vendredi 27 mai 2016

Tranches de vie d'une base polaire

Il y a deux saisons en Antarctique.

L’estivale, vrombissante, peuplée, bruyante, condensant sur quelques mois de météo clémente et de débâcle (parfois), travaux, approvisionnement et recherches scientifiques. Les rotations de l’Astrolabe s’enchaînent, les véhicules circulent, les hélicoptères vont et viennent, des avions font escales, tandis qu’une communauté nombreuse s’affaire. La fourmilière polaire est en action. Manchots, oiseaux, mammifères marins et homo sapiens cohabitent sur la poignée de kilomètres carrés qu’ils occupent parmi les 432.000 que compte la Terre Adélie.

L’Astrolabe à quai devant l’île des Pétrels

Escale simultanée de 2 Baslers les 8 et 9 février

…puis il y a la saison hivernale. Le départ du dernier navire de l’été, un 29 février cette année, marque l’arrêt de la frénésie.

Ultime révérence de l'Astrolabe en fin d'été

Pour les 24 personnes qui restent, c’est le calme après la tempête ; telle une boule à neige que l’on cesse d’agiter, les paillettes retombent. La communauté séjournant sur la base Dumont d’Urville (DDU) entame l’hivernage.
Et à changement de rythme, changement de vie.

La première étape se met en place d’elle-même : Nous nous approprions les lieux, les bâtiments et notre environnement. Chacun appose sa patte dans son bureau, son atelier ou sa chambre. Alors que le grand ménage s’opère au printemps en métropole, c’est en début d’hiver qu’il prend place ici. Chacun arrange son nid pour l’année.

A présent, nous sommes en mai.

Deux mois et demi déjà qu’en invités curieux, nous observons : La nuit s’installe après un été de jour permanent, les premiers blizzards sculptent leurs congères, les vents catabatiques trompent la verticalité de ceux qui les affrontent, notre territoire s’étend ou diminue au gré des embâcles et des débâcles, le ciel se peuple d’aurores et laisse éclater une voie lactée dont nous comprenons la juste dénomination.

La voie lactée (Photo Julien Vasseur)

Aurore australe (Photo Alain Mathieu)
  
Blizzard

Autant de nouveautés qui suscitent l’émerveillement, alimentent discussions et pronostiques, et contribuent à compenser le confinement sur notre petite île en attendant le retour de la banquise et l’extension de notre périmètre de sortie.
Le village de Dumont d’Urville suit donc son petit bonhomme de chemin depuis plus de six décennies qu’il accueille ses nouveaux habitants le temps d’une rotation de la terre autour du soleil. Nous sommes cette année la 66ème mission à maintenir cette présence française en Terre Adélie.

 Logo de la mission TA66 (Martin Pabois)

A la question récurrente « qu’est-ce que vous pouvez bien faire là-bas toute la journée ? », chacun répond selon son caractère et sa charge de travail du moment. Que l’on parle météo, ornithologie, sécurité, bâtiment, production d’énergie, communication, glaciologie, informatique, loisirs, mécanique, médecine, haute atmosphère, cuisine ou autres, la base regorge de motifs de curiosité et de découverte.
A la manière des schtroumpfs, nous avons tous ici une place unique, par la fonction comme par la personnalité, qui contribue autant à la complémentarité du groupe qu’à sa richesse.
En voici quelques témoignages, qui éclaireront, nous l’espérons, ceux qui viennent découvrir cet univers polaire pour la première fois, comme ceux qui aiment à suivre la vie de cette base qu’ils ont parfois partagée.

L’ornithologie

Les oiseaux nageurs…

Manchots Adélie : Après des mois d’effort, la saison de reproduction des manchots Adélie  (Pygoscelis adeliae) est terminée. Une fois les poussins émancipés thermiquement, les deux parents ont enchaîné inlassablement les voyages en mer pour obtenir la nourriture nécessaire à l’élevage du ou des poussins en pleine croissance. 

