jeudi 9 octobre 2025

Portrait d'Adélien - Hugo GUILLAUME, l'électricien qui apporte du soleil dans la nuit polaire

 Chaque jeudi (il fallait oser commencer comme cela...), nous vous proposons d’aller à la rencontre d’un de nos compatriotes du bout du monde. Vous découvrirez les portraits de ces hommes et de ces femmes qui exercent leur art dans le territoire français le plus éloigné de la métropole, en Terre Adélie, sur le grand et mystérieux continent blanc.

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 Cette semaine, nous vous présentons Hugo GUILLAUME, 23 ans, qui nous vient de Quimper et qui occupe la fonction d'électricien pour la Base Dumont-d'Urville.

Hugo a d'abord réalisé un Bac professionnel "Métiers de l'électricité et de ses environnements connectés" ainsi qu'un brevet d'études professionnelles dans la même spécialité. Durant cette première partie d'étude, il réalise des stages dans plusieurs usines spécialisée et va avoir l'opportunité d'effectuer un stage ERASMUS d'1 mois, à Portsmouth, au Royaume-Uni, au sein d'un hôtel où il participera à la maintenance générale des installations de l'établissement.

Il poursuit ses études par un BTS en électrotechnique.  

Lancé dans ses études, avec un bon niveau, il s'oriente initialement sur une prépa ATS (adaptation technicien supérieur) et envisage aussi de rejoindre des prépa pour écoles d'ingénieur. Mais rapidement, il ne se projette pas dans ces fonctions et décide de rentrer dans la vie active. Après plusieurs petits jobs, il décide de se lancer dans sa spécialité et commence par faire de l'électricité navale, qui ne lui apporte cependant pas assez de stimulation.


 Il expérimente également l'électricité tertiaire chez Actemium, filiale de Vinci Energie puis rejoint Aire-service, spécialiste de l'installation et maintenance des bornes de distribution d'électricité et d'eau pour les bateaux. Enfin, il rejoint le groupe Veolia à Quimper en tant que technicien d'usine, il y assure la maintenance courante, l'analyse de l'eau, une partie de la plomberie, un poste finalement assez polyvalent qui lui fait toucher à tout.

Pourtant, notre jeune électricien, couve au fond de lui un vieux rêve, qu'il entretien depuis le collège. Tout remonte à un exposé qu'il avait présenté sur la station Concordia, en cours de technologie. Ce rêve ne l'a jamais quitté, il voulait aller en Antarctique, pour son côté insolite, isolé de tout. Il voulait vivre une expérience qu'il imaginait déjà exceptionnelle sur le plan humain, social et professionnel. 

 

Hugo, surnommé ici "Hugolino de la Mamma", depuis qu'il a préparé des pizzas à ses co-hivernants en début d'hivernage, arbore un pendentif au motif de l'Italie autour du cou, des cheveux bouclés et une barbe bien noire qui lui donne un côté très italien, qu'il n'hésite pas à appuyer. 

Bref, Hugolino de la Mamma s'occupe, avec "son contractuel" ou "son Steevee" comme il dit, c'est à dire son binôme électricien, de toutes les installations électriques de la base ainsi que de l'électronique portatif. Il assure la maintenance curative et préventive de l'ensemble de ces installations et équipements. Une grande partie de son travail est aussi consacrée aux chantiers qui occupent la base, pose de goulottes, tirage de câbles, connexion de divers appareillages, etc... 


 Cette année, le gros chantier de Hugo c'est le SIPOREX (Bât 69...), son objectif : remettre à neuf toute l'installation électrique du bâtiment, y compris l'armoire électrique. 


Immersion dans une journée type de notre jeune électricien :  

7h-7h20 : Le réveil sonne, le temps de se préparer, il rejoint le séjour où il partage le petit déjeuner avec ses co-hivernants (au menu : Pain, Yaourt, Jus de fruit, Café,...). Un bon petit déjeuner pour une journée de chantier. 

8h pétante : Réunion technique au BT avec le reste de l'équipe. 

8h15-8h30 : Hugo anime une session de réveil musculaire au séjour. Une grande partie de l'équipe technique y assiste, parfois quelques autres hivernants y prennent également part. 

08h30-10h : Hugo se lance dans les chantiers ou maintenances diverses en fonction de la planification qui lui a été donnée en réunion technique.  

Hugo au "Sipo" avec son contractuel préféré, Steven. 

 10h : C'est la pause ! Les techniques "se mélangent au scientifiques" comme ils disent, 2ème café de la journée pour Hugo. 

