mercredi 30 septembre 2020

Un peu d'histoire (1)

Connaissez-vous l'origine du mot "antarctique" ? C'est la question que nous vous posions récemment

Facile : c'est la région opposée à l'arctique (ant-arctique). Mais encore ?

Arctique vient du grec "arktikos", littéralement "relatif au pays des ours" ("arktos" qui signifie "ours"). Parce qu'il y a des ours polaires ? Eh bien, non. Les ours dont il s'agit font plus probablement référence aux constellations de la Grande et de la Petite Ourse, situées près du pôle nord céleste (elles donnent la direction du nord).

Antarctique signifie donc "opposé aux pays des ours". Cela tombe bien, puisqu'il n'y a justement pas d'ours polaire ici - et les phoques en sont paraît-il ravis.

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Et savez-vous quand le continent a-t-il été découvert ? Eh bien comme souvent, plusieurs versions existent, selon le point de vue.

  • Le 19 février 1819, le capitaine au long cours anglais William Smith aperçoit les Shetland du sud, au niveau du 62° parallèle. Il y débarquera quelques mois plus tard, le 17 octobre de la même année, pour en prendre possession au nom du roi Georges III.
Source : Wikipédia

 L'année suivante, trois capitaines vont apercevoir l'Antarctique continental, sans y débarquer :

  • Le russe Fabian von Bellinghausen, le 27 janvier 1820. L'une des bases russes porte aujourd'hui son nom
  • L'anglais Bransfield trois jours plus tard
  • L'américain Palmer, un baleinier, en novembre. L'une des bases américaines porte également son nom
La base américaine Palmer, sur l'île Anvers - Source : Wikipédia

 

Ensuite... les versions divergent. De nombreux phoquiers viennent chasser le phoque, ou plutôt le décimer jusqu'à sa quasi extinction. L'un deux, l'américain John Davis affirme avoir débarqué en 1821 sur l'Antarctique. Il s'agirait de la baie Hughes, en Péninsule toujours, donc en Antarctique de l'Ouest.

Baie Hughes, en Péninsule - Source : Wikipédia

En janvier 1840, le français Jules César Dumont d'Urville franchit le rubicond, débarque au Rocher du débarquement, en Antarctique orientale, et revendique la terre Adélie pour la France. Nous sommes le 22 janvier. Il croise quelques jours plus tard l'expédition de l'américain Charles Wilkes.
 

 
Un an plus tard, c'est au tour de l'expédition de Ross de faire des découvertes importantes. Wilkes, Ross, Bellinghausen, Dumont d'Urville, Weddell, Scott... Un rapide survol d'une carte de l'Antarctique montre à quel point tous ces explorateurs ont laissé leurs noms à la toponymie antarctique.

Les expéditions de Ross en Antarctique - Source : Wikipédia

A suivre ...  

mardi 29 septembre 2020

Réponse : 30 cm ! Et même un peu plus encore

La semaine dernière, nous vous montrions quelques photos de la nouvelle glace. Celle-ci s'est formée en quelques jours seulement, et a repris déjà  ... 30 cm ! De quoi commencer à y circuler, puisque la limite minimale de sécurité est de 20 cm.

Une vraie patinoire ! - Photos : Régis GLIERE

30 cm, c'est bien. 40, c'est encore mieux si l'on veut vraiment progresser en toute sécurité, notamment loin de la base. Comme nous ne pouvons pas non plus faire des sondages tous les 5 mètres, nous nous assurons ainsi de ne pas avoir de mauvaises surprises (car la glace n'est pas homogène partout). Nous sommes donc de nouveau sortis sonder hier, cette fois dans la zone nord-est, espérant bien y trouver au moins 40 cm.

La langue du glacier, quelque part entre la Dent et Florence

Le trajet nous a d'abord mené jusqu'à Florence, en repassant par la Dent, avant de bifurquer vers Derby, puis Pasteur, et enfin les îles Dumoulin. Une journée bien chargée, donc, mais à nouveau riche en (re)découvertes et sensations.

 La glace est dans tous ses états aux abords des îles, zones de travail par excellence :

Et monter sur les îles permet d'avoir une vue plus nette du terrain. Nous pouvons ainsi mieux voir les dangers potentiels de cette nouvelle banquise.

Le but de cette sortie était en réalité double : repérer les rivières et sonder la glace d'une part, et trouver d'éventuels phoques d'autre part. Ces derniers affectionnent particulièrement les zones de fragilité, puisqu'ils peuvent facilement y creuser un trou dans la glace si nécessaire et en sortir. Comme les femelles viennent mettre bas à partir de la fin du mois de septembre, nous avions donc bon espoir de peut-être en apercevoir. Malheureusement cette fois, nous sommes rentrés bredouilles !