Les manchots Adélie adultes enchaînent les allers-retours entre la mer et la colonie afin de nourrir leurs poussins (Photo Clément Cornec)

Fin février/ début mars, les poussins, alors en fin de mue, ont quitté la colonie et effectué leur premier voyage en mer. Ils y passeront leurs quatre prochaines années, au large, avant de revenir sur la colonie pour se reproduire à leur tour.

Premier bain pour deux poussins de manchot Adélie sous l'oeil des adultes (Photo Clément Cornec)

Manchots Adélie adultes subissant la dégradation des conditions climatiques en attendant de muer (Photo Clément Cornec)

Contrairement aux deux dernières années ou une mortalité très importante des poussins avait été constatée, due notamment à des épisodes pluvieux inhabituels, la dernière saison de reproduction a été relativement bonne. De nombreux couples ont réussi à élever deux poussins.

Manchot Adélie et ses deux poussins (Photo Clément Cornec)

Une fois les poussins partis, il ne restait aux adultes qu’à renouveler leur plumage et à quitter les lieux afin d’échapper aux rigueurs de l’hiver. Le dernier individu a été vu le 6 avril ; nous les reverrons en septembre.

Mais nous ne restons pas seuls en leur absence : Le départ des uns coïncide avec l’arrivée des autres ; mi-mars, ce sont les manchots Empereurs (Aptenodytes forsteri) qui commencent à arriver de manière permanente afin d’entamer leur saison de reproduction. Les manchots Empereurs sont les seuls à se reproduire au cœur de l'hiver austral, de mars à décembre. Cette année, le retour tardif de la banquise nous a privé de l’arrivée des immenses colonnes pouvant compter plus de 500 individus. L’eau libre étant située à proximité de la zone de reproduction, les colonnes étaient par conséquent plus restreintes, comptant tout au plus une centaine d’individus. Les arrivées régulières ont fait croître au fil du temps la colonie qui compte à l’heure actuelle plus de 7500 individus. 

Arrivée de manchots Empereur (Photo Clément Cornec)

A peine arrivés sur la colonie, les manchots s’empressent de trouver un ou une partenaire. Le mois d’avril correspond à la période des parades où les couples se forment pour toute la saison de reproduction, l’espèce étant monogame. Les parades sont en général caractérisées par l’émission de vocalisations et par des postures singulières.

Manchot Empereur paradant (Photo Clément Cornec)

Manchot Empereur vocalisant (Photo Clément Cornec)

Après la copulation et la ponte, la femelle effectue une passation de l’œuf au mâle ; les premières ont déjà eu lieu. Une fois l’œuf transmis, la femelle retourne se nourrir en mer. Elle ne reviendra que deux mois plus tard, au moment de l'éclosion, voire 10 jours après celle-ci. Les mâles auront alors jeûné pendant plus de cent jours.

… et les oiseaux volants

Les oiseaux volants (c’est-à-dire toutes les espèces de procéllariformes et de laridés présentes à DDU) hormis quelques jeunes pétrels géants de l’année ont tous quittés l’archipel pour passer l’hiver austral en limite du pack (amalgame de morceaux de banquise au large) ou en limite du cercle polaire. Une espèce quant à elle, le Skua antarctique, migre dans l’hémisphère nord proche des côtes japonaises. Il ne reste ici qu’une espèce avifaune sur l’archipel : le manchot empereur. 

Pétrel géant (Photo Julien Vasseur)

Les autres espèces

La totalité des mammifères marins de la famille des phocidés (phoque de weddell , crabier, et léopard des mers) ont eux aussi abandonnés l’archipel de façon plus ou moins précoce pour retourner en pleine mer. La banquise gagnant du terrain de jour en jour (quoique deux débâcles importantes ont empêché jusqu’ici qu’une banquise homogène ne se forme) il est maintenant difficile pour ces espèces d’entretenir des « trous d’air » dans la glace. De plus les ressources alimentaires se font rares à cette période. Le phoque de weddell (seul phoque reproducteur en Antarctique française) est donc reparti en mer refaire ses ressources de graisse pour revenir se reproduire en début d’été austral (aux environs de septembre octobre). Le léopard des mer quant à lui, n’est qu’un visiteur occasionnel et opportuniste lors des grandes débâcles. Il est donc possible de l’observer aux abords des îles lorsqu’il chasse les jeunes manchots Adélie partant en mer ou, comme c’est le cas cette année, quelques manchots Empereurs venant se reproduire.

