mercredi 24 avril 2019

Pâques à DDU

Week-end de Pâques à Dumont d'Urville à travers quelques photos, essentiellement festives et culinaires. Il faut dire que l'équipe cuisine n'a pas fait les choses à moitié pour l'occasion:

Du chocolat en masse. Merci à Tony, étoile montante de la pâtisserie/chocolaterie, qui recherche toujours désespérément son pantalon noir perdu il y a quelques jours...

Tony, notre pâtissier/chocolatier de course - Crédit photo: Gaétan Heymes
Compositions personnalisées. Chaque hivernant aura la sienne. Vous pouvez chercher, vous n'en trouverez pas deux identiques.

Le cacao n'a pas été le seul à l'honneur ces derniers temps. Bertrand, notre chef de cuisine, y a veillé.
Difficile de dire quand il n'y veille pas d'ailleurs!

Maitre Bertrand en action - Crédit photo: Alain Quivoron
L'agneau était de circonstance, la découpe en direct devant les "clients" également.

Un chef heureux - Crédit photo: Alain Quivoron
Et Tony n'est pas en reste avec son chariot de desserts. Compliqué de concilier tout cela avec les visites médicales trimestrielles. Mais notre médecin est compréhensive... pour l'instant.

 Le plaisir de faire plaisir - Crédit photo: Alain QuivoronT
Et tout cela donne de bonnes tablées bien conviviales, servies quotidiennement par deux gagnants désignés au travers d'un tour de "service base" mensuel établi par un Dista relou, qui n'a décidément que ça à faire.
Il y a deux types de service base, le service de qualité et le service base de "daube". Pour être classés dans la première catégorie, certains ne reculent devant rien et sont près à tous les sacrifices vestimentaires et comportementaux. Guillaume est de ceux-là!

Un service base de qualité - Crédit photo: Alain Quivoron
Pas de sanglier aujourd'hui pour le village gaulois, mais les agapes sont bien là.

Repas de fête - Crédit photo: Alain Quivoron
Un week-end Pascal ne serait pas complet sans chasse aux oeufs. Et Tony intervient à nouveau, aidé de Maëlle et Nico B. cette fois. Fabrication de petits assortiments de chocolat emballés dans un superbe papier brillant que les spécialistes reconnaitront, puis intense moment de réflexion pour trouver des énigmes appropriées avant de camoufler les paquets cadeaux dans les endroits les plus improbables possibles à l'intérieur des bâtiments de la base.

Improbable, c'est le mot - Gaétan visite Biomar - Crédit photo: Gaétan Heymes

Claire dans la réserve - Crédit photo: Alain Quivoron
Il est désormais temps de déguster tout cela...

Repos et dégustation après la chasse - Crédit photo: Alain Quivoron
Ou d'en garder pour plus tard!

La vie est dure en Antarctique - Crédit photo: Alain Quivoron
Un grand merci à Bertrand, Tony, Maëlle et Nico B. Ils n'auront pas ménagé leur peine pour faire de ce week-end de Pâques si particulier, un précieux moment de plaisir et de cohésion qui, ajouté aux autres, constituera le fil du 69ème hivernage.

samedi 20 avril 2019

Débâcle entre les îles

Les chenaux du Lion, Buffon, Pedersen et le passage Est en eaux libres; de mémoire de campagnard d'été (contacté pour l'occasion), on n'avait pas vu ça depuis quelques années.

Débâcle complète dans l'Est de l'île des Pétrels - Crédit photo: Virgil Decourteille
"Venté, gris, doux et neigeux"
C'est ainsi que Gaétan, notre ingénieur météo, qualifie le mois de mars dans son résumé climatologique mensuel.
Mois caractérisé par le passage régulier (tous les 3 à 5 jours) de tempêtes accompagnées de neige, vent fort et relative douceur.
Cette situation n'a pas été sans incidence sur l'activité de la base pour la période considérée. En effet, la conjugaison de celle-ci avec le passage d'une dépression très creusée au large de DDU la samedi 16 mars, générant ainsi une forte houle, a été à l'origine de la désagrégation de la banquise pluriannuelle présente entre les Pétrels, le Lion et les îles de la ZSPA 120 (Zone Spécialement Protégée de l'Antarctique n°120). Pour ceux qui en doutaient encore, notre base est bien implantée sur une île.