10h30-12h : Retour au travail. 

12h-13h30 : C'est enfin la pause déjeuner ! Hugo a une règle, il doit être le premier à table, il guette de loin l'arrivée des hivernants de service base et tend l’ouïe pour que dès que la cloche sonne, il puisse profiter du buffet. Son binôme électricien n'est d'ailleurs jamais très loin de lui ! 

Et puis l'après-midi, rebelote, jusqu'à 17h30.

Steven sécurise son binôme durant la manipulation du poste haute tension. 
 

17h30 : "Fin de chantier" comme dirait Théo, notre Instrumentiste.

Hugo rejoint alors la salle de sport où il réalise ses exercices de musculation, objectif 2-3 séances par semaine. 

Une bonne petite douche au 42 puis il est déjà l'heure de dîner, même rituel que pour le déjeuner, "Hugolino de la Mamma" est dans les Starting-blocks.    

Enfin, le soir il rejoint souvent son canapé fétiche où son compère Renaud, le glacio, l'attend. Vous pourrez les entendre, tous les deux, glousser de rire devant des films, séries ou devant Pekin Express. 

Puis c'est déjà l'heure de rejoindre son lit ! La journée du lendemain s'annonce tout aussi chargée. 

Hugo apprécie ici l'immensité des paysages qui l'entourent, les manchots, en particulier les empereurs. "C'est une chance d'être ici" reconnaît t-il. 


 "L'humain est très important ici, on est 23 sur cette petite base perdue dans le grand Sud. On est à l'écart, à part, on est dans notre bulle. Impossible de retrouver ça en métropole, on n'est jamais confiné aussi longtemps."    

Hugo observe aussi beaucoup son environnement : "C'est très intéressant de voir le changement et l’évolution de nos co-hivernants, on voit les réactions évoluer, les phases différentes de l'hivernage, c'est une belle expérience sociale".  

       Hugo réalise un sondage de la banquise avec le DISTA.
 

Si vous cherchez Hugo, c'est assez simple, il est toujours avec Steven, tel le poussin empereur avec son parent et vous trouverez probablement ces deux-là au Siporex. Si vous ne le trouvez pas, cherchez dans la bibliothèque du séjour, il y sera alors probablement. Vous entendrez de loin ses éclats de rire, il y sera sans nul doute avec Renaud, son acolyte. Peut être qu'ils seront en train de regarder un Louis de Funès, comme Hugo les aiment (ce qui lui fait un point commun avec le DISTA). 



 Hugo est aussi le DJ années 80 attitré pour les soirée de la base ! Une revue de tous les grands titres assurée ! 


 Une anecdote à nous raconter ? 

"J'ai aimé aller au Nunatak avec mon acolyte, Renaud, pour une manip scientifique. On était seuls face à l'immensité Antarctique. Seuls face au monde entier. Un Pétrel géant Antarctique est arrivé, il a fait le tour de la colonie de manchots empereurs, c'était magique. Un moment de calme et de sérénité absolue. On réalise alors où l'on est et la beauté qui nous entoure."  


 Un mot pour terminer ? 

"C'est une aventure hors du commun, qui sort des chemins battus, à des années lumières du Métro Boulot Dodo de métropole. On peut vraiment apprécier le moment présent." 

"C'est beau comme le soleil !" 

vendredi 26 septembre 2025

Quelques nouvelles de Terre Adélie !

Chers lecteurs, chers passionnés de nos terres polaires,

J'ai le plaisir de reprendre la plume pour vous donner quelques nouvelles, après une interruption de 2 mois dans mes récits. J'aurai pu prétendre, pour justifier de cette absence, une longue expédition à Port Martin ou des aventures polaires rudes et lointaines mais la réalité est un peu différente. Vous le savez peut-être, le temps ne passe pas ici à la même vitesse qu'en métropole, et il est le seul vrai responsable, il m'a manqué ces derniers mois. Le temps de déneiger une petite congère, et paf, déjà 2 mois s'écoulent. Je sais que beaucoup d'entre vous regardent très régulièrement notre blog, pour avoir des nouvelles de notre vie sur base, de la Terre Adélie, ou simplement de vos proches, hivernants, qui vous en donnent parfois assez peu. J'ai reçu beaucoup de messages s'inquiétant de l'absence de nouvelles, témoignage de l'assiduité et de la passion que vous portez aux aventures polaires. 

