La campagne d'été 2022/2023 approche à grands pas. Pour ce qui nous concerne, si tout se déroule comme prévu (mais attention au dicton "en Antarctique, pas de pronostic"), elle débutera le 28 octobre prochain à l'arrivée du premier avion. Dans cinq petites semaines donc. Ce sera la fin de nos huit mois d'isolement total.
Parmi les incontournables de cette préparation, il y a les transferts de gazole depuis la base DDU vers la station Robert Guillard sur le continent. Ces transferts sont nécessaires à la fois pour le fonctionnement cette station mais également et surtout pour alimenter la station franco-italienne de Concordia (située à 1200 km à l’intérieur du continent) qui sera ravitaillée par trois raids terrestres cette année.
Pour effectuer ces transferts de gazole, après plusieurs sondages de banquise pour s'assurer que nous disposons de l’épaisseur suffisante (plus d'un mètre au bas mot), tout commence par la création d'une piste sur la banquise. C'est le travail de la dameuse.
Jean-Philippe GUERIN/TAAF |
Longue d'une petite huitaine de km entre l'ile des Pétrels, celle du Lion et la base Robert Guillard, la piste nécessite généralement plusieurs passages pour parvenir à la réalisation d'un ruban carrossable, en mesure d'accepter des engins et des charges de près de 15 tonnes.
Jean-Philippe GUERIN/TAAF |
C'est principalement le boulot de Loïc, notre mécanicien engins, parfois suppléé par Gaëtan le chef centrale et Nicolas le responsable technique. N'est-ce pas qu'il a l'air heureux comme un gamin à bord de son merveilleux engin ? Concentration et précision des manœuvres.
Jean-Philippe GUERIN/TAAF |
Une fois arrivé à la station Robert Guillard, il faut récupérer sur ses hauteurs (D3 pour les puristes) les douze cuves vides qui serviront aux transferts. Pour descendre la pente vers la banquise, un "Challenger" pour tirer la cuve et une dameuse en sécurité arrière, pour éviter une éventuelle glissade en cas de perte d'adhérence.
Jean-Philippe GUERIN/TAAF |
Lorsque les cuves sont descendues, on constitue des trains de trois cuves vides (4 tonnes chacune) et on prend la direction de la piste du Lion pour rejoindre la "station service".
Jean-Philippe GUERIN/TAAF |
Le challenger (15 tonnes) tracte ses trois cuves vides sur la piste. C'est notre "petit raid" à nous......
Emmanuel LINDEN/Météo France |
Les cuves du Lion ont été remplies par l'Astrolabe lors de la dernière campagne d'été. Débute alors une opération de pompage de cuves fixes vers les cuves mobiles. Ce jour-là, c'est Bastien notre plombier qui s'y attèle avec Vianney le second de centrale. Un travail difficile, dans le froid et les vapeurs de gazole. Le risque principal ? Un débordement inopiné de cuve ou une fuite, ce qui dans un espace protégée comme l’est l'Antarctique, ne serait pas une bonne nouvelle.
Jean-Philippe GUERIN/TAAF |
Pour éviter cela, il faut sonder régulièrement durant le remplissage et savoir s’arrêter au bon moment (pas d'arrêt automatique comme lorsque vous faites le plein de votre voiture). Le remplissage nécessite donc lui aussi une bonne concentration et une attention soutenue. Un travail de professionnels rigoureux.
Jean-Philippe GUERIN/TAAF |
Évidemment, les visiteurs ne manquent pas et traversent la piste sans se soucier plus que ça de ces "humains intrus" qui s’acharnent à remodeler une partie de leur banquise. Priorité absolue aux animaux, dans ce cas-là.....on attend !
Jean-Philippe GUERIN/TAAF |
Une fois la cuve remplie, on prend la route en sens inverse, 15 tonnes pour la traction et 12 tonnes pour la charge attelée. A raison de 12m3 par voyage, il nous faudra 42 allers/retours pour convoyer les 500m3 nécessaires. De quoi occuper quelques journées. Ci-dessous le "Challenger" et sa charge......
Jean-Philippe GUERIN/TAAF |
...puis le "John Deere" et sa charge également. Ce seront les deux engins tractants pour cette saison.
Jean-Philippe GUERIN/TAAF |
A l'arrivée sur le continent, au pied de la station Robert Guillard (D0 toujours pour les puristes), une nouvelle équipe est en place pour réceptionner la cuve mobile et la dépoter dans une cuve fixe. Ce jour-là, Samuel le mécanicien de précision et Iban l'électronicien science, étaient à la manœuvre, dans le froid et le petit vent qui caractérise le continent. Tout, sauf une réelle partie de plaisir....
Jean-Philippe GUERIN/TAAF |
Vous l'aurez aisément compris, les transferts de gazole impliquent directement ou indirectement une bonne partie des personnels de la base. Neuf personnes sur vingt et un hivernants ce jour-là.
En premier lieu, les personnels techniques de l'IPEV auxquels il convient de rendre un hommage particulier. Travailleurs de l'ombre, indispensables pour permettre l'existence et le fonctionnement d'une base polaire durant toute l'année, ils sont la cheville ouvrière de la Science française en milieu antarctique.
Et puis les personnels volontaires de Météo France et des TAAF, les autres personnels de l'IPEV comme les scientifiques qui viennent donner un peu de leur temps et de leur énergie pour appuyer cette opération.
Au final, un bon moment de cohésion du groupe.
Nous ne sommes pas encore au bout du chemin car pour qu'un transfert puisse réussir, il faut réunir simultanément quatre facteurs : des conditions météorologiques favorables, une banquise solide, des engins en état de fonctionnement et la disponibilité du personnel.
Et ce n'est pas si simple que ça, de disposer tous ces aspects au même moment.