A propos de cette fameuse dépression, Gaétan toujours, nous indiquait le 17 mars par message  interne que:
"Celle-ci s'est creusée rapidement jusqu'à 942 hPa en fin de nuit de vendredi à samedi, au Nord-Ouest de DDU (959 hPa au niveau de la mer aux Pétrels hier après-midi). A l'Ouest de ce creux, le fetch (champ d'action du vent en mer pour former la houle) s'est considérablement amplifié, en raison du déplacement rapide vers l'ESE de ce minimum dépressionnaire. Le pic de houle au large a eu lieu hier entre 19 et 22h, avec une hauteur significative (moyenne du tiers des plus fortes vagues) de 7mètres et une période (temps séparant le passage de deux vagues consécutives) de 13 secondes. Elle s'est ensuite propagée jusqu'à DDU, atténuée par le pack au large. C'est cette houle longue, énergétique, que vous pourrez encore voir aujourd'hui, même si elle s'amortit.
Ci-après, la modélisation de l'état de la mer (couleur: mer totale, flèche: direction et hauteur significative de la houle totale) hier à 16 loc".

Etat de la mer au large de DDU le 16 mars à 16h00 loc
Après quelques jours de grand ménage venté, les chenaux sont complètement débarrassés de leurs glaçons, petits et gros. Les connaisseurs apprécieront...

Chenal Buffon - Crédit photo: Alain Quivoron
Le chenal Buffon, entre la piste du Lion (avec ses installations logistiques) et les Pétrels. Vue prise de la descente Antavia à partir de la passerelle d'accès à l'abri-côtier et à la SPEM. L'île Claude  Bernard en face et le glacier de l'Astrolabe en arrière plan. Qui a dit qu'il ne fait pas beau en Antarctique?

Chenal Buffon et île Lamarck - Crédit photo: Alain Quivoron
La congère Antavia est toujours présente et l'anse de la Baleinière reste prise par les glaces sur l'île des Pétrels. En arrière plan, on aperçoit l'île Lamarck et son "donjon" côté gauche.

L'anse du Pré et le passage Est - Crédit photo: Alain Quivoron
L'anse du Pré et ses installations de stockage de gazole (vue partielle). Elle reste encore partiellement englacée. En arrière plan à gauche, le passage Est permet de naviguer en laissant la piste du Lion et l'île Bernard au Nord et l'île Lamarck au Sud.

Chenal Pedersen - Crédit photo: Alain Quivoron
Le chenal Pedersen permet de longer la côte Sud de l'île des Pétrels (zone du mât ionosphérique ou mât "iono") pour aller de l'îlot du Marégraphe à l'anse du Pré. Ile Jean Rostand à gauche, île Le Mauguen à droite.

 Vue globale de la partie Sud Est de la zone - Crédit photo: Gaétan Heymes 
Carte des Pétrels, du Lion  et des îles de la ZSPA 120
Dur constat pour Virgil et Douglas, nos deux ornithologues, qui se voient désormais cantonnés sur un site quasi vidé de ses colonies d'été alors même qu'entre les îles Lamarck et Rostand, les arrivées de manchots Empereur se font chaque jour plus visibles comme le montre la photo suivante prise vers la fin du mois de mars.
La jeune banquise en formation est encore trop faible pour autoriser la circulation piétonne en toute sécurité mais, à -15°C, les choses évoluent vite. L'oiseau emblématique, qui présente la particularité de se reproduire en hiver, sera très bientôt à portée de valise RFID!

Ils arrivent! - Crédit photo: Gaétan Heymes



mardi 16 avril 2019

A la recherche des manchots Adélie transpondés: la dispersion



Journée sur les Iles de Ifo et Fram du 19 décembre 2018
A la recherche des manchots Adélie transpondés : la dispersion.

Cette mission consistait à la pose de valises RFID dotées d’antennes mobiles afin de pouvoir détecter le déplacement de manchots Adélie transpondés de la colonie Antavia (cf article précédent sur la manip transpondage).

