain pointera le bout de son nez. 

Bien que seuls sur l'île, nous ne le seront pas dans l'archipel. En effet, le départ des Adélie qui marque l'entrée dans l'hiver, coïncide également avec le retour des manchots empereurs. 

Les manchots empereurs seront nos compagnons d'hiver et lutteront avec nous face au froid et aux vents catabatiques. 

Colonne d'Empereurs progressant par l'Ouest de l'île des Pétrels vers la manchotière. Photo : Pierre BASCELLI 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


 

 

Nous pouvons observer depuis quelques jours les premières colonnes de manchots sur la banquise. Ils progressent en file indienne avec cette démarche unique. Le braiement ou jabotement (cris très spécifiques du manchot empereur) résonne à nouveau dans l'archipel. Ce son si particulier est plaisant à retrouver, comme le son familier de la voix d'un vieil ami que l'on n'a pas entendu depuis longtemps.  

 

Colonne de manchots empereurs à l'Ouest de l'Île des Pétrels. Photo: Pierre BASCELLI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le retour des premiers empereurs est intervenu cette année aux alentours du 7 Mars. L'installation des premiers manchots à la rookerie (colonie d'oiseaux polaires qui se protègent du froid par leur réunion), plus communément appelée manchotière a eu lieu le 12 Mars. 

Un premier comptage a été effectué par Amandine, notre ornithologue, le 22 Mars, la rookerie comptabilisait alors 725 individus.

Le dernier comptage d'Amandine, réalisé le 26 Mars comptabilisait 2118 individus. 

Les manchots Empereurs en attente sur la banquise. Ouest Ile des Pétrels. Photo: Pierre BASCELLI

 

 

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Nous aurons l'occasion de vous donner de leurs nouvelles au fil de l'hiver ...  

jeudi 27 mars 2025

Portrait d'Adélien - Grégory SALVI, Chef du service des télécommunications et gérant postal

 

Chaque Jeudi, nous vous proposons d’aller à la rencontre d’un de nos compatriotes du bout du monde. Vous découvrirez les portraits de ces hommes et de ces femmes qui exercent leur art dans le territoire français le plus éloigné de la métropole, en Terre Adélie, sur le grand et mystérieux continent blanc.

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Cette semaine, nous vous présentons l’Adjudant Grégory SALVI, 45 ans, Marié et père de 5 enfants, qui nous vient de Mont-de-Marsan.

Gregory fait partie de l’armée de l’air et de l’espace et occupe la fonction de chef du service des télécommunications et de gérant postal pour la 75ème mission française en Antarctique.     

Grégory a d’abord validé un BTS en électronique avant de s’engager à l’armée de l’air et de l’espace. Affecté durant 7 ans à Paris au début de sa carrière militaire comme contrôleur satellite, il a ensuite rejoint Nice en qualité de technicien radio où il a demeuré durant 5 ans, à l’issue, il a été basé en Italie pour une mission OTAN de 4 ans, avant finalement de rejoindre la base de Mont-de-Marsan en qualité d’expert radio depuis 2019.

 


Au sein de la base Dumont d’Urville, Gregory a pour mission de superviser et organiser le bon fonctionnement du service des télécommunications. Il veille au maintien opérationnel des moyens de communication extérieurs (antennes satellitaires,…) et internes (radios, téléphones IP, …) avec le technicien radio. Dans un environnement aussi isolé que la base de Dumont d’Urville, cette mission est essentielle à la sécurité de tous. L’opérationnalité de l’ensemble du dispositif conditionne notre capacité à communiquer avec le reste du monde et nous permet également de transmettre notamment les données scientifiques recueillies par les différents équipements scientifiques installés et entretenus par l’institut polaire au bénéfice des différents laboratoires de recherches.

Gregory est aussi gérant postal, il est le postier du bout du monde, tout comme dans un bureau de poste traditionnel, il prépare et tri le courrier des hivernants et campagnards, les oblitèrent, vend les timbres, …  Bref, Gregory gère le bureau de poste le plus isolé au monde. Au-delà des missions traditionnelles, il anime également l’activité de philatélie, répondant aux demandes précises de philatélistes du monde entier, positionnant les timbres et les cachets demandés, réalisant des propositions de plis personnalisés aux évènements de la mission, …

Relève du courrier déposé dans la boîte au lettre de la base.

 

Le courrier est important pour les hivernants et leurs proches ainsi que pour les philatélistes, chaque année ce sont plusieurs milliers de courriers et colis postaux qui transitent au sein de ce bureau de poste, représentant des centaines de kilos de dépêches postales.

En complément, Grégory gère la coopérative, c’est un peu à la fois l’épicerie du village et la boutique souvenir. On y trouve des cartes postales, des vêtements, des objets souvenirs, de l’alcool, des articles d’hygiène du quotidien, c’est un peu la caverne d’Alibaba. Gregory est un bon commercial et généralement les campagnards ou hivernants qui entrent dans son antre sans volonté particulière en ressortent toujours les mains pleines d’articles.

