jeudi 13 novembre 2025

Portrait d'Adélien - Nicolas LANASPEZE, chef d'orchestre de l'équipe technique du bout du monde

Chaque semaine, nous vous proposons d’aller à la rencontre d’un de nos compatriotes du bout du monde. Vous découvrirez les portraits de ces hommes et de ces femmes qui exercent leur art dans le territoire français le plus éloigné de la métropole, en Terre Adélie, sur le grand et mystérieux continent blanc.

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Cette semaine, nous vous présentons Nicolas LANASPEZE, 33 ans, originaire de Lyon, qui occupe la fonction de responsable technique pour la Base Dumont-d'Urville. 

Nicolas a débuté ses études supérieures par une classe préparatoire PTSI (Physique, Technologie et Sciences de l'Ingénieur) à Lyon avant d'intégrer les Arts et Métiers de Cluny, au sein de l'historique abbaye de Cluny. Un cadre exceptionnel dans lequel il ressortira, diplôme d'ingénieur en poche. A l'issue, il suivra un cursus d'un an à destination des ingénieurs dans le domaine de la soudure, à Thionville à l'ESSA (école supérieure du soudage et de ses applications). 

La formation, très concrète, avec beaucoup de travaux pratiques répond à ses attentes. Son diplôme en poche et ses toutes nouvelles qualifications vont lui ouvrir les portes, c'est un chemin d'accès pour lui afin de s'ouvrir à une carrière à l'international. Il va décrocher son premier poste au Congo, au sein d'une chaudronnerie dirigée par un expatrié français qui souhaite développer ses marchés. Sa première aventure professionnelle n'étant pas finalement pas du tout au niveau de ses attentes, il décide de changer d'engagement et contracte un volontariat international en entreprise (VIE) avec la société Tissot industrie à Pointe-Noire, toujours au Congo. Après 8 mois de volontariat où il occupe la fonction d'ingénieur de chantier, l'entreprise l'engage comme Site Manager. Dans sa nouvelle fonction, il développera une vision très complète des sujets techniques. Du bureau technique à la vidange du Manitou, il court partout, gérant entre deux, les problématiques quotidiennes rencontrées dans le pays. Il quittera alors le Congo pour rejoindre le Gabon quelques mois puis le Maroc juste avant le début du COVID. Finalement il reviendra en France dans un petit village, Mourèze, où il retrouve sa famille. Il se consacrera alors avec ses proches à la rénovation de sa maison de famille. En parallèle, il réalise ponctuellement des missions courtes sur des chantiers, notamment au Nigeria, au Gabon et en Guyanne.  

Nicolas s'accorde alors 1 an sabbatique où il s'adonne à sa passion pour le parapente. Il va explorer les airs sous toutes leurs coutures. 

Pourtant, rapidement, il ressent le besoin de s'engager à nouveau dans une aventure professionnelle. Il se rend aux portes ouvertes de l’institut polaire français, à Brest, et postule au poste de responsable technique. Le poste semble correspondre à ce qu'il aime faire, avec une vraie polyvalence. Le côté aventure de la mission en Terre Adélie, le conforte dans son choix.

Finalement, il n'est pas retenu pour la 75ème mission. C'est un appel inattendu de l'institut polaire, dans le courant du mois de Décembre qui va tout changer pour lui. On lui demande alors s'il est toujours volontaire et disponible pour rejoindre la mission qui a déjà commencé. Il rate le premier appel, devinez pourquoi... Il est dans les airs bien entendu ! L'appel va pourtant rapidement le faire redescendre sur terre. Sans hésitation et sans tarder, dès le lendemain, il confirme sa motivation à rejoindre la Terre Adélie. Il rejoindra donc ses co-hivernants par la rotation R3 de l'Astrolabe dont il sera le seul passager. 

Sur la Base, "Lanas", comme tout le monde l'a immédiatement surnommé, veille à ce que l'équipe technique travaille correctement et en bonne intelligence. "Je met de l'huile dans l'engrenage". Son rôle est de préparer et organiser le travail de toute l'équipe. "Je me positionne là où il y a un trou"

Il coordonne les grosses opérations qui ponctuent l'hivernage, comme le transfert de carburant, qui occupe toute l'équipe technique dans la seconde partie de l'hivernage. Il supervise également les incidents techniques importants qui nécessitent un travail pluri-disciplinaire, afin de rendre plus efficient la réponse de son équipe. 

Une phrase résume bien la mission du responsable technique à DDU : "Le possible est déjà fait, l'impossible est en cours, pour les miracles prévoir 48h de délai."  

Lanas est aussi responsable de l'équipe pompiers sur la base, il veille à leur entrainement et formation pour la sécurité des Adéliens. 