Léopard des mers (Photo Julien Vasseur)

Le gérant postal

C’est avec un grand soulagement que j’ai vu partir le 29 Février les derniers des quelques 19.000 courriers qui ont été traités et renvoyés par les dépêches successives des cinq rotations de l’Astrolabe entre octobre et février. L’entrée dans l’hivernage a donc pu débuter par un grand bol d’air après une période estivale intense.
Le rythme changeant, c’est l’organisation des journées et des semaines qui s’est trouvée chamboulée. Outre le travail quotidien à la gérance Postale consacré à la confection de plis événementiels, au traitement de plis philatéliques, aux inventaires et autres taches diverses…. C’est désormais la vie en communauté qui prédomine.
J’étais arrivé à Dumont d’Urville avec la peur de l’ennui, mais c’est l’inverse qui se déroule.
Malgré le périmètre de sortie restreint en raison des débâcles successives qui empêchent la banquise de se former, les occupations sont nombreuses : La participation aux taches d’entretien de la base (tâches communes que chaque hivernant effectue à tour de rôle), l’aide aux équipes techniques et aux ornithologues grâce à qui on découvre et comprend la faune qui nous entoure, ou simplement les ballades lorsque la météo le permet. A tous les niveaux, l’échange de compétences avec les autres hivernants est très enrichissant.  

La Gérance Postale (GP)

Pour ma part, je dispense également des cours de ping-pong.
La salle de sport est un lieu de détente très fréquenté. Outre les tapis de course, vélos, rameur et appareils de musculation, de nombreux hivernants viennent y pratiquer et partager leur sport habituel. Sur base, l’équilibre entre la prégnance du travail et celle de la vie domestique est spécifique, et à ce titre, la pratique physique et sportive est utile à l’équilibre personnel dans notre mode de vie d’hyper-sédentaire.

La salle de sport


Le radio


Chacun en a l’image d’un opérateur qui assure les transmissions radio, qu’elles touchent les moyens aéronautiques (avions et hélicoptères) et nautiques durant la campagne d’été, ou les personnes durant leurs déplacement à pied ou en véhicule. S’il est vrai que la sécurité est une préoccupation de chaque instant du BCR (Bureau des Communications Radio), de nombreuses autres tâches lui incombent. Citons entre autre :

La maintenance des moyens, avec les installations radio à maintenir au carat (chacun ici dispose d’une radio VHF portable) et les mise en place et tests d’un nouveau relais radio afin d’anticiper l’éventuel démantèlement du mât de 70m qui lui offre actuellement la meilleure couverture géographique.

Les communications avec l’extérieur (téléphonie et internet) via la gestion de notre connexion satellite. Le dernier projet en cours dans ce domaine va établir un lien téléphonique entre DDU et la base franco-italienne de Concordia, base dont nous assurons l’approvisionnement via la plateforme logistique de Prudhomme, située  sur le continent à 5km de la base Dumont d’Urville.

2016 a également inauguré la mise en service d’une station de prélèvement de radionucléides du CEA, dans le cadre du Traité d’Interdiction Complète des Essais nucléaires (TICE). Le BCR en a la charge et effectue quotidiennement prélèvements et analyses.

La période estivale est un moment où le travail est important et l'on sent bien qu'il faut que les choses avancent vite. En comparaison, la période hivernale actuelle est beaucoup plus calme et c'est un tout autre rythme qui s’est mis en place, au niveau du travail comme de la vie sur base.

Bureau des Communications Radio (BCR)

Le département technique

Toutes les compétences y sont regroupées et permettent à la base d’être autonome durant les huit mois d’hivernage : menuisier, plombier-chauffagiste, maçon, outilleur, mécanicien garage et électrotechnicien. 

