jeudi 12 mai 2022

L'activité scientifique à DDU (1ère partie)

Comme promis, le premier article d'une série de trois sur les activités scientifiques à DDU. 

Les deux principaux documents internationaux qui régissent le statut de l'Antarctique, à savoir le "traité de Washington" de décembre 1959 et le protocole de Madrid" d'octobre 1991, destinent (du moins pour le moment) le continent Antarctique "à la paix et à la science".

Modestement, nous sommes donc tous là, quelles que soient nos fonctions, pour, in fine, servir la Science. Normal donc que le blog y consacre un peu de temps.

Les recherches scientifiques réalisées à DDU sont très diverses et couvrent de nombreux domaines d'activités. Certaines sur le terrain sont saisonnières limitées à la seule campagne d'été (géologie ou biologie marine par exemple) et se poursuivent le reste de l'année en laboratoire, quitte à effectuer plusieurs campagnes d'été successives. D'autres recherches nécessitent un travail constant à DDU, d'où la présence d'un hivernant pour la bonne conduite du programme.

Schématiquement, les projets de recherches sont présentés par un ou plusieurs laboratoires français et/ou étrangers puis font l'objet en commission ad hoc d'un examen de nature scientifique, logistique et financier. Seuls une partie d’entre eux est retenue et ils seront alors mis en œuvre par l'Institut Polaire Français, agence de moyens au service de la Science.

Pour ce premier article, nous nous intéressons aux domaines de recherches scientifiques à travers l'activité d'un de nos trois scientifiques hivernant, Iban.

Céline DUPIN/TAAF

Durant son hivernage, Iban suit, seul ou en appui de co-hivernants, une dizaine de programmes scientifiques qui nécessitent une continuité d'action. 

Le premier est un programme de sismologie

Piloté par un laboratoire de recherche de Strasbourg, ce programme qui fait partie d'un réseau mondial de stations de captage, étudie la tectonique des plaques du globe terrestre. A l'aide de deux sismographes enterrés dans une cavité de l'ile des pétrels (baptisée "cave sismo"), Iban analyse quotidiennement et transmet au laboratoire, les mouvements de l’écorce terrestre captés par les appareils. Cela contribue par exemple, à déterminer l'épicentre d'un tremblement de terre. La sensibilité est telle qu'un tremblement de terre au Japon ou en Norvège est aussi enregistré à DDU. En complément, la station de DDU participe également en temps réel, aux alertes tsunamis émises dans le monde entier.

Les sismographes sous cloches dans la cave sismo - Emmanuel LINDEN/Météo France

Un sismographe à l'ancienne - Source internet

Second programme, l'observation du magnétisme terrestre

Toujours sous la responsabilité d'un laboratoire strasbourgeois de "l'Ecole et Observatoire des Sciences de la Terre" (EOST), ce programme, également intégré à un réseau mondial, vise à suivre et définir les évolutions du magnétisme terrestre et notamment la fameuse déclinaison magnétique qui fait tant transpirer les élèves des cours de topographie. Utile en navigation (terrestre, maritime et arienne, en complément des sytèmes "GPS"), mais aussi pour le suivi du phénomène des aurores polaires, ce programme nécessite des mesures quotidiennes à DDU à partir d'un instrument dénommé "théodolite", au sein de ce qu'on appelle le "village magnétique". Une zone interdite dans laquelle il faut se dévêtir de tous ses métaux.

En pleine mesure sur un théodolite - Paul Michaud/Institut Polaire Français
  
Le village magnétique - Jean-Philippe GUERIN/TAAF

Troisième programme de recherche : l'astronomie avec l'observation de l'activité solaire, en détectant les rayons cosmiques émis par le soleil.

Projet de recherche de l'Observatoire de Meudon (un des trois sites de l'Observatoire de Paris), ce programme permet par exemple de mesurer les radiations subies par les satellites et les avions dues à l'activité solaire (et donc d'en protéger notamment les personnes et les composants électroniques), mais aussi l'observation et l'étude des aurores polaires. L'outil scientifique de capture et d'analyse s'appelle un Rayco (pour RAYonnement COsmique).