Rassurez vous, nous allons reprendre la routine, et même vous offrir un peu plus de rations hebdomadaires, car je souhaite bien entendu vous avoir présenté tous les hivernants de la 75ème mission ,qui le veulent bien, avant la fin de notre mission.

Dans l'attente du prochain portrait, qui sera publié dans quelques jours, voici quelques actualités sur la base et les dernières opérations. 

Du côté de la manchotière

Amandine recueille les œufs abandonnés au Nunatak -  Photo: Pierre BASCELLI

Nos compagnons d'hivernage, les manchots empereur n'ont pas chômé, les premières pontes ont été observées par Amandine, notre ornitho, le 03 Mai 2025, annonçant également le premier jour de départ des femelles, après avoir confié leurs œufs aux mâles, qui en prendront soin durant le cœur de l'hiver. 

Photo: Pierre BASCELLI

 Le premier retour des femelles manchots empereur a été observé le 29 Juin 2025. Ce n'est que quelques jours après, le 01 Juillet 2025, que les premiers poussins ont été entendus, marquant les premières éclosions.     

Photo : Pierre BASCELLI
 Les poussins ont vite grandis et les crèches commencent à voir le jour, délaissant la protection rapprochée de leurs parents.  

Photo: Pierre BASCELLI

Une bonne nouvelle a souligner cette année, malgré sa fragilité, la population de manchots empereurs sur la colonie du Nunatak se porte bien ! Nous n'avions pas observé autant d'individus depuis 1975 ! 


 
Du côté de Géophy

Nos deux MESABSiens, Victor, notre informaticien science et Théo, notre électrotechnicien science continuent à se relayer chaque jour pour réaliser les mesures du champ magnétique terrestre.

Les relevés de sismologie leurs ont permis d'observer de façon franche, le gros séisme de magnitude 8,8 qui a touché la plaque au large du Kamtchatka le 30 Juillet 2025, permettant aux observatoires de collecter de précieuses données. 

Enfin, ils ont déployés sur la banquise de l'archipel, dans 3 zones distinctes, 5 nodes sismiques autonomes permettant l’enregistrement des signaux sismiques sur la banquise. 

Victor découpe des blocs de banquise avec la tronçonneuse pour pouvoir installer les nodes sismiques.Photo: Nathan CLAUSSE
 
 
Greg dépose une node sismique dans la banquise. Photo: Alice GROS

 Renaud, notre glaciologue, ne compte plus les prélèvements de neige qu'il a réalisé depuis son arrivée, submergé un temps par la rivière atmosphérique, que nous vous avions décrite dans un article précédent. Cette rivière est un événement très important pour les laboratoires, s'agissant d'un phénomène encore méconnu en Antarctique. Renaud a également reprit les manip en H le 31 Juillet, réalisées sur le continent mensuellement, afin de suivre le bilan de masse de la calotte glaciaire. 


 Enfin, Ismaël, notre lidariste, a profité durant la nuit polaire, de chaque accalmie entre les tempêtes et les couvertures nuageuses, pour réaliser ses tirs. 

 

Du côté des opérations techniques et logistiques  

Plusieurs chantiers ont bien avancés sur la base. 

D'abord, l'hôpital. Une aile entière a été vidée en vue des travaux de rénovation qui débuteront l'Eté prochain. Le bloc opératoire a été transféré temporairement dans l'ancien bureau du chef de District, puis les autres espaces de l'aile (Pharmacie et bureau médecin) ont été déplacés.  


Nouveau bloc opératoire provisoire dans l'ancien bureau du DISTA. Photo: Adèle PHILIPPE

Le Siporex a également profité d'un beau rafraichissement, tant sur le fond que sur la forme. Nos deux électriciens, Steven et Hugo ont travaillé et continuent à œuvrer à la refonte complète des systèmes électriques du bâtiment, de l'armoire électrique en passant par l'éclairage et le câblage. Le reste de l'équipe technique, accompagné parfois des hivernants volontaires, ont participé au chantier ainsi qu'au déménagement et débarrassage des déchets, à la peinture, au démontage des circuits de fluides, gazs et de chauffage sous l’œil attentif de François. Le chantier continu, mais déjà, le bâtiment offre un cadre plus convivial, si j'ose dire, avec la nouvelle peinture et les luminaires à leds posés par nos électriciens. 

1ère couche de peinture pour le SIPOREX, dans l'atelier de chaudronnerie. Photo: Nicolas LANASPEZE
 

Enfin, comme chaque année, les hivernants ont réalisés la grosse opération de transfert du carburant et des containers à travers la banquise. 

 

Descente des cuves mobiles depuis D3. 