Outilleur à DDU
L’outilleur, ou tourneur-fraiseur, est une fonction transversale sur la base. Mon travail n’existe que si les autres expriment un besoin, tant pour la conception de pièces inexistantes que pour la réparation des appareils en place. Un jour je conçois une fixation en acier pour connecter la station météo des ornithos sur un trépied de géomètre, un autre j’usine un raccord en polyéthylène pour remplacer le même raccord en laiton corrodé pour la centrale électrique, et souvent  je répare les outils existants d’autres services (affûtage, ré-usinage) ou l’un des nombreux appareils électroménager (remplacement de pièces abîmées ou cassées). Je dispose pour toutes ces opérations d’un stock de matériaux (acier, alu, inox, laiton, plastiques, PVC…) et d’un atelier complet (fraiseuse, tour, perceuse à colonne, scie à ruban) où toutes les pièces sont usinées manuellement.


Atelier de mécanique de précision

En parallèle à mon activité professionnelle, je fais également parti du groupe des pompiers de la base. Nous disposons en effet pour assurer notre sécurité d’équipes de volontaires, tant pour gérer un éventuel incendie que l'organisation d’un sauvetage si cela s'avérait nécessaire. Étant pompier volontaire en France, je contribue à travers cette expérience aux entraînements réguliers et participe aux exercices mensuels qui impliquent toute la base. Plus qu’ailleurs compte tenu de notre isolement, la sécurité est à DDU l’affaire de tous.

Deux autres ateliers : Le garage & la menuiserie

La mécanique à DDU, ça peut être ça...

... ou ça 

La menuiserie

Le chantier de l'hiver
Outre les maintenances planifiées que requièrent la multitude de réseaux et locaux des plus de 50 bâtiments de la base, cet hiver est marqué par un chantier important : La rénovation du bâtiment de vie collective. Le « séjour », comme on l’appelle, regroupe à la fois cuisine, restaurant, bar, bibliothèque, salle de jeux, salle de cinéma, salon de lecture, buanderie … ce qui en fait le centre névralgique de la vie collective comme publique de la base. Sa fréquentation, très modulable,  oscille entre 70-120 personnes en été, à 20-30 en hiver.
Y coordonner vie quotidienne et rénovation est donc un intéressant défi.

Le chantier, lancé sitôt après le départ du dernier navire, a pour objectif la réfection d’une partie de l’intérieur du bâtiment : déplacement de certaines cloisons afin d’agrandir la partie boulangerie/pâtisserie de la cuisine, réorganisation de la zone de lavage et rangement de la vaisselle. Les réseaux électriques et de plomberie seront refaits, ainsi que le sol. Compte tenu de son ampleur, le chantier durera tout l’hiver et devra conjuguer avec les nombreuses contraintes spécifiques à notre environnement et aux moyens disponibles : Évacuation/stockage des déchets et approvisionnement des matériaux de construction en différents sites de la base, conditions météo fréquemment bloquantes pour toute utilisation de véhicule, nettoyage quotidien du chantier afin de conserver une bonne hygiène dans le lieu de vie et les cuisines, disponibilité de l’équipe technique en fonction des obligations collectives de chacun…

Afin de perturber a minima la vie dans le séjour, les travaux s’opèrent par zones. Celle en cours de rénovation est isolée par des bâches, et l’espace de vie demeuré disponible est réaménagé collectivement de manière à conserver salle à manger, bar et espace loisirs/lecture. Ces changements de configuration spatiale sont perçus positivement par notre petite communauté, le renouveau régulier rompant la monotonie. Les coups de main pour les travaux sont nombreux et contribuent finalement à ce que chacun s’approprie une part de ce qui deviendra le cadre de vie des futurs campagnards et hivernants.