Enfin, Gregory assure également avec le technicien radio les relevés quotidiens et la maintenance de la station du CEA (Commissariat à l’énergie atomique).

En dehors de ces fonctions professionnelles sur base, Gregory aime s’entretenir physiquement en allant régulièrement à la salle de sport de la base. Il propose également à ses co-hivernants des cours de guitares, ses élèves se font de plus en plus nombreux. Enfin, Gregory est friand de jeux de société et jeux de cartes. Lors des longues soirées d’hiver, vous le retrouverez probablement soit autour d’un jeu au coin du séjour soit devant un film dont il organise chaque semaine un tirage au sort qu’il soumet alors au vote de la base.  

Tri du courrier au sein du bureau de poste

 

Gregory apprécie cette expérience car elle lui apporte de nouvelles compétences professionnelles, et qu’il organise les activités de son service avec une autonomie importante dans la réalisation de ses missions. Au-delà de l’expérience professionnelle, l’aventure en Terre Adélie est une vraie richesse. « Ce que j’aime ici c’est le fait d’être en permanence dépaysé, vivre dans un environnement chaque jour différent tout ça dans un petit groupe avec qui nous partageons tous ses instants. J’apprécie cette vie collective, ce partage entre tous ces profils si différents. »

Une anecdote à nous raconter ?

« Le tout premier jour de mon arrivée dans la base, alors que j’y étais depuis seulement 15 minutes, en sortant du dortoir où j’avais déposé mes affaires, j’ai posé le pied sur un plaque de glace devant le bâtiment et en l’espace d’une demi-seconde j’étais étalé au sol, face contre glace, un plat contre la glace... C’était mon premier contact avec l’Antarctique… Heureusement personne ne m’a vu. Bref je me suis dis que ça allait être long à ce moment-là. J’avais surement raison car depuis j’ai performé quelques autres chutes. »

 

Un mot pour terminer ?

« Pour ceux qui se sentent l’esprit à l’aventure, qui aiment la vie en collectivité et qui veulent découvrir quelque chose hors du commun, extraordinaire, postulez, foncez, vous ne le regretterez pas »


 

mercredi 26 mars 2025

La progression inébranlable des longues nuits Antarctiques

 Après plusieurs mois de jours constants et d'interminables journées, il est temps pour l'obscure et longue nuit Antarctique de s'installer. Inébranlable face à la lumière du soleil, la nuit empiète un peu plus chaque jour sur le quotidien des hivernants.

Entamé depuis le mois de Janvier, la décroissance des heures de jour, devient particulièrement visible depuis maintenant plusieurs semaines, rétablissant un rythme plus habituels pour le personnel de la base.

Cependant, la nuit polaire ne se contentera pas de cette part du gâteau et va continuer à grignoter du temps d'obscurité au soleil, jusqu’à atteindre son summum le 21 Juin. A cette date, le soleil ne se fera voir plus qu'entre 11h51 et 13h32, soit seulement 1 heure et 41 minutes par jour. 

Mais nous n'en sommes pas encore là, nous aurons l'occasion de revenir sur les longues nuits polaires. Dans l'attente, à ce jour, nous profitons encore du soleil de 07h03 à 18h30, un confort retrouvé pour certains hivernants qui passent de meilleures nuits après cette période de jour permanent.

La nuit polaire n'a pas que des désavantages, en effet, qui dit nuit polaire dit ciel étoilé et aurores australes. Un spectacle particulièrement grandiose s'offre alors aux hivernants. 

Finalement, le confort de sommeil retrouvé est aussitôt perturbé par les activités et réveils nocturnes pour observer les aurores australes et le ciel étoilé. Chaque nuit, les hivernants se confrontent donc à un dilemme : Observer les aurores et le ciel étoilé ou dormir à poing fermé ?... Il y a pire choix à faire dans la vie...

 

Ismaël, le lidariste, réalise ses tirs avec l'arrivée de la nuit polaire. Photo: Pierre BASCELLI 

 

 

Le séjour, lieu de vie des hivernants, sous le ciel étoilé. Photo: Pierre BASCELLI

 

La Lune, aidée des guirlandes électriques, éclaire la base. Photo : Pierre BASCELLI

 

 

    



samedi 8 mars 2025

Début de l'hivernage pour la 75ème mission française en Terre Adélie !

 


Il est 23h à notre montre, le mardi 18 Février 2025 quand la dernière embarcation annexe de l'Astrolabe quitte l'Ile des pétrels, éclairée par nos lampes torches dans l'obscurité de la nuit polaire. A son bord, les derniers campagnards qui achevaient la fermeture de la piste du Lion. L'appareillage a donc soudainement divisé par trois le nombre d'habitants sur la Terre Adélie. 
 
Ce départ de l'Astrolabe marque officiellement le début de l'hivernage pour l'ensemble de l'équipe de la 75ème mission française en Terre Adélie. 
 