Transfert de cuves sur la banquise. Photo: Amandine BARLES

Nicolas, notre chef technique, présente le dispositif mis en place au DISTA, Pierre BASCELLI. Photo: Victor VELASQUEZ

 Une opération importante, nécessitant une bonne préparation et une vigilance de tout instant. Nicolas, notre chef technique, accompagné de Lambert, notre mécano, a coordonné l'opération d'une main de maître, se terminant il y a quelques jours sans aucun incident. 

Lambert, notre mécano, vide la citerne mobile. Photo : Amandine BARLES

 

Jef, chef centrale et Renaud, glacio remplissent les cuves sur le Lion. Photo: Pierre BASCELLI

 Au final, ce sont 47 allers retours de cuves qui ont été réalisés sur la banquise pour transvaser 570 m3 de carburant et ce sont 15 containers qui ont transité de part et d'autre. 

Bravo à tous les hivernants impliqués dans cette grande opération. 

 

Léo, notre Mépré, au volant du Challenger sur la banquise. Photo: Nathan CLAUSSE

 Du côté de la vie de base

Trois événements ont ponctué ces derniers mois: 

Les jeux australiques d'une part, où DDU affrontait ses confrères des iles subantarctiques et de la station Concordia. DDU a été représenté dans toutes les disciplines ! Entre les épreuves de musculation, de course à pied, de baby foot, ping-pong, corde à sauter, relais, rédaction de gazette à thème, peinture, etc... Nos athlètes ne se sont pas ennuyés ! Grâce à nos exploits, DDU remporte .... la 5ème place ! Sur 5... "Amsterdam a probablement triché comme chaque année", "Kerguelen il n'y a que des militaires, c'est facile"; voilà quelques paroles que l'on entendra couramment au bar de DDU le soir des résultats... Bref, pas de quoi casser 3 pattes à un manchot. Peu importe, les hivernants se sont bien amusés et notre athlète omniprésent sur toutes les épreuves, Steven, notre électricien, n'a pas démérité, contrairement à notre radio, qui n'était pas au rendez-vous de cette compétition. Enfin, Gregory, notre Gérant Postal a crée la surprise en nous offrant plusieurs titres dans différentes disciplines.    

Nathan, notre menuisier, tente d'aller chercher une médaille à la corde à sauter. Capture vidéo: Steven TERRASSOUX

 

Corentin, notre radio, tente de décrocher une médaille en course à pied entre deux messages radios. Capture vidéo : Steven TERRASSOUX

   

Renaud va chercher la médaille d'or en course à pied. Photo: Adèle PHILIPPE

Nathan, notre menuisier, porte en autonomie complète, 200kg de poids. Oups ...la photo est mal cadrée... Capture vidéo : Steven TERRASSOUX

 

Steven, notre électricien, s'échauffe avant les nombreuses épreuves qui l'attendent.

Nos athlètes, Nathan, Victor et Steven s'entraînent pour la compétition. Photo: Adèle PHILIPPE

Les athlètes peintres réalisent leur chefs-d’œuvre. Photo: Adèle PHILIPPE

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Deuxième événement, Le WIFFA. Il s'agit du Winter International Film Festival of Antarctica.

Un rendez vous attendu chaque année par toutes les stations de l'Antarctique et du SubAntarctique. Les différentes stations participantes peuvent proposer 2 films, de catégorie différente. 

Première catégorie : l'OPEN, il s'agit d'un film de moins de 8 minutes sur un thème libre.

 Cette année, nous avons proposé dans cette catégorie, le film "Code Survivor : Race to the south pole", on y suit l'aventure de John Ryan et de son équipe qui participent à la course pour la conquête du pôle sud géographique. 

Deuxième catégorie : Le 48h, il doit être réalisé en 48h (tournage, montage), uniquement avec des pistes vidéos tournées dans cette période de temps. 5 thèmes sont imposés chaque année et doivent figurer dans la vidéo. 

Cette année, nous avons proposé dans cette catégorie, le film " To Burn", on y suit l'aventure des hivernants de DDU qui découvrent accidentellement un vieux film qui dévoile quelques secrets historiques qu'ils n'auraient pas dû voir... 

L'équipe de tournage, d'acteur et l'excellent monteur (Victor), ont obtenu plusieurs récompenses dont 2 médailles d'or (meilleur film et meilleur acteur) pour le film OPEN et 3 médailles d'argent (meilleur montage, meilleure cinématographie, meilleur acteur),  et 2 de bronze (meilleur film, meilleur son) pour le film 48H. Soit au total 7 médailles. Une réussite ! 

