jeudi 14 mars 2019

Le transpondage 2019 des Adélies est terminé !

 Douglas, un des deux ornithologues de la TA69 développe dans cet article une présentation sur le suivi d'un oiseau qui a beaucoup intrigué le capitaine de vaisseau Jules Dumont d'Urville et ses équipages à bord des corvettes l'Astrolabe et la Zélée quand, en 1840, ils arrivèrent en vue de l'archipel des iles de Pointe Géologie. Le manchot Adélie, du nom de la terre nouvelle ainsi découverte, est le principal habitant historique de l'ile des Pétrels située sur ce même archipel et qui abrite désormais la colonie "Antavia".


Le transpondage 2019 des Adélies est terminé !

Mais en fait, c’est quoi le transpondage ?

C’est ça, en cours dans la colonie d’étude Antavia, vu par un skua (labbe antarctique) !
 


Figure 1 La colonie d’étude Antavia au mois de février 2019 - Crédit photo: Virgil Decourteille

Explications !
Un transpondeur, ou Pit-tag en anglais, c’est tout simplement une puce électronique, adaptée pour les animaux (les chats, les chiens… ou encore les manchots d’Antarctique !).
Inerte et sans batterie, elle est activée par un champ électromagnétique (par exemple créé par une antenne posée au sol), et va transmettre en retour un code unique qui lui est associé. Ce code, c’est la carte d’identité de l’animal, en l’occurrence le manchot Adélie pour ce qui nous concerne, dans le programme 137 « ecophys-Antavia ». Ce programme, soutenu par l’IPEV, est mené par des chercheurs du Département Ecologie, Physiologie et Ethologie (DEPE) de l’Institut pluridisciplinaire Hubert Curien (IPHC) à Strasbourg.



Figure 2 Un transpondeur - Crédit photo: Douglas Couet

L’objectif du programme 137 est d’étudier les évolutions au long terme des manchots Adélies. On souhaite comprendre comment ces animaux réussissent à vivre et à s’adapter dans cet environnement extrême, qui présente beaucoup de contraintes : de la nourriture qui n’est pas toujours identique d’une année sur l’autre (suivant des processus océanographiques), de la banquise qui peut être d’une longueur de 100 m à 100 km de leur colonie (il faut alors marcher et non nager, c’est très difficile pour un manchot !), parfois de la pluie… En résumé, une des questions qui nous taraude est : de quelle manière les ressources de l’océan et l’état de la banquise peuvent jouer sur la survie, le succès de reproduction, et la pêche en mer, de ces organismes étonnants ?



Figure 3 Un groupe de manchots Adélies adultes prêt à partir en mer pour se nourrir. Certains sont peut-être transpondés depuis 8 ou 10 ans...    Crédit photo: Douglas Couet

Pour cela, on a mis en place un suivi de la colonie, mais également un suivi beaucoup plus fin, à l’échelle individuelle, depuis plusieurs années. C’est là que le transpondage entre en action : on associe à chaque poussin qui nait dans notre colonie d’étude un transpondeur (un code unique, que lui seul possède), que l’on va pouvoir détecter dès son retour à la colonie, toute sa vie. On a de la chance car les manchots ont une grande tendance à revenir sur le site exact de naissance (ils ont un fort degré de philopatrie). Ainsi notre site d’étude, le canyon étroit d’Antavia, est équipé d’antennes à ses deux seules entrées. On aura donc au cours d’une saison de reproduction les entrées et sorties de tous les individus transpondés. C’est automatique, et ça ne nécessite pas de les recapturer une deuxième fois ! C’est de la technologie au service de l’ornithologie, sans le biais du baguage classique.
Le transpondage se fait donc au stade poussin, juste avant qu’ils ne partent en mer (on parle « d’envol »… même chez les manchots !), en février. C’est la fin de l’été, où il peut parfois faire froid, alors on chausse les bonnets et les gants, et on y va !
La pose du transpondeur nécessite une équipe de manchologues et de leurs manipeurs de l’extrême sans qui cette manip serait compromise. Cette année, Delphine et Douglas s’occupaient du transpondage, et Pierrick était à l’œuvre pour gérer les tubes de sang, et la prise de note. Nous avions pour nous aider à chaque séance deux manipeurs qui allaient les chercher dans la colonie et maintenaient les poussins. C’était l’occasion pour les personnes présentes sur base d’approcher de près ces petits animaux de quelques kg. Le transpondeur est posé en sous-cutané dans le bas du dos entre la cuisse et la queue, à l’aide d’une aiguille désinfectée. Chaque poussin est également pesé, mesuré et une prise de sang est faite pour notamment le sexer, et faire des études de génétique et d’isotopie.


Figure 4 Capture du poussin "en crêche" - Crédit photo: Nicolas Braibant

 

Figure 5 Pierrick et son matériel pour les prises de sang - Crédit photo: Nicolas Braibant



Figure 6 Delphine et Mervyn en pleine prise de sang - Crédit photo: Nicolas Braibant

Cette année fut une très bonne année pour les manchots Adélie, puisque 268 poussins de la colonie d'étude ont été transpondés et sont allés à l’envol (c’est-à-dire rejoindre la mer !). L’année dernière, moins de 20 avaient réussi à partir en mer, à cause des conditions très difficiles de banquise.
Année après année, nous avons donc une belle base de données qui se constitue, avec maintenant plus de 2 000 manchots transpondés à Antavia !
Dans un prochain article, je vous présenterai quelques petits résultats sympas que le transpondage peut nous donner sur la vie des manchots... Big brother is watching you !

Douglas Couet – VSC Ecophys-Antavia p.137 – TA69


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