Cette année, ce seront donc 23 hivernants, que nous aurons le plaisir de vous présenter plus en détail au cours de l’hivernage, qui demeureront sur la base Antarctique de Dumont d'Urville. 
 
L'équipe restera isolée du reste du monde pendant les 9 prochains mois affirmant la présence française sur ce bout du monde, au service de l'épanouissement de la science et de la protection de l'environnement polaire. 
 
Dès le lendemain, l'équipe s'est retrouvée pour une photo de famille ! 
 
 
Derniers adieux à l'Astrolabe lors du départ de sa dernière rotation de l'année. Photo: Pierre BASCELLI

 
Les hivernants saluent l'Astrolabe pour son dernier départ. Ils ne le reverront que dans 9 mois. Photo: Pierre BASCELLI  

 
 
 
Embarquement des derniers campagnards depuis la piste du Lion sur l'embarcation annexe de l'Astrolabe. Les derniers campagnards quittent la Terre Adélie. Vidéo: Victor VELASQUEZ

 
 

 


 
L'équipe des hivernants de la 75ème mission au complet pour le premier jour de l'hivernage. Photo : Pierre BASCELLI

 
 


 

samedi 15 février 2025

Focus Météo - Un mois de Janvier particulièrement doux

Figure 1 : Synthèse des températures observées pour le mois de janvier 2025, records - Météo France

 

Avec une température moyenne enregistrée de +0,2°C, le mois de janvier 2025 est plus chaud que la normale (-0,9°C de moyenne). A partir de la deuxième quinzaine notamment, on observe des températures maximales souvent 3 à 4°C au-dessus de la moyenne établie à +2,8°C, ce qui place le mois de janvier 2025 au 3ème rang des mois de janvier les plus doux au regard des températures maximales.

A partir du 16 janvier la douceur s’installe, en lien avec une advection d’air chaud et humide depuis les moyennes latitudes, que l’on nomme dans le langage commun et médiatique, une « rivière atmosphérique ».

Ces conditions sont dues à un anticyclone puissant qui se positionne au sud-est de la nouvelle Zélande dés le 13 janvier, et à plusieurs creusements dépressionnaires qui circulent plus à l’est. (cf figure 2).

Ces centres d’action dirigent un flux de Nord pendant plusieurs jours depuis l’Australie et la Tasmanie vers le continent Antarctique, drainant beaucoup d’air chaud et humide depuis les moyennes latitudes.

Sur la figure 2 représentant la situation générale au large le 16 janvier à 06 UTC (16h locales à DDU), on remarque une large bande d’air chaud et humide sur l’océan Austral, se déplaçant vers le sud avec une dépression creusée à 973 hPa au large. Cette masse d’air atteint l’antarctique le 16 janvier en soirée.

Figure 2 : Pmer (traits noirs), champ de Théta’W à 850 hPa (traceur d’air chaud et d’humidité) et vent (barbules) seuillé à 30 kt. En orange/jaune/vert l’air chaud et humide. - Météo France

 

Figure 3 : Image visible du satellite géostationnaire HIMAWARI le 16 janvier à 19h locales - Météo France

 

Sur la base Dumont d’Urville, la masse d’air s’est réchauffée dès la fin d’après-midi et la température a augmenté brutalement avec une hausse spectaculaire de 2°C en 3 minutes (passant de 1,3°C à 18h18 à 3,3°C à 18h21 et même 3,7°C à 18h23) comme le montre la figure 4. Les températures se sont ensuite maintenues toute la nuit autour de 3 à 5°C, atteignant un pic à 5,4°C à 00h43. Cette valeur n’est pas un record de température la nuit, mais sur les 20 dernières années c’est la 3 ème fois qu’on enregistre des températures de cet ordre en milieu de nuit entre 22 h et 3h du matin (derrière les 5,8°C à 23h le 14/12/2021 et 5,6°C à 23h le 23/01/2021).

Nous avons alors observé un phénomène météorologique ayant déjà eu lieu mais assez rare dans ces conditions de températures largement positives : des précipitations sous forme de pluie, à partir de 3h du matin le 17 janvier, jusqu’en milieu de journée. L’occurrence de pluie n’est pas inédite sur la station mais observée en fin de nuit et dans ces conditions de températures, le phénomène reste remarquable et ne se produit pas tous les ans. La dépression s’est ensuite décalée vers le sud et a donné lieu à la tempête nommée « GREG », du prénom de notre gérant postal, avec une rafale max enregistrée de 157 km/h en matinée.

La douceur s’est ensuite installée pendant plusieurs jours, avec une température remarquable de 7,4 °C observée le 18 janvier, établissant un nouveau record journalier.

La station Concordia, de son côté, a établi son record annuel de chaleur le 17 janvier avec -17°C relevés.

 

Figure 4 : données minutes de température à 2 m mesurée sous abri (en bleu), et température ressentie calculée (en noir). - Météo France

 

 


 

Cindy SOUAN

Cheffe station météo France

Base Dumont d'Urville