Vous pourrez retrouver ces films sur le site officiel du WIFFA : 

https://www.wiffa.aq/station?tid=76 

Remise des 5 médailles pour le film "To Burn" avec l'équipe de tournage. 

Remise des 2 médailles d'or pour le film "Code Survivor" avec l'équipe de tournage. 


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Troisième événement, la formation PSE (premiers secours en équipe de niveau 1&2) suivie par 10 hivernants de la base. 

C'est une première en Antarctique. Cette année, 10 hivernants volontaires ont suivi la formation PSE organisé par la Croix-rouge française en collaboration avec la préfecture des TAAF . Après 21 h de formation e-learning et 6 jours complets de mises en situation, les 10 hivernants ont décrochés le diplôme officiel de secouriste (PSE 1 et PSE2), une belle reconnaissance pour leur engagement et le travail qu'ils ont réalisé. Ils pourront poursuivre leur engagement en métropole, s'ils le désirent, fort de leur nouveau diplôme.  

Bravo à tous ! Le formateur et DISTA que je suis est très fier de leur belle évolution ! 

L'équipe des nouveaux secouristes du bout du monde - Photo: Adèle PHILIPPE - Pierre BASCELLI

 

Prise en charge d'une victime en arrêt cardio respiratoire par Hugo, notre électricien et Renaud, notre glaciologue. Photo: Pierre BASCELLI

 

Prise en charge d'une victime en détresse respiratoire par Narcisse notre pâtissière et Lambert notre mécano. Photo: Pierre BASCELLI


Prise en charge d'une victime traumatisée par Victor, notre informaticien, François notre plombier chauffagiste, Andréas notre second centrale et Théo, notre electrotechnicien. Photo: Pierre BASCELLI

Voilà, c'est déjà la fin de ces quelques nouvelles. J'espère avoir pu vous restituer les événements de ces derniers mois avec l’authenticité habituelle, bien entendu, ce ne sont pas les seuls événements, bien d'autres ont ponctué nos derniers mois mais ils resteront pour l'instant dans la seule mémoire collective des hivernants. 

Rendez-vous très prochainement pour de nouvelles actualités et portraits.  

jeudi 31 juillet 2025

Rocher du débarquement - 185 ans après Dumont d'Urville

 

Prise de possession de la Terre Adélie le 21 Janvier 1840. Dessinée par Louis LEBRETON, chirurgien de 3ème classe de l'expédition. Lith par Sabatier.

185 ans après, rocher du débarquement, le 27/07/2025. Photo: François ROUSSEAU. 

Pas moins de 185 ans séparent ces deux images ...

Il y a un peu plus de 185 ans, le contre-amiral Jules Dumont d’Urville découvrait avec ses hommes, les terres sur lesquelles nous nous trouvons aujourd’hui et prenait possession de la Terre Adélie au nom de la France, c’était le 21 Janvier 1840, après que ses hommes aient posé le pied sur le rocher du débarquement.

C’est en 1837, le 11 Septembre, que cette nouvelle expédition, mandatée par le roi Louis Philippe quitte le port de Toulon avec l’objectif d’explorer les régions de l’océan Antarctique. Composé de 2 navires L’Astrolabe et la Zélée, ils naviguent à travers les océans à la conquête de ces terres inexplorées. Mi-Novembre 1837, ils mouillent dans la rade de Rio de Janeiro. Ils quittent la terre de feu en tout début d’année 1838 en direction des glaces antarctiques.   

L'Astrolabe et la Zélée dans les glaces le 06/02/1838. Dessiné par Louis LEBRETON, chirurgien de 3ème classe de l'expédition. Atlas pittoresque.

Le 7 mars, ils se sortent des glaces de la péninsule, non sans difficulté, après avoir fait face à une barrière infranchissable. L’expédition fait route vers l’Océanie où ils demeureront pendant de nombreux mois à travers les îles. C’est dans ces parages notamment que les deux équipages vont affronter la maladie qui terrassera 17 marins, contraignant Dumont d’Urville à laisser 16 autres malades à Hobart vers les premiers jours de décembre 1839.

Apprenant à ce même moment à Hobart que les capitaines James Clarck Ross et Francis CROZIER étaient en route pour le pôle sud, le commandant de l’expédition décide de retenter une expédition vers l’antarctique.