En installant ces systèmes sur des sites éloignés de notre colonie pendant plusieurs semaines, on peut détecter de manière opportuniste le passage de nos manchots transpondés : ceux qui sont en vadrouille !
Cet été, nous sommes allés à différents endroits autour de l’île des Pétrels, parfois à pied, ou en bateau (Fig. 1) et hélicoptère (merci l’IPEV !), pour poser ces « antennes à dispersion » :  Cap Jules (environ 30 km), Cap géodésie, les îles Ifo, Fram et Gouverneur…
 
Fig.1: L'équipage en route vers les îles Ifo et Fram - Crédit photo: Mervyn Ravitchandirane - IPEV
 
Nos antennes mobiles sont constituées de deux valises : une valise d’alimentation avec des batteries et un panneau solaire, ainsi qu’une valise d’acquisition constituée d’un module électronique et d’une antenne (Fig. 2).

Fig.2: Les valises d'alimentation et d'acquisition des antennes - Crédit photo: Mervyn Ravitchandirane - IPEV
  
La pose de ces valises se fait de façon stratégique afin qu’elles soient le plus efficace possible : il faut les placer sur les chemins de passage réguliers des manchots ainsi que dans un endroit relativement ensoleillé (Fig. 3).

 
Fig.3: Repérage du lieu afin de poser les valises au meilleur endroit possible - Crédit photo: M. Ravitchandirane - IPEV
 
 Une fois le meilleur endroit trouvé, il faut étendre l’antenne (câble fin posé au sol horizontalement sur plusieurs mètres) et la placer sous la neige pour la camoufler   (Fig. 4).

Fig.4: Pose et mise en oeuvre des valises et de l'antenne - Crédit photo: Mervyn Ravitchandirane - IPEV
  
Ainsi, durant l’été, 11 sites ont été étudiés. Sur ces 11 sites, allant de quelques centaines de mètres de notre colonie à plusieurs dizaines de kilomètres, nos antennes ont détecté 2 280 passages ! Certains individus y sont passés plusieurs fois, avec in fine la détection de 262 profils différents.

Comme tous ces manchots Adélie transpondés figurent dans notre base de données, il est possible de connaitre l’identité de chacun. Par exemple, on peut se rendre compte qu’une grande partie de ces individus (presque la moitié !) sont des « juvéniles », c’est-à-dire des oiseaux transpondés au stade poussin en 2016, qui ont donc maintenant 3 ans. On voit que lorsqu’ils sont jeunes, les manchots ont cette capacité à explorer de nouvelles colonies, à aller voir de nouveaux sites : eux aussi ont envie de voir le monde ! A moins qu’ils ne se soient perdus… !

La plupart de ces juvéniles sont aussi revenus dans la colonie Antavia cette année : peut-être que, l’année prochaine, ils éliront notre colonie pour y tenter leur première reproduction ? Affaire à suivre….

D’autres individus, des adultes cette fois-ci, sont aussi détectés. Ce qui nous intéresse, c’est la part de ces adultes qui ne reviennent pas dans la colonie Antavia depuis un an ou plus. Sur les 262 individus détectés, environ 50 manchots Adélie sont concernés. Ainsi, environ 19 % des oiseaux détectés ne sont pas revenus depuis une année à la colonie Antavia. Cette part renseigne sur les capacités de dispersion de cette espèce, c’est-à-dire sa propension à coloniser de nouveaux endroits. C’est une donnée très importante en écologie et en dynamique des populations, car ces individus que l’on ne voit plus dans la colonie ne sont donc pas morts, mais simplement allés se reproduire ailleurs.

Ce comportement de dispersion peut aussi refléter les capacités d’une espèce à s’adapter face à des changements venant perturber leur colonie : par exemple dans un contexte de changements environnementaux et climatiques, arriveront-ils facilement à quitter la zone pour chercher de nouveaux sites potentiels de reproduction ?

La dispersion est donc une facette très importante de la vie des manchots, que l’on étudie à partir de la base DDU et qui nous offre la possibilité de partir nous aussi, le temps de quelques journées, en « dispersion » !

Douglas Couet (manchologue p.137 TA69) et Mervyn Ravitchandirane (instrumagicien TA69).