Ile Pasteur vue depuis l'est de Dumoulin

Heureusement, les 40 cm étaient bien au rendez-vous, eux ! Au passage, nous avons pu repérer de nombreuses rivières, dont certaines en eau et pas très rassurantes.

Rivière depuis Florence. Celles-ci relient le glacier et les îles ou les bergs, car ces derniers créent des cassures dans la glace
La même vue de plus près. Le vrai danger vient de la neige, qui les recouvre et favorise leur fonte. Pour le moment, la banquise est heureusement bien dégagée
Cette rivière là est encore gelée, mais pour combien de temps ? Le printemps est déjà là et on le sent !

Sur l'une des îles, nous avons même pu apercevoir au loin Cap Bienvenue, qui était jusque là caché par des gros bergs avant la débâcle :

Savez-vous d'où vient son nom ? Voici ce qu'en dit le guide de toponymie : "Cap rocheux situé entre les glaciers de l'Astrolabe et de la Zélée ; nom donné pour la satisfaction d'avoir trouvé un cap non cartographié permettant un repos imprévu aux membres du premier raid de reconnaissance vers l'ouest de la terre Adélie."

Dans Ceux de Port-Martin, Y. Vallette raconte effectivement comment ce raid a progressé vers l'ouest depuis la base du même nom, pour trouver les limites de la terre Adélie. C'est ainsi qu'ils sont tombés un jour sur Pointe-Géologie et ont découvert l'existence de la rookerie d'Empereurs qui y est localisée.

Bref, à présent, les choses se présentent plutôt bien pour la suite des manips phoques. Sauf si la météo en décide autrement, car une nouvelle tempête est annoncée jeudi, avec des prévisions de débâcle possible. A suivre, donc !

lundi 28 septembre 2020

Photo du jour : soleil couchant dans le blizzard

 La photo du jour, c'est ce soleil déclinant filtré par le blizzard.

Les îles du Zodiaque dans le blizzard - Photo : Régis GLIERE

Les vents catabatiques fréquents ici ont pour effet de chasser la neige. Celle-ci brouille la visibilité alors que le ciel peut être complètement dégagé. Dans le pire des cas, on peut même se retrouver complètement désorienté et se perdre sur la base !

Mais lorsqu'il est léger comme ici, il laisse passer le soleil tout en l'atténuant, ce qui est à l'origine de ces visions féériques. Et cette photo est garantie 100% sans retouche ni travail. Vous avez dit magique ?

Ci-dessous, les effets du blizzard le même jour à peu près au même endroit. On distingue bien le ciel dégagé au-dessus. Parfois, la visibilité peut être presque nulle alors qu'il n'y a aucun nuage dans le ciel !


samedi 26 septembre 2020

A la recherche des phoques

Les femelles de phoques de Weddell vont arriver d'un jour à l'autre pour mettre bas dans l'archipel. Le programme 109 du CEBC de Chizé, financé par l'IPEV, les étudie ici (comptages, suivis, etc.). Et qu'affectionnent les phoques ? Les trous bien sûr !

C'est pourquoi nous savons que nous avons les plus grandes chances d'en trouver à proximité des zones de fragilité. Si vous avez bien suivi le blog, vous vous souvenez sans doute que celles-ci se trouvent souvent à proximité des bergs et des îles, car ces derniers fragilisent la banquise.

On distingue très bien les rivières et autres cassures sur cette jeune glace, liées à la présence de ce gros berg             Photos : Régis GLIERE

Nous sommes donc partis cette semaine explorer une zone chaotique par excellence, à proximité du glacier. Il faut bien sûr y progresser avec la plus grande prudence et veiller à ne jamais trop s'approcher des bergs (issus du vêlage du glacier) ou du glacier lui-même, car des morceaux parfois énormes de glaces peuvent tomber à tout moment et sans prévenir.

"Éboulis" de glace tombés du berg

Parce que la banquise travaille, elle se soulève parfois, créant des minis collines appelées "hummock", ou emprisonnant des morceaux de glace qui créent des sortes de sculptures assez féériques.

Sous cette formation, une souille s'est créée, c'est à dire une remontée d'eau qui gèle ou dégèle au cours de la journée, phénomène assez perceptible en cette journée assez chaude (-9°C). Cela ne veut pas dire que la banquise est cassée, heureusement !

 

Ce jour-là, nous n'avons vu qu'un phoque, dont la photo figure dans un article de cette semaine. Mais ce fut aussi l'occasion d'admirer une nouvelle fois certains bergs fascinants :

A votre avis, combien mesure celui-ci ?
 

Bon WE à toutes et à tous !

 

vendredi 25 septembre 2020

Engel : à vous de jouer !