Dès le 1er Janvier 1840, L’astrolabe et la Zélée déploient les voilent et font cap au Sud. Coupant la route de Cook le 15 Janvier, ils atteignent une zone de mer qu’aucun navire n’avait encore sillonné.  Le 16 Janvier, par 60° de latitude Sud et 141° de longitude Est, ils aperçoivent la première glace, haute de 50 pieds sur 200 d’étendue. Le 17, les glaces font, pour certaines, 130 pieds de haut sur 400 toises d’étendue.

Buste de Dumont d'Urville installé sur la base, observant de loin le rocher du débarquement. Photo: Pierre BASCELLI
 

Finalement, c’est le 20 Janvier 1840, au coucher du soleil à 22h50 que la première terre est aperçue au large du cap de la découverte. Dumont d’Urville écrit "M. Duroch, qui était de quart, avait déjà fixé sa lunette sur un point où un instant il avait cru apercevoir des tâches noires... "Il aperçut à nouveau les rochers, dont la teinte sombre tranchait sur la blancheur des neiges… la terre avait été reconnue de manière non équivoque »

L’Astrolabe et la Zélée mettant à l’eau chacun un canot dès le 21 Janvier 1840, celui de l’Astrolabe comptera notamment à son bord l’enseigne de vaisseau Joseph DUROCH, Pierre Marie DUMOUTIER, préparateur d’anatomie et de phrénologie, Louis Le Breton, chirurgien et dessinateur.  

S’éloignant des vaisseaux, jusqu’à les perdre de vue, la petite expédition met le pied sur le rocher du débarquement à 21h suivi de près par le canot de la Zélée.  Ils y prélèvent notamment des échantillons de roches avant de prendre possession des lieux au nom de la France, en y plantant le drapeau tricolore.

Eugène DU BOUZET, second de la zélée, embarqué sur le deuxième canot raconte :

« Il était près de neuf heures lorsque, à notre grande joie, nous prîmes terre sur la partie ouest de l’îlot le plus occidental et le plus élevé. Le canot de l’Astrolabe était arrivé un instant avant nous ; déjà les hommes qui le montaient étaient grimpés sur les flancs escarpés de ce rocher… J’envoyai aussitôt un de nos matelots déployer un drapeau tricolore sur ces terres qu’aucune créature humaine n’avait ni vues ni foulées avant nous. Suivant l’ancienne coutume que les Anglais ont conservée précieusement, nous en prîmes possession au nom de la France, ainsi que de la côte voisine, que la glace nous empêchait d’aborder. Notre enthousiasme et notre joie étaient tels alors, qu’il nous semblait que nous venions d’ajouter une province au territoire français par cette conquête toute pacifique. Si l’abus que l’on a fait de ces prises de possession les ont fait regarder souvent comme une chose ridicule et sans valeur, dans ce cas-ci, au moins, nous nous croyions assez fondés en droit pour maintenir l’ancien usage en faveur de notre pays. Car nous ne dépossédions personne, et nos titres étaient incontestables. Nous nous regardâmes donc de suite comme étant sur un sol français. Celui-là aura du moins l’avantage de ne susciter jamais aucune guerre à notre pays. (…) La cérémonie se termina, comme elle devait finir, par une libation. Nous vidâmes à la gloire de la France, qui nous occupait alors bien vivement, une bouteille du plus généreux de ses vins, qu’un de nos compagnons avait eu la présence d’esprit d’apporter avec lui. Jamais vin de Bordeaux ne fut appelé à jouer un rôle plus digne ;  jamais bouteille ne fut vidée plus à propos »

Au retour des canots sur les navires vers 23h, Dumont d’Urville écrit :

« Jusque-là et pendant tout le temps où des doutes avaient pu exister, je n’avais point voulu donner de nom à cette découverte, mais au retour de nos canots, je lui imposai celui de terre Adélie. Le cap le plus saillant que nous avions aperçu dans la matinée, au moment où nous cherchions à nous rapprocher de la terre, reçut le nom de cap de la Découverte. La pointe près de laquelle nos embarcations prirent terre, et où elles purent recueillir les échantillons géologiques, fut appelée pointe Géologie ». 

 

Buste de Dumont d'Urville installé sur la base. Photo: Pierre BASCELLI

C’est ainsi qu’il y a 185 ans, Dumont d’Urville prenait possession de la Terre Adélie au nom de la France, ce 21 Janvier 1840. Il nomma cette terre, Terre Adélie, en hommage à son épouse, Adèle, à qui il consacrait un amour inspirant.

