Chaque semaine, nous vous proposons d’aller à la rencontre d’un de nos compatriotes du bout du monde. Vous découvrirez les portraits de ces hommes et de ces femmes qui exercent leur art dans le territoire français le plus éloigné de la métropole, en Terre Adélie, sur le grand et mystérieux continent blanc.
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Cette semaine, nous vous présentons Jean-François LOPEZ, 60 ans, marié, 3 enfants, qui nous vient de Loire Atlantique, dans la commune de Saint-André-des-Eaux. Ce fier normand d'origine occupe la fonction de chef centrale pour la base Dumont-d'Urville. "Jef" comme tout le monde l'appelle (avec un seul "f " car il n'est pas américain se plaît-il a rappeler) a débuté sa carrière en intégrant la marine nationale, juste après sa seconde, il a alors 16 ans et demi, nous sommes en 1981. Il ne brille pas à l'école et cherche rapidement à gagner le terrain et la vie active. Il intègre alors l'école des apprentis mécaniciens de la flotte où il obtiendra 1 an et demi plus tard un diplôme de mécanicien. Dès ses 18 ans, il réalise ses premiers embarquements. Il naviguera à bord de nombreux bâtiments dont l'Albatros, qui lui fera découvrir les îles Sub-antarctique et en particulier Kerguelen, cet embarquement le marquera tout particulièrement. C'est un rêve d'enfant qui se réalise pour lui. Il participera également aux opérations de nettoyage des mines depuis Djibouti à bord de La Loire. "La Loire, c'était la grosse truie avec ses petits cochons autour, on les ravitaillaient en carburant et en pièces"Notre marin enchaîne ensuite les campagnes entre Tahiti, la Nouvelle-Calédonie, Mourmansk, la guerre de Yougoslavie, ...
Après 15 ans de service dans "La Royale", en 1996, il décide de rendre l'uniforme, souhaitant voir autre chose et fonder une famille.
Il travaille alors dans une usine d'incinération durant 4 ans avant de retourner à ses premiers amours, le moteur diesel. En effet, il rejoint en 2000, l'entreprise Man, dans laquelle il exerce depuis 25 ans. Il assurera le montage des moteurs avant de devenir formateur puis technicien itinérant. A ce dernier poste, il traversera alors les DOM pour la mise en route de centrales électriques avant d’être détaché en Guadeloupe durant 4 ans. Il décide finalement de se stabiliser en métropole, reprenant un travail de technicien sédentaire, dans lequel il soutien les itinérants sur le terrain et les assistent dans leurs interventions.Toujours amoureux des TAAF, sa femme et un de ses fils, (probablement galvanisée et/ou las des anecdotes qu'il conte "Quand j'étais sur l'Albatros" ; "A djibout...") repèrent finalement l'annonce sur le site de l'IPEV, ils l'incitent alors fortement à postuler. Souhaitent t-il lui créer de nouvelles anecdotes à raconter pour varier leurs conversations ? Leur vrai intention restera un mystère. Finalement, Jef va céder et postuler à l'annonce de l'institut polaire. Au fond de lui, il avait toujours ce rêve inexaucé de réaliser un hivernage dans ces terres lointaines. Ce rêve couve depuis ces jeunes années dans la marine nationale, ayant croisé sur ces îles lointaines, des hivernants.
Sur base Jef est en charge de la production de l'eau et de l'électricité. "C'est une fonction vitale pour la base""On doit devancer la survenue de tout problème"
"Au final, mon travail c'est que tout le monde puisse allumer sa lumière et prendre sa douche, au fin fond de l'Antarctique."
Et si vous le titillait, il a la répartie facile "Je vais tout couper moi tu vas voir"
Enfin, rôle très important, il veille à repasser l'eau des sanitaires en Saumure régulièrement pour éviter des "désagréments" à son chef de district.
Ce qu'aime Jean-François ici, c'est avant tout la nature et ses paysages exceptionnels.
"C'est un monde que tout le monde ne voit pas, nous sommes très peu nombreux à avoir vu la Terre Adélie en hiver" (la base à 70 ans, une vingtaine de personne hiverne chaque année, dont un certain nombre de récidivistes, le calcul est vite fait...)
"J'aime aussi le froid, les pays froids m'ont toujours attirés. Gamin, je lisais Amundsen, Shackleton, Paul Emile Victor, c'était des héros polaires."
"Et puis il y a tous ces animaux, c'est extrêmement vivant, surtout en Eté"
Jef aime aussi marcher et courir sur la banquise, "Marcher sur l'eau ça fait bizarre, c'est pas banal"
Enfin, il apprécie les manips scientifiques avec l'ornitho et le glaciologue et les discussions variés avec des métiers et profils très différents du sien. "Ça change et c'est agréable"
Durant son temps libre sur la base, Jef réalise des maquettes miniatures en plastique de véhicules Anglais et Américains de la seconde guerre mondiale. En métropole, il réalise des maquettes en bois de célèbres navires marchands.Il fréquente aussi la salle de sport avec assiduité où il court et fait du renforcement musculaire.
Il enchaîne également les livres, à son grand désespoir il n'en a pas embarqué suffisamment pour l'hivernage.
Durant la Mid Winter, il est tête de liste du parti de la "Pat' Servo". Il n'obtiendra finalement pas assez de suffrages pour remporter l'élection de Onzta.Si vous cherchez Jef, c'est assez simple, il est soit dans sa chambre en train de faire sa maquette, soit à la centrale soit à la salle de sport pour sa course à pied. Vous le trouverez toujours avec un sweat "MAN" et un casque anti-bruit à son nom.
Jef est également membre de l'équipe pompiers lourds de la base.
Une anecdote à nous raconter ?"Durant l'hiver, on marchait sur la banquise avec un co-hivernant, les paysages étaient magnifiques, soudain, je suis tombé à travers la banquise, enfoncé jusqu'au bassin. Une demi seconde après, mon partenaire de sortie m'a rejoint dans la faille. Nous pataugions tous les deux dans l'océan glacial. Maintenant j'en rigole mais sur le coup, on a pas rigolé du tout, on a vraiment eu du mal à sortir. On a dû se changer car nos vêtements étaient trempées. Ça m'a vraiment marqué. Maintenant, quand je vois une rivière ou une faille, c'est pas pareil, je redouble de vigilance."
Un mot pour terminer ?"Vis tes rêves à Fond. Fonce et ne réfléchit pas. Si tu veux faire quelque chose, vas-y."
"Un conseil, surtout pour les jeunes, ne remet pas à demain ce que tu peux faire, la vie passe vite, il faut en profiter à fond."
"Une formidable expérience pour moi."