Prise de possession de la Terre Adélie le 21 Janvier 1840. Dessinée par Louis LEBRETON, chirurgien de 3ème classe de l'expédition. Lith par Sabatier. |
185 ans après, rocher du débarquement, le 27/07/2025. Photo: Adèle Philippe, Médecin de l'expédition. |
Pas moins de 185 ans séparent ces deux images ...
Il y a un peu plus de 185 ans, le contre-amiral Jules Dumont
d’Urville découvrait avec ses hommes, les terres sur lesquelles nous nous
trouvons aujourd’hui et prenait possession de la Terre Adélie au nom de la France,
c’était le 21 Janvier 1840, après que ses hommes aient posé le pied sur le
rocher du débarquement.
C’est en 1837, le 11 Septembre, que cette nouvelle expédition, mandatée par le roi Louis Philippe quitte le port de Toulon avec l’objectif d’explorer les régions de l’océan Antarctique. Composé de 2 navires L’Astrolabe et la Zélée, ils naviguent à travers les océans à la conquête de ces terres inexplorées. Mi-Novembre 1837, ils mouillent dans la rade de Rio de Janeiro. Ils quittent la terre de feu en tout début d’année 1838 en direction des glaces antarctiques.
L'Astrolabe et la Zélée dans les glaces le 06/02/1838. Dessiné par Louis LEBRETON, chirurgien de 3ème classe de l'expédition. Atlas pittoresque.
Le 7 mars, ils se sortent des glaces de la péninsule, non sans difficulté, après avoir fait face à une barrière infranchissable. L’expédition fait route vers l’Océanie où ils demeureront pendant de nombreux mois à travers les îles. C’est dans ces parages notamment que les deux équipages vont affronter la maladie qui terrassera 17 marins, contraignant Dumont d’Urville à laisser 16 autres malades à Hobart vers les premiers jours de décembre 1839.
Apprenant à ce même moment à Hobart que les capitaines James Clarck Ross et Francis CROZIER étaient en route pour le pôle sud, le commandant de l’expédition décide de retenter une expédition vers l’antarctique.
Dès le 1er Janvier 1840, L’astrolabe et la Zélée déploient les voilent et font cap au Sud. Coupant la route de Cook le 15 Janvier, ils atteignent une zone de mer qu’aucun navire n’avait encore sillonné. Le 16 Janvier, par 60° de latitude Sud et 141° de longitude Est, ils aperçoivent la première glace, haute de 50 pieds sur 200 d’étendue. Le 17, les glaces font, pour certaines, 130 pieds de haut sur 400 toises d’étendue.
Buste de Dumont d'Urville installé sur la base, observant de loin le rocher du débarquement. Photo: Pierre BASCELLI |
Finalement, c’est le 20 Janvier 1840, au coucher du soleil à 22h50 que la première terre est aperçue au large du cap de la découverte. Dumont d’Urville écrit "M. Duroch, qui était de quart, avait déjà fixé sa lunette sur un point où un instant il avait cru apercevoir des tâches noires... "Il aperçut à nouveau les rochers, dont la teinte sombre tranchait sur la blancheur des neiges… la terre avait été reconnue de manière non équivoque »
L’Astrolabe et la Zélée mettant à l’eau chacun un canot dès le 21 Janvier 1840, celui de l’Astrolabe comptera notamment à son bord l’enseigne de vaisseau Joseph DUROCH, Pierre Marie DUMOUTIER, préparateur d’anatomie et de phrénologie, Louis Le Breton, chirurgien et dessinateur.
S’éloignant des vaisseaux, jusqu’à les perdre de vue, la petite expédition met le pied sur le rocher du débarquement à 21h suivi de près par le canot de la Zélée. Ils y prélèvent notamment des échantillons de roches avant de prendre possession des lieux au nom de la France, en y plantant le drapeau tricolore.
Eugène DU BOUZET, second de la zélée, embarqué sur le deuxième canot raconte :
« Il était près de neuf heures lorsque, à notre grande joie, nous prîmes terre sur la partie ouest de l’îlot le plus occidental et le plus élevé. Le canot de l’Astrolabe était arrivé un instant avant nous ; déjà les hommes qui le montaient étaient grimpés sur les flancs escarpés de ce rocher… J’envoyai aussitôt un de nos matelots déployer un drapeau tricolore sur ces terres qu’aucune créature humaine n’avait ni vues ni foulées avant nous. Suivant l’ancienne coutume que les Anglais ont conservée précieusement, nous en prîmes possession au nom de la France, ainsi que de la côte voisine, que la glace nous empêchait d’aborder. Notre enthousiasme et notre joie étaient tels alors, qu’il nous semblait que nous venions d’ajouter une province au territoire français par cette conquête toute pacifique. Si l’abus que l’on a fait de ces prises de possession les ont fait regarder souvent comme une chose ridicule et sans valeur, dans ce cas-ci, au moins, nous nous croyions assez fondés en droit pour maintenir l’ancien usage en faveur de notre pays. Car nous ne dépossédions personne, et nos titres étaient incontestables. Nous nous regardâmes donc de suite comme étant sur un sol français. Celui-là aura du moins l’avantage de ne susciter jamais aucune guerre à notre pays. (…) La cérémonie se termina, comme elle devait finir, par une libation. Nous vidâmes à la gloire de la France, qui nous occupait alors bien vivement, une bouteille du plus généreux de ses vins, qu’un de nos compagnons avait eu la présence d’esprit d’apporter avec lui. Jamais vin de Bordeaux ne fut appelé à jouer un rôle plus digne ; jamais bouteille ne fut vidée plus à propos »
Au retour des canots sur les navires vers 23h, Dumont d’Urville écrit :
« Jusque-là et pendant tout le temps où des doutes avaient pu exister, je n’avais point voulu donner de nom à cette découverte, mais au retour de nos canots, je lui imposai celui de terre Adélie. Le cap le plus saillant que nous avions aperçu dans la matinée, au moment où nous cherchions à nous rapprocher de la terre, reçut le nom de cap de la Découverte. La pointe près de laquelle nos embarcations prirent terre, et où elles purent recueillir les échantillons géologiques, fut appelée pointe Géologie ».
Buste de Dumont d'Urville installé sur la base. Photo: Pierre BASCELLI |
C’est ainsi qu’il y a 185 ans, Dumont d’Urville prenait possession de la Terre Adélie au nom de la France, ce 21 Janvier 1840. Il nomma cette terre, Terre Adélie, en hommage à son épouse, Adèle, à qui il consacrait un amour inspirant.
Après des années de navigation, ils avaient quitté le port de Toulon en Septembre 1837 (près de 2 ans et demi auparavant). Parfois dans la difficulté la plus extrême, la maladie, la mort de plusieurs marins et sur le point de renoncer à cette folle aventure, la force de l’équipage, sa volonté inébranlable a permis la réussite de l’expédition et nous permet d’être présent aujourd’hui sur la Terre Adélie, ce bout de France aux confins du monde sur ce continent consacré à la paix et à la science.
185 ans après leurs illustres prédécesseurs, les hivernants de la 75ème mission française se sont rendus sur l'île du débarquement afin de rendre hommage à ces aventuriers qui ont amené un bout de France sur ce continent de glace.
Les hivernants déploient le drapeau tricolore au sommet du rocher du débarquement, comme l'avaient fait leurs illustres prédécesseurs, il y a 185 ans. Photo: Adèle PHILIPPE |
L'histoire ne dit pas si les hivernants de la TA75 ont bu un Bordeaux eux aussi !
RépondreSupprimerMerci pour ce blog toujours intéressant et les différents portraits de cette TA.