Après des années de navigation, ils avaient quitté le port de Toulon en Septembre 1837 (près de 2 ans et demi auparavant). Parfois dans la difficulté la plus extrême, la maladie, la mort de plusieurs marins et sur le point de renoncer à cette folle aventure, la force de l’équipage, sa volonté inébranlable a permis la réussite de l’expédition et nous permet d’être présent aujourd’hui sur la Terre Adélie, ce bout de France aux confins du monde sur ce continent consacré à la paix et à la science. 

185 ans après leurs illustres prédécesseurs, les hivernants de la 75ème mission française se sont rendus sur l'île du débarquement afin de rendre hommage à ces aventuriers qui ont amené un bout de France sur ce continent de glace. 

Les hivernants déploient le drapeau tricolore au sommet du rocher du débarquement, comme l'avaient fait leurs illustres prédécesseurs, il y a 185 ans. Photo: Alice GROS

 

jeudi 24 juillet 2025

Portrait d'Adélien - Lambert DUFRAISSE, le mécano des pôles, des loups de Russie aux moteurs de l'Antarctique

 Chaque jeudi (ou presque...), nous vous proposons d’aller à la rencontre d’un de nos compatriotes du bout du monde. Vous découvrirez les portraits de ces hommes et de ces femmes qui exercent leur art dans le territoire français le plus éloigné de la métropole, en Terre Adélie, sur le grand et mystérieux continent blanc.

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Cette semaine, nous vous présentons Lambert DUFRAISSE, 26 ans, qui nous vient du département de la Mayenne et qui occupe la fonction de mécanicien engin pour la Base Dumont d'Urville. 

Après un bac scientifique, Lambert intègre une école d'ingénieur à Paris, l'institut catholique d'Arts et Métiers. Durant ses études, il réalisera un apprentissage de 3 années au sein de la société Arquus, anciennement Renault Trucks Defense, spécialisé dans la fabrication de véhicules militaires. Il réalisera ensuite son stage de fin d'étude en Algérie, dans le bâtiment, l'opportunité intéressante de vivre une aventure différente et d'être sur le terrain. 

 

Diplôme en poche, notre jeune ingénieur va intégrer la société Vinci au cœur de Paris en qualité d'ingénieur de travaux. Pourtant, rapidement, Lambert perçoit l'appel des sirènes, celles de ses passions, de sa campagne, loin du centre-ville oppressant de Paris. Chaque week-end, il s'éloigne de la capitale pour retrouver sa vie à la campagne, ses défis mécaniques et participer à des rallyes historiques. 

Il décide donc de quitter la grande ville pour retourner vivre au rythme de ses passions. Ce grand départ est alors pour Lambert, l'occasion de postuler en tant que mécanicien engin en Antarctique, une parenthèse dans sa carrière.

Cependant, pour réellement comprendre notre personnage, et sa soif d'aventure, il faut se tourner sur sa vie, son éducation et ses passions, qui sont les vraies raisons de sa présence dans nos contrées lointaines. 


C'est avant tout, une histoire de transmission de passion par l'éducation. Lambert et son frère jumeau vont évoluer dans une famille avec deux figures parentales inspirantes. 

D'abord, une mère, photographe animalière, passionnée par les pôles, les aventuriers pionniers dans la conquête des terres extrêmes ou des montagnes inaccessibles. C'est dans cette passion pour les pôles, le froid et la neige, que Lambert et son frère vont grandir. A 10 ans, les deux enfants suivent leur mère en Russie, ils traqueront avec elle les loups et aideront dans des refuges recueillant les loups en vue de leur réinsertion dans la population sauvage. 

 

Leur mère les amènera plusieurs fois au Canada, à l'aventure dans des parcs à loups, leur apprenant à évoluer avec des chiens de traineaux. Parfois, en mal d'aventures, au cœur de la Mayenne, sur ses terres, elle les habituera à dormir dans une cabane quand le thermomètre chute en dessous des 0°C, les familiarisant avec les conditions polaires qu'elle apprécie tant. Ils entraîneront même leurs propres chiens de traineaux en Mayenne, attelés à des karts ... 

Le foyer familial, où trône dans le salon une photo de Paul Emile Victor devant son Weasel vous l'aurez compris, prédestine à une vie d'aventure. 

Son père, lui, est passionné de mécanique, de travaux manuels et d'histoire. Il embarque ses deux fils sur les routes, lors de rallyes de véhicules anciens, qu'il retape et entretien lui-même. Rapidement, il associe ses deux fils à sa passion. A 14 ans, il donne aux deux frères des pièces détachées d'une Jeep, une sorte de rituel initiatique. D'abord avec l'aide de son père, Lambert et son frère entreprennent leurs premières rénovations de véhicules anciens, puis rapidement ils gagnent en autonomie et dépassent leur maître. 