Mercredi dernier, la journée était magnifique. L'occasion était toute trouvée pour aller tester la jeune glace qui s'est reformée depuis la débâcle du 7 septembre. Au programme, ciel bleu et atmosphère printanière. Nous avions pris les paris : 15cm ? 25 cm ?

Une vraie patinoire - Photos : Régis GLIERE

Avec le catabatique des jours précédents, la neige avait été complètement chassée, rendant ainsi la banquise totalement lisse. Bien pratique pour repérer d'éventuels dangers ou rivières en formation.

Alors, combien cette glace mesure-t-elle d'après vous ?

jeudi 24 septembre 2020

Carte satellites du jour : le pack se détend

L'image du jour, c'est la dernière carte satellite qui montre que le pack se détend nettement au large, grâce à cette petite animation concoctée par notre chef météo François.

Source : Nasa WorldView

De quoi faciliter l'arrivée du bateau dans environ 7 semaines, car il est improbable que de la banquise dure puisse se reformer sur une telle distance. 

Dans le même temps, on distingue cependant bien la banquise côtière en train de se reformer au niveau de DDU, un peu grisâtre. A l'ouest, elle semble solide à peu près jusqu'à FRAM, tandis qu'au nord-est, les îles Dumoulin paraissent accessibles. Nous irons d'ailleurs nous en assurer dans quelques jours.

mercredi 23 septembre 2020

Photo du jour : rien ne vaut une bonne sieste au soleil

Cet après-midi était venu le temps des premiers sondages de la nouvelle glace. Avant de vous en dire plus dès demain - les nouvelles sont très bonnes - nous sommes tombés sur ce phocidé isolé qui avait la banquise pour lui tout seul. Elle n'est pas belle, la vie ?

Photo : Régis GLIERE

Pour celles et ceux qui n'ont pas l'habitude, il s'agit d'un phoque de Weddell, nommé ainsi en l'honneur de l'explorateur du même nom, qui conduisit l'expédition éponyme de 1821-1824. La latitude de 74°15s fut atteinte à cette occasion, sans que James Weddell ne trouve la terre, ce qui lui fit conclure à tort que le pôle sud était recouvert par la mer. Une mer en Péninsule porte aujourd'hui son nom.

Source : Wikipédia

Le phoque de Weddell se reconnaît bien avec ses petites tâches caractéristiques. Peu agressif, il n'a que deux prédateurs : l'orque et le léopard des mers. Capable de plonger jusqu'à 600 mètres pendant une heure, il se nourrit essentiellement de poissons, de crustacés et de calmars. Puisqu'il n'y a pas d'ours en Antarctique, il peut se reposer tranquillement sur la banquise, sur laquelle les femelles vont d'ailleurs bientôt venir mettre bas.

A propos d'ours, connaissez-vous l'étymologie du mot "antarctique" ?

dimanche 20 septembre 2020

Photo du jour : la der des ders

 La star du jour, c'est elle :

Une pomme ?! Oui. Car c'était la dernière, qui a été consommée il y a quelques jours.

Pourquoi un article sur ce brave fruit ? Parce que celui qui n'a pas hiverné ne sait pas à quel point la simple vue d'un fruit frais peut parfois affoler les esprits. Qui plus est, cette semaine là a vu une succession de dernières fois : 

- dernier chou rouge frais (les choux se conservent particulièrement bien)

- dernier potiron (en gratin s'il vous plaît)

- dernières pommes de terre (il nous en reste sous d'autres formes, surgelées)

Nous voilà donc à présent dans cette période d'environ deux mois durant laquelle les fruits seront au sirop ou en compote, et les légumes sous vide, en conserve, ou surgelés. Chaque année, nous surgelons également des fruits frais en train de s'abîmer, qui nous permettent d'améliorer l'ordinaire.

En fin de compte, nous sommes heureusement très bien nourris, avec un cuisinier et une pâtissière à temps plein, et des moyens tout autres que ceux des pionniers : l'ère du "pemmican" semble très loin. Le pemmican, c'est un mélange de viande séchée, graisse animale et céréales très utilisé durant les premières missions polaires. Yves Valette dans Ceux de Port-Martin en parle d'ailleurs à plusieurs reprises. D'après wikipédia, c'est une nourriture d'origine amérindienne :

"Le pemmican est une recette typiquement amérindienne à base [...] de graisse animale, de moelle animale, de viande séchée et réduite en poudre, ainsi que de baies. En mélangeant ces ingrédients, on obtient une espèce de pain ou un pâté qui non seulement a la qualité de ne pas moisir et a même la réputation de pouvoir se conserver des dizaines d'années voire plus.

