mercredi 22 juin 2022

Du gazole à l'eau potable

Vous êtes plusieurs à m'avoir demandé comment nous vivions au quotidien. Parlons aujourd'hui énergies et fluides. 

Vous vous doutez bien que compte tenu de son isolement, la station DDU est totalement autonome pour ses besoins en chauffage, en eau potable et en électricité, trois domaines sans lesquels toute vie humaine serait très complexe en terre Adélie. 

Le cœur du système, c'est la centrale électrique thermique, fonctionnant au gazole (au premier plan, les trois cuves blanches contenant 45 m3 d'eau potable).

Jean-Philippe GUERIN/TAAF

Évidemment, ce n'est pas le mode de production d'électricité le plus écologique qui soit mais si les énergies renouvelables ont bien été tentées en Antarctique (solaire et éolien notamment), force est de constater que la nature n'est pas très "accueillante" pour ces deux technologies (entre vents catabatiques, tempêtes et nuit polaire). Et par ailleurs, le nucléaire est interdit d'Antarctique par les traités internationaux. Donc, à défaut pour le moment d'une solution alternative pérenne, c'est à l'énergie fossile que nous devons notre confort.

Le gazole spécial grand froid (point de congélation à -37°) est livré chaque été par "l'Astrolabe" et stocké dans des cuves disposées en plusieurs emplacements de la base, reliés entre eux par un subtil et complexe réseau de canalisations. 

Audrey A./Marine Nationale

La centrale dispose de trois moteurs de 180 Kwa chacun, permettant de produire une électricité en triphasé de 400V et monophasé de 220V pour les besoins courants. Un seul moteur est en fonctionnement constant et suffit aux besoins habituels de la base. Un second, disposé en secours, est constamment prêt à prendre le relais si besoin était, tandis que le troisième peut se trouver en maintenance. Pour plus de sécurité (ceinture et bretelles mais ici on ne joue pas avec ça), un quatrième moteur de même nature, déporté dans un bâtiment à l'écart, permettrait de subvenir aux besoins élémentaires de la base en cas de destruction de la centrale, par incendie par exemple.

Jean-Philippe GUERIN/TAAF

Le pupitre de commande et de paramètres est digne d'une centrale thermique métropolitaine classique, en modèle plus réduit et adapté aux besoins locaux. La centrale est le seul point de la base qui bénéficie 24h/24 d'une présence humaine. Elle ne doit pas s'arrêter de fonctionner !

Jean-Philippe GUERIN/TAAF

Ces moteurs thermiques produisent donc l'électricité nécessaire à l'ensemble des besoins de la base : vie courante des hivernants, ateliers techniques, appareillages scientifiques, éclairage extérieur, fonctionnement des systèmes de communication  (parabole satellitaire  et relais radio.....). Cette électricité est acheminée jusqu'aux différents bâtiments via des chemins de câbles au sol ou sur pilotis (pas de poteau ou de pylône à cause des vents puissants).

Pour ses besoins en eau chaude, la base est équipée d'un chauffage central composé de trois chaudières à gazole implantées en trois points indépendants, permettant la réalisation de "boucles de chauffage". Ces chaudières fonctionnent en continu (même en été on a besoin de chauffage et de douches chaudes 😏). Un système de cogénération (récupération de la chaleur des moteurs et de l'échappement des moteurs thermiques de la centrale) permet de diminuer la consommation de gazole de la chaudière de la centrale.

Jean-Philippe GUERIN/TAAF

L'eau chaude ainsi produite est distribuée via un réseau de tuyaux extérieurs qui relient les bâtiments entre eux. Compte tenu des températures extérieures, pour éviter le gel des canalisations ainsi qu'une trop grande déperdition de chaleur durant le transport, outre utilisation du glycol (point de gel abaissé), les canalisations sont calorifugées et systématiquement contiguës à une seconde canalisation de saumure (eau chaude iodée issue de la production d'eau potable, voir ci-dessous).

Vianney à gauche et Gaëtan à droite, respectivement adjoint et chef centrale, sont les deux hommes clés du système.

Pauline MARCEL/Institut Polaire Français

Le système de cogénération, qui récupère la chaleur du moteur et de son échappement pour un chauffage d'appoint de la chaudière, permet de diminuer la consommation de gazole (rien ne se perd 👍).

Jean-Philippe GUERIN/TAAF

On peut donc désormais s'éclairer et se chauffer. C'est déjà pas mal. 

Mais il nous faut aussi de l'eau potable pour vivre. Ça, c’est le travail du bouilleur et de l'osmoseur.

Ci-dessous le bouilleur. C'est l’appareil principal. Le principe est simple : On capte l'eau de mer via une station de pompage située au niveau de la banquise dans l'anse du Lion. On l'appelle la SPEM (Station de Pompage de l'Eau de Mer). On l'achemine via des pompes jusqu'à la centrale (47 mètres plus haut). On la fait bouillir pour séparer d'une part l'eau non iodée qui devient donc potable (douche, cuisine, alimentation) de l'eau iodée d'autre part, donc non potable (la saumure, utilisée pour les toilettes et le réchauffage des tuyaux d'eau extérieurs afin d'éviter le gel).

Jean-Philippe GUERIN/TAAF

La base consomme en moyenne 3,5 m3 d'eau potable par jour et la réserve générale est de 45 m3 (voir photo n°1). En été, compte tenu du volume plus élevé de personnels sur la base, le dispositif principal du bouilleur est complété par un osmoseur, système qui fonctionne avec une série de membranes filtrantes recevant de l'eau sous pression et permettant de séparer le sel de l'eau.

Jean-Philippe GUERIN/TAAF

Enfin, pour être tout à fait complet, sachez que les trois cuves d'eau potable (45 m3) sont également la réserve d'eau en cas d'incendie sur la base et que l'eau pompée via la SPEM sert également, via un circuit fermé, à refroidir le ou les moteurs en fonctionnement. 

La SPEM ne peut donc tout simplement pas s'arrêter de pomper car sinon le moteur en fonctionnement n'est plus refroidi, chauffe et doit être arrêté avant de casser, ce qui provoque l'arrêt de la production électricité et donc celui du chauffage et enfin celui de l'eau potable également....Vous m'avez bien compris, ce serait le scénario catastrophe !

Vous savez désormais presque tout de nos énergies et nos fluides.

(article réalisé avec le concours de Nicolas le responsable technique et Gaëtan le chef centrale)

 

3 commentaires:

  1. Je croyais que le Dista était en vacances cette semaine !

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  2. Il a plus de temps de nous faire partager la vie de l'autre coté du monde comme ça ^^

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  3. Lectrice e-assiDDU23 juin 2022 à 18:31

    Bonjour à toute l'équipe. C'est vraiment rutilant !!

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