A 16 ans, ils reçoivent leur premier camion de 1944, récupéré dans une grange de campagne. Ils le retapent et le remettent en route. Puis tout s'enchaîne, la passion a glissé sur la nouvelle génération, leur père ne contrôle plus rien, il a créé des monstres de la rénovation de véhicules historiques. 

Les deux frères jumeaux sont très proches, et se motivent mutuellement pour faire vivre cette passion. 

Finalement, c'est la vie d'aventure transmise par sa mère et la passion mécanique transmise par son père qui vont lui donner l'envie et les compétences pour cette aventure polaire.  

 C'est donc l'histoire des pionniers qui lui ont fait découvrir l'Antarctique plutôt que son histoire moderne. 

Revenons maintenant au présent, dans notre hiver polaire, au cœur de l'Antarctique.  

Lambert a pour rôle sur base de veiller à la disponibilité du parc de véhicule de la base. Il s'assure donc que tous les véhicules sont fonctionnels et prêt à l'emploi. Il assure la conduite des engins et la logistique interne. Il assure les maintenances préventives sur l'ensemble du parc et les dépannages éventuels. Notre aventurier, très polyvalent, met aussi la main à la pâte pour répondre aux différents besoins techniques de la base. Il apprécie de pouvoir se familiariser, au contact de ses collègues des différents corps techniques, à la plomberie, l'électricité, la menuiserie, etc.... C'est aussi pour lui, l'occasion de développer ses connaissances et sa polyvalence. 

Lambert apprécie le paysage de notre bel archipel, en particulier lorsqu'il déneige la base à bord de la dameuse, face au lever du soleil. Et puis, il apprécie le climat et ses contraintes si singulières au quotidien. Il fait ici des choses qu'il n'aurait jamais cru faire. Démarrer des véhicules sous les -25°C, faire de la mécanique dans ces conditions extrêmes, piloter des véhicules sur la banquise en zigzaguant entre les congères, immergé dans un désert blanc et ses dunes de neige, créer des rampes d'accès pour les véhicules entre les îles et la banquise... Peu de personnes sur Terre peuvent déclarer dans leur CV avoir la compétence de créer des rampes d'accès à la banquise... Lambert fait à présent partie de ce club très restreint des mécanos polaires. 

Lambert, vous l'aurez compris, c'est avant tout un aventurier à la recherche d'une vie polaire authentique, sur la trace des illustres pionniers. Personne n'ignore que la nuit, il rêve secrètement que la centrale électrique défaille et nous oblige à vivre à l'ancienne, dans le froid glacial de l'Antarctique, éclairés aux bougies et chantant des chansons paillardes entre compagnons d'infortune, autour d'un bon rouge.


 Dans l'attente de cette éventualité, il a décidé d'adopter un style capillaire plus primaire et authentique et arbore à cet effet, une barbe de "pionniers de l'Antarctique", dont il refuse de se séparer. Vous le reconnaitrez alors sur la base, à sa longue barbe gelée dépassant de sa salopette de mécano. Après quelques secondes d'étonnement, vous comprendrez que ce n'est pas Mario Marret qui remonte de sa cabane en contre-bas de l'île mais bien Lambert qui remonte de son garage au bâtiment 22. 

 

Notre mécano s'est d'ailleurs présenté aux élections du ONZTA, qui remplace symboliquement le DISTA lors de la semaine de la MidWinter. Tête de liste du parti du Pâté Vin Rouge, il a fait campagne autour de valeurs traditionnelles, prônant haut et fort, un Antarctique Authentique. Cependant, il ne parviendra pas à réunir suffisamment de suffrages et se retirera au profit d'une autre liste.    

 

Une anecdote à nous raconter ?         

"Quand j'ai postulé à l'institut pour la mission, j'ai regardé un peu trop vite l'annonce. J'étais persuadé jusqu'à l'entretien qu'il s'agissait d'un poste pour les 4 mois de l'Eté austral. Finalement, à ma grande surprise, j'ai découvert que j'avais postulé à la mission d'hivernage d'un an ! Qu'importe, j'ai foncé, je ne voulais pas regretter de passer à côté d'une aventure comme celle-ci.

 

Un mot pour terminer ?      

 "Je m'attendais plutôt à une aventure climatique en venant ici mais finalement je découvre d'abord une aventure humaine"