Zone de travaux au séjour

Réaménagement du séjour durant les travaux

Le médecin

A DDU,  nous avons un hôpital, petit, mais complet.
Outre le bureau médical, il y a une salle de soins pour les "petites" ou les "grandes" urgences, un cabinet en dentisterie, une pharmacie, et une salle de bloc opératoire. On peut y pratiquer des examens biologiques, des radiographies, et de l'échographie.
C'est un exercice un peu particulier pour un praticien, car au vu de la population à DDU, il n'est pas vraiment "débordé" par les consultations, tout en devant rester prêt à toute éventualité. L’hôpital est donc aussi un lieu où l’on peut simplement venir discuter, prendre un café (la consommation journalière du médecin d'ailleurs, n'est pas très raisonnable...) ou profiter de la pile de BD prête à vous accueillir dans le couloir, qui fait office de salle d’attente (si cela devait s’avérer nécessaire…).
Etant le seul médical sur la base, le médecin  remplit tour à tour un certain nombre de fonctions annexes afin de s’assurer que l’hôpital demeure fonctionnel toute l’année 24h/24 & 7j/7 : Technicien de maintenance, pharmacien, dentiste, biologiste, radiologiste à ses heures, voire chirurgien si une urgence le nécessitait...  Il devient également formateur d'une équipe « médicale » recrutée sur la base du volontariat parmi les hivernants, équipe qui pourra l’assister en cas de besoin. Tout ceci, dans une atmosphère studieuse certes, mais très décontractée.
Ici, nous ne pouvons compter que sur nous-même durant l’hiver, aucune assistance extérieure n’étant possible durant les huit mois de l’hivernage de mars à fin octobre. Si la prévention est notre meilleure alliée, une médecine polyvalente reste essentielle.


Exercice médical : simulation d'intervention chirurgicale lors d'une formation

L’équipe météo

3 personnels Météo-France sont dépêchés chaque année à la base Dumont d’Urville pour y effectuer des mesures météorologiques en surface et en altitude. Depuis 1956, cette longue série de mesures permet de mieux connaître le climat local.
Ce climat polaire se caractérise par des vents de sud-est très puissants : Les vents catabatiques.
Le vent catabatique est un vent de pente qui souffle du centre de l’Antarctique (3200m d’altitude) vers les côtes, sa force est accentuée par le passage de dépressions qui circulent autour du continent et parfois se rapprochent de la côte.
Sur la période 1981-2015, nous avons en moyenne 127.5 jours par an où le vent instantané a dépassé 100 km/h, le record étant de 245 km/h le 25 Mai 1988.
La moyenne annuelle des températures minimales quotidiennes est de –13.6 °C, la température la plus basse est  de –37.5 °C le 4 Août 1990. La moyenne annuelle des températures maximales quotidiennes est de –8.1°C, la température plus élevée s’est produite le 30 Décembre 2001 avec +9.9°C. La confusion est souvent faite entre les températures relativement « douces » rencontrées à Dumont d’Urville et celles extrêmes de la base franco-italienne de Concordia (aussi appelée Dôme C) qui peuvent descendre jusqu’à -80°C.

Avril 2016 a été un mois ensoleillé, frais et plutôt venté, où durant 6 jours le vent instantané a dépassé 140 km/h pour une moyenne de 3 jours. Le record du mois a été de 197,3 km/h le 1er Avril 2016 (et ce n’est pas un poisson).

Lâcher de ballon pour mesurer le vent, la température, l'humidité et la quantité d'ozone en altitude

Le chef de district

Le mois est bien choisi pour illustrer l’un des rôles du chef de district : Maire.
Le dernier événement communal à avoir rassemblé l’ensemble des villageois a été la cérémonie du 8 mai, commémorant  le 71ème anniversaire de la victoire de 1945.

Petite originalité Adélienne cette année : La montée des couleurs a été accompagnée à la cornemuse par notre menuisier. Un moment solennel et très chaleureux, malgré les -25°C et 30km/h de vent (soit -37°C de température ressentie). Cela n’a pas empêché que soit lu en extérieur le message du Secrétaire d’Etat aux anciens combattants, suivi d’une minute de silence en hommage aux victimes de la seconde guerre mondiale.