Du pemmican - Source : wikipédia

Les ingrédients utilisés varient en fonction des disponibilités : bison, élan, wapiti ou autres cervidés pour la viande, baies d'amélanchier (saskatoon) le plus souvent, mais aussi cerises, groseilles, baies d'aronia et canneberges pour les baies."

Bien pratique donc, pour les premiers héros polaires, qui ne disposaient évidemment pas du confort actuel. A propos, connaissez-vous les vertus du chou ? (réponse dans quelques jours)

 

Bon dimanche à toutes et à tous !

samedi 19 septembre 2020

Photo du jour : des manchots désorientés

La débâcle n'a pas perturbé que les hivernants : les principaux occupants des lieux ont radicalement changé de comportement devant leur nouvel environnement. Ils ont commencé par s'agglutiner au bord de l'eau :

Empereurs dans l'Anse du Lion après la débâcle - Photos : François GOURAND

Se sont ensuitees formé de longues files, délimitant parfaitement le bord de l'eau ; ou quand celle-ci avait déjà regelé, la limite entre l'ancienne et la nouvelle banquise. Mieux que n'importe signalétique : des manchots ! 

Des auxiliaires de sécurité bien pratiques, qui restent postés 24h/24 et travaillent gratuitement !

Ces longues files sont souvent en mouvement : des que quelques manchots commencent à se déplacer, tout le reste suit comme un seul homme. Très impressionnant !


Ce comportement moutonnier a sans doute un fondement rationnel du point de vue de l'individu : masse critique au moment d'aller à l'eau ? Assurance de pouvoir s'avancer là où les autres sont eux-mêmes passés ? 

Mais il donne parfois lieu à quelques scènes vraiment amusantes, comme en témoigne notre photo du jour (non créditée) :

Euh ?!

Oui, vous avez bien compris : ces quatre là ont tourné en rond un certain temps !


vendredi 18 septembre 2020

Premier passage du trou d'ozone !

 Aujourd'hui, message d'alerte de notre chef météo, @Fgourand , ingénieur chez Météo France :

"Nous nous trouvons en ce moment sous une atmosphère qui contient peu d'ozone, le fameux "trou d'ozone", pas dans la zone la plus défavorable, mais dans une zone où la faible quantité d'ozone stratosphérique laisse passer davantage de rayons ultraviolets, avec un petit pic enregistré à 2,6 d'indice UV ce jeudi à la mi-journée à la station située sur le toit de la gérance postale. La dernière fois que nous avons mesuré un indice UV aussi élevé, c'était le 9 mars, donc en tout début d'hivernage ! Il y a deux jours mardi, nous n'étions pas encore sous ce trou, et l'indice n'atteignait que 1,9 au maximum"

"On voit sur la carte de ce jeudi 17 que nous sommes dans les zones bleues, qui indiquent une faible quantité d'ozone, mais heureusement pas dans les bleus les plus foncés, où il y en a encore moins."
 

© CAMS (Copernicus Atmosphere Monitoring Service)

"Sur la carte proposée pour le vendredi 18, nous serons plus proche d'une tache bleue foncée, ce qui laisse penser, puisque le temps sera ensoleillé, que l'indice UV pourrait grimper autour de 3. " 

© CAMS (Copernicus Atmosphere Monitoring Service)

"Or, cet indice est mesuré sur une surface horizontale tournée vers le ciel, qui ne tient donc pas compte de la réflexion des rayons UV sur la neige et la glace, qui augmente sensiblement la quantité d'UV que nous subissons réellement. Avec un indice de 3, nous rentrons dans la gamme modérée, où il est ainsi recommandé de mettre de la crème solaire (et lunettes adaptées) si l'on reste plus de 30 minutes dehors, a fortiori ici en Antarctique, entourés de neige/glace."

Et que nous réserve la suite ? Du mieux, mais juste pour dimanche prochain : "on voit que nous repassons sur le bord de la zone faible en ozone, ce qui indique la fin de ce premier passage. Mais comme cette zone faible tourne autour de l'Antarctique, il est probable que nous repassions dans quelques jours dans la zone pauvre en ozone, avec un nouveau pic UV. Celui-ci sera sans doute plus élevé encore, puisque le soleil gagne en puissance chaque jour". Bigre !

© CAMS (Copernicus Atmosphere Monitoring Service)

Nous rentrons donc dans une période à risque : l'ensoleillement augmente rapidement de jour en jour et nous avons perdu l'habitude de nous en protéger cet hiver ; tandis qu'au même moment, la couche d'ozone sera la plus mince. Et jusqu'à quand ? Réponse de François :

"La période à risque pour les trous d'ozone court jusqu'à la fin du mois d'octobre, nous garderons un oeil vigilant sur ce paramètre dans les prochaines semaines".

Nous voilà prévenus !