Le Rayco - Jean-Philippe GUERIN/TAAF

Quatrième programme : L'observation terrestre au travers du suivi et la maintenance préventive comme curative d'un équipement du Centre National des Etudes Spatiales (CNES) qui permet la mise à l'heure très précise (de l'ordre du millième de seconde) des satellites d'observation du Centre. Bien évidement, les données sont transmises en temps réel aux satellites. C'est le shelter "Chantal" qui abrite les appareils informatiques et électroniques nécessaires. 

Le shelter "Chantal" qui abrite également les appareils de mesure d'un cinquième programme de géologie de suivi des mouvements des plaques continentales, visant à étudier, pour le compte de l'Institut Géographique National (IGN), la dérive du continent Antarctique.

Paul Michaud/Institut Polaire Français

Et que personne ne demande pourquoi le shelter est baptisé "Chantal", je serai muet comme une carpe, sur le sujet. C'est du CTA (Confidentiel Terre Adélie). Mais j'aurais bien aimé la connaitre.....👍😉

Le sixième programme dont Iban à la charge, concerne le domaine de la marégraphie

L'objectif de ce programme rattaché à l'observatoire Midi-Pyrénées de Toulouse, est de suivre sur une très longue durée de plusieurs décennies, l'évolution du niveau de la mer dans l'océan austral (dans le cadre par exemple du phénomène de montée des eaux dûe au réchauffement climatique). Pour cela, au travers d'un réseau mondial de stations de captage, deux marégraphes ont été immergés à proximité de DDU. Ils collectent les données liées aux marées. Couplés à des GPS installés à terre, les mesures des variations du niveau de la mer sont ensuite analysées en laboratoire.

 

Un marégraphe lesté et immergé à DDU - Source inconnue

Un marégraphe - Iban Fernandez/Institut Polaire Français

En matière de sismologie glaciaire, un septième programme vise le suivi du glacier de l'Astrolabe (le plus proche de la station). L'activité consiste à maintenir en condition puis collecter les données d'un réseau de stations sismiques installées dans le glacier afin d'en comprendre les vibrations, les tremblements et le comportement. Les informations recueillies sur le terrain (lorsque la banquise permet d'y aller) sont également transmises à l'Ecole de Strasbourg pour analyses.

Balise sismique et son panneau solaire - Source inconnue

 

Iban Fernardez/Institut Polaire Français

Le huitième programme s'inscrit dans le domaine de la météorologie.

A base d'instruments déployés dans et autour de la station DDU (pluviomètre, laser, anémomètre, capteur de luminosité...), cette recherche scientifique, pilotée par l'Institut universitaire Pierre-Simon Laplace hébergé sur le site de l'université de Paris VI (Jussieu), vise à perfectionner les modèles climatiques utilisés par Météo France notamment, pour l'établissement des prévisions météorologiques dans la zone Antarctique et l'analyse des masses de neige sur la calotte glaciaire.

Le radom météo-science - Jean-Philippe GUERIN/TAAF

Enfin, compte tenu de ses compétences et formations, l'électronicien Iban apporte son soutien technique à deux autres programmes scientifiques en rapport avec les oiseaux (dont nous aurons l'occasion de parler dans un second volet). 

Valises techniques pour programmes scientifiques - Iban Fernadez/Institut Polaire Français

Voilà quelques exemples de domaines dans lesquels des programmes de recherches scientifiques sont conduits à DDU sous l'égide de l'Institut Polaire Français et qui justifient en particulier l'existence de la base polaire française Dumont d'Urville et notre présence en terre Adélie.

(article réalisé avec l'aimable concours technique d'Iban) 

 

2 commentaires:

  1. Merci Dista pour toutes ces informations très intéressantes. Cordialement

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  2. Merci pour ce listing très détaillé de vos activités. Il est vrai qu'en tant que profane, j'apprécie vos explications simples et concises sans parler de votre style d'écriture fort sympathique.
    Pascale Celle

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