Si vous le cherchez, plusieurs pistes. Vous pouvez explorer le local déchet au 75, il sera peut être en train de broyer quelques déchets métalliques. A défaut, vous pouvez vérifier si une dameuse n'est pas en pleine action. A ce moment là, si ce n'est pas Lambert qui la pilote, il y a de très fortes chances que ce soit Lanas. Il s'est prit de passion pour le pilotage de ces engins et envisage même de proposer ses services au bénéfice d'une station de ski quand il rentrera en métropole... Si vous ne l'avez toujours pas trouvé, tentez le séjour, si vous entendez un air à la guitare "Petit Pays" de Gaël FAYE, plus aucun doute, il est ici. Les hivernants connaissent par cœur son refrain. Lorsqu'il est d'humeur chantante, il poussera même la chansonnette pour accompagner sa guitare. Enfin, cas de force majeur, si vous ne l'avez pas trouvé dans tous ces lieux, comme pour François, notre plombier chauffagiste, tentez la cuisine ! Lui aussi fait partie de l'équipe de brasseurs de bière artisanale. Il travaille avec assiduité et ne manque aucune séance de préparation de la bière. 

Une seule pensée le hante jour et nuit, le parapente. Il rêve durant ses nuits polaires d'un envol du haut des Pétrels avec son parapente. Car il n'est pas venu tout seul en Terre Adélie. Il est venu avec sa voile de parapente. Tel un surfeur aux aguets, guettant les vagues, il guette le vent propice à "gonfler sa voile". On peut alors observer un bipède rouge surmonté d'une grande voile de parapente sur la banquise de Terre Adélie. 

Parfois, il se contente simplement de son cerf-volant.

 

Nicolas s'est aussi lancé dans la photo argentique. Son petit frère lui a confié un appareil juste avant son départ. Une activité "Chill" qui le détend. 

Enfin, il crée des modes "loisir" sur la base, déposant subrepticement des objets au séjour pour titiller la curiosité des hivernants. A cause de lui, rubis-cubes, boule labyrinthe à bille, diabolo et autres diableries ont obnubilé grand nombre d'hivernants durant la longue nuit polaire.    

Ce qu'aime Lanas ici c'est certains aspects de la vie en collectivité, la vie de casernement en quelque sorte, dans laquelle on ne se pose pas de questions. Une vie rythmée par les repas et activités. Il n'y a pas à réfléchir à ce que l'on va faire à manger ou aux courses qu'on va faire... 

Il apprécie le fait de pouvoir s'organiser comme il le veut dans son travail et de disposer finalement de pas mal de liberté dans le cadre qui lui est donné.   

Enfin, bien-sur, il apprécie le cadre exceptionnel, les sorties ornitho avec Amandine, car c'est l'occasion de s'approcher des animaux et de prendre le temps d'observer leur comportement. 


Une anecdote à nous raconter ?  

"J'étais à bord de l'Astrolabe, sur R3, j'étais le seul passager sur le bateau... Nous arrivions au large de DDU. J'étais sur la passerelle avec des jumelles, je découvrais la base. J'étais face au continent, c'était merveilleux. A la radio du bateau, j’entends le bulletin météo de Cindy, diffusé sur les ondes depuis DDU. A la fin, tout le monde répondait "Merci Cindy". Presque simultanément, je vois un avion de ligne "Quantas" qui survole et fait des ronds au dessus de la base. Bref, un pêle-mêle incongru... Pendant que je vivais une aventure trop stylée, il y avait des bonhommes qui regardaient la base aux jumelles dans leur avion Quantas..." 

Une autre anecdote pour la route ? 

 "Un mois environ après le début d'hivernage, on a eu notre première grosse avarie technique. Un bout du tuyau de la station de pompage de l'eau de mer (SPEM) fuyait. C'était la première mise à l'épreuve de l'équipe technique. Je remontais rapidement de la SPEM pour aller chercher du matériel, j'étais un peu stressé et soudain, j'entends un gros bruit derrière moi. Je me retourne, un énorme Iceberg, nommé "Papi Brossard par les hivernants étaient en train de se fendre en 3 morceaux dans un rugissement sourd. C'était trop stylé ! Ne le dites pas à Andréas et François qui étaient à la SPEM mais j'avoue que j'ai pris quelques instants pour admirer cette force de la nature, malgré l'urgence."

Un mot pour terminer ?  

"Je n'ai aucun regret, j'ai eu beaucoup de chance, j'en suis conscient. Cette aventure est tombé à pic pour moi. Il me fallait un truc à me mettre sou sla dent, c'est vraiment super ce qui m'est arrivé." 

 


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