Cérémonie du 8 mai

Nos chefs !

Etre cuisinier dans un environnement comme DDU, c’est certes assumer le couvert trois fois par jour pour 24 personnes, mais on découvre rapidement que c’est également contribuer au bon moral du groupe. Lorsque l’hiver est là, que les journées raccourcissent et qu’une certaine routine s’installe au quotidien, il faut être capable durant les moments de convivialité et de rassemblement que sont les repas, d’apporter la petite touche  « comme à la maison ». Bien que nous soyons bien achalandés en nourriture, il faut néanmoins faire preuve de créativité pour offrir des menus variés & originaux, prendre en compte les desiderata de chacun et donner le meilleur chaque jour.

A ces petites attentions qui font plaisir doivent se greffer une bonne humeur de rigueur, une implication active dans la vie de notre petite communauté, et le respect d’un temps pour soi autant que nécessaire. Cette alchimie est l’affaire de tous et contribue à entretenir sur la base un esprit de village bien agréable.

La cuisine et ses Chefs

Les observations atmosphériques et glaciologiques

Depuis plus de 15 ans, des Volontaires aux Services Civiques  « Glacio » se relayent sur la base de Dumont d’Urville (DDU) pour réaliser les mesures quotidiennes de chimie atmosphérique afin d’étudier principalement le cycle géochimique du soufre sur ces hautes latitudes. Au niveau du continent Antarctique, la source principale de composés soufrés dans l’atmosphère provient de l’océan par les émissions de diméthyle sulfure (DMS) liées à l’activité biologique du phytoplancton. Ainsi plusieurs prélèvements sont réalisés pour pouvoir quantifier ce composé et ses composés d’oxydation comme l’acide méthane sulfonique (MSA). Ces différents composés interviennent dans la formation d’un certain type d’aérosol (i.e. particules atmosphériques) à savoir les aérosols de sulfates. Ces dernières sont largement étudiées de par le monde, en raison de leur impact important sur le changement climatique et l’effet de serre. En effet, plusieurs composés atmosphériques comme les gaz à effet de serre (CO2, méthane…) et certaines particules absorbent fortement le rayonnement solaire augmentant ainsi le bilan énergétique et par extension la température de surface de la Terre. Il est donc  nécessaire d’effectuer des mesures de suivi au long-terme pour mieux comprendre cette chimie, particulièrement en zone Antarctique qui était jusque-là très peu documentée. 

Laboratoire de glaciologie

La 66ème mission en Terre Adélie est particulière car pour la première fois depuis dix ans, les deux hivernants habituels ont été remplacés par une campagnarde d’été et un seul hivernant scientifique « Glacio ». Le planning, chargé, se déroule bien et les semaines avancent rapidement. En plus des observations de chimie atmosphérique nous avons la charge de mesurer les variations d’accumulation sur le glacier voisin de l’Astrolabe aux abords de la base de Prudhomme. La banquise n’étant toujours pas reformée correctement, ces mesures recommenceront certainement à partir de début juin, nous promettant ainsi de belles excursions hors de l’île des Pétrels qui commence à se faire petite avec le défilement des mois d’hiver.

Station météo et de mesure de la glace sur le glacier de l'Astrolabe

La centrale électrique : le cœur énergétique de la base

La « centrale » est à la base ce que le séjour est aux hivernants : un cœur énergétique, où l’on produit à la fois l’électricité, une partie du chauffage, l’eau douce et de la saumure.

Production électrique : Pour cela, nous disposons de 3 moteurs Caterpillar de 180 kva chacun (un moteur en fonction en permanence délivrant entre 70 et 130 kW, un moteur en secours et un moteur en maintenance). Un stock de 630m3 de gazole permet de les abreuver sans interruption.

La production d’eau douce s’opère via un évaporateur/bouilleur qui a deux fonctions :
La première est de produire l’eau douce de consommation courante en dé-salinisant de l’eau de mer que nous pompons à 400m de la base. L’eau douce produite (4m3 par jour) passe par un minéralisateur et est stockée dans trois cuves avant d’être pompée en permanence vers les quatre bâtiments de la base qui sont alimentés en eau. Afin que l’eau ne gèle pas dans les canalisations de distribution, on utilise la saumure résiduelle (qui atteint les 35°C) issue de l’évaporation de l’eau de mer ; elle est débitée dans une canalisation qui entoure celle d’eau douce et vient jouer le rôle d’isolant thermique. Aucune énergie n’est perdue.   
La seconde est de servir de « réfrigérant » : pour chauffer l’eau de mer et ainsi l’évaporer, nous utilisons l’eau de refroidissement des moteurs (qui atteint les 79°C). Echange de bon procédé, l’eau de mer refroidit ainsi l’eau de refroidissement avant qu’elle ne soit réinjectée dans le moteur. Là encore, la boucle énergétique est optimisée.
Lorsque l’évaporateur ne suffit plus à produire suffisamment d'eau douce pour la base (durant l’été où la population peut monter jusqu’à 110 personnes), un osmoseur vient compléter la production.

Le chauffage : Appelé communément « cogénération », il existe un système de récupération d’énergie des gaz d’échappement du moteur qui permet de chauffer trois bâtiments de la base. Plusieurs autres stations de chauffage sont présentes dans les bâtiments éloignés de la centrale.

Comme on le constate à tous les niveaux, la volonté est d’optimiser au maximum le rendement énergétique par la récupération de l’énergie excédentaire sous toutes ses formes, et limiter ainsi l’impact sur l’environnement. 

Maintenance d'un générateur par l'équipe centrale

Un Lidar à DDU

Objectif du programme
Le programme Ozone Polaire est présent à DDU depuis une quinzaine d’années. Son objectif principal est d’étudier la composition de l’atmosphère (haute troposphère/basse stratosphère) polaire pour comprendre les mécanismes de destructions de l’ozone au dessus du pôle sud.
Pour cela plusieurs types d’instruments sont actuellement déployés sur la base, notamment un spectromètre atmosphérique et un UVB-mètre, qui demandent peu de maintenance. L’instrument principal est un LIDAR, un laser vert qui sonde une colonne d’air sur plusieurs dizaines de kilomètres, lorsque les nuits sont claires.
Vous pouvez le voir à l’œuvre sur la photo de nuit ci-dessous :

Tir de Lidar

Comment fonctionne le Lidar ?
L’instrument est divisé en deux blocs distincts : la partie dite d’émission, et celle de réception. L’émission est assurée par un laser vert, qui traverse les différentes couches de l’atmosphère qui nous intéressent, entre 5 et 30 km d’altitude. Cette lumière monochrome, puissante et uni-directive a la propriété d’interagir avec les particules présentes dans l’atmosphère. Lors de ces interactions, les particules nous renvoient au sol un signal lumineux qui est différent selon leur type et propriétés.
A la réception, un télescope non imageur est dédié à la concentration du flux lumineux reçu des particules de l’atmosphère. Il intercepte les signaux et les envois à un ensemble de détecteurs photomultiplicateurs et à des ordinateurs qui permettent l’interprétation des données observées.

Le métier de Lidariste à DDU
Le poste de LIDARiste (ou encore d’opto-électronicien), est une mission d’instrumentation scientifique d’un an, dans les domaines de l’optique et de l’électronique. Les mesures s’effectuant de nuit, le LIDARiste travaille avec un rythme biologique opposé à celui du reste de la base. Ce poste a pour vocation d’assurer la récupération et le traitement de données climatiques cohérentes sur plusieurs dizaines d’années. Le laboratoire de recherche qui mène les activités LIDAR à DDU s’appelle le LATMOS (Laboratoire Atmosphères, Milieux, Observations Spatiales). La station LIDAR de DDU appartient à un réseau de mesures atmosphériques mondial, regroupé sous l’acronyme NDACC (Network for the Detection of Atmospheric Composition Change).


La base Dumont d'Urville
L’